Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours - Aide sociale facultative
 

Dossier nos 110176 et 110177

M. X... et M. Y...
Séance du 1er juillet 2011

Décision lue en séance publique le 19 juillet 2011

    Vu, 1 et 2 enregistrées au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale sous les numéros 110176 et 110177 le 15 décembre 2010, les requêtes du président du conseil général de la Sarthe tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale fixer dans le département de l’Orne les domiciles de secours de M. X... et de M. Y... pour la prise en charge des frais d’intervention de la structure dénommée SAMSAH « S... » gérée par l’association départementale des IMC de la Sarthe (IMC 72) par les moyens que M. X... et M. Y... résident dans une structure dénommée « foyer-appartement » avant d’être autorisée comme SAMSAH ; qu’il s’agit d’une structure atypique autorisée par arrêté du 3 août 2004 constituée de 21 logements dont 6 en ville et 15 sur le site au sein de la résidence « R... » réalisée par le foyer M... qui en assume la charge financière ainsi que toutes les autres dépenses annexes (alimentation, entretien, loisirs...) ; que chaque étage est équipé d’équipements collectifs adaptés aux handicaps des résidents et à leurs besoins de vie sociale ; que les adultes sont assistés de façon permanente par des auxiliaires de vie sur place et que le projet prévoit la prise en charge par eux d’une partie de l’animation des locaux et du respect de la vie en collectivité ; que les services rendus sauf hôtellerie et restauration sont donc ceux d’un établissement d’hébergement ; que l’accompagnement par des SAMSAH est sans incidence sur le domicile de secours ; que la dotation globale accordée par le département de la Sarthe intervient pour le financement du personnel accompagnant mais aussi pour des dépenses liées aux parties collectives de la résidence ; que la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale admet dans ces conditions qu’il s’agit d’admission en établissement ne faisant pas perdre le domicile de secours antérieur ;
    Vu la transmission des dossiers de M. X... et M. Y... par le conseil général de l’Orne par lettre du 8 novembre 2010 ;
    Vu, enregistré le 18 mars 2011, les mémoires en défense du président du conseil général de l’Orne tendant au rejet de la requête par les motifs que l’arrêté du 3 août 2004 du président du conseil général de la Sarthe autorise l’ADIMC 72 à créer un SAMSAH de 21 places dont 7 en logement autonome ; que les intéressés ont bénéficié de logements autonomes et qu’il ne s’agit pas de prise en charge de l’hébergement mais d’accompagnement médico-social à domicile ; que n’est pas un établissement un centre où les personnes admises bénéficient d’un service d’accompagnement et de suite tout en résidant dans un appartement indépendant selon la jurisprudence du Conseil d’Etat département du Vaucluse ; que les prestations délivrées par les SAMSAH sont dispensées au domicile de la personne et dans tous les lieux où s’exercent ses activités sociales ; qu’il résulte de l’ensemble des dispositions relatives à ces services qu’ils ne sont pas considérés comme des établissements mais bien comme des services d’accompagnement médico-sociaux à domicile ; que dès lors que les intéressés bénéficient des services du SAMSAH, il ne peut être contesté qu’ils disposent de logements autonomes pour lesquels ils payent un loyer au foyer ; qu’ainsi les conditions de l’article L. 122-2 du code de l’action sociale et des familles ne sont pas remplies en ce qui concerne leurs situations ;
    Vu, enregistrés le 2 mai 2011, les mémoires en réplique du président du conseil général de la Sarthe persistant dans ces précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que M. X... et M. Y... occupent effectivement des logements du SAMSAH ; que cette résidence est une structure dite intermédiaire et relève des établissements et services médico-sociaux prévus à l’article L. 312-I 7o  ; qu’elle offre un hébergement à ses usagers qui sont assistés de façon permanente par des auxiliaires de vie ; que le SAMSAH est de ce fait considéré comme un établissement et non comme un service et n’a donc pas d’incidence sur le domicile de secours ; que la commission centrale d’aide sociale a jugé le 6 février 2009 que les établissements fonctionnant en externat comme les SAMSAH sont bien un établissement et non un service, décision confirmée le 27 novembre 2009 ; qu’en l’état actuel de la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale le critère déterminant est l’attribution de l’aide sociale quelle que soit la nature de l’aide et que dès lors que l’aide sociale légale intervient dans les structures dites intermédiaires comme les SAMSAH, la commission centrale d’aide sociale considère qu’aucun domicile de secours ne peut être acquis ;
    Vu, enregistrés le 31 mai 2011, les mémoires en réplique présentés par le président du conseil général de l’Orne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que la position de la jurisprudence invoquée de la commission centrale d’aide sociale ne vaut que pour autant qu’il n’est pas établi que l’établissement doive être considéré davantage comme un SAVS (ou SAMSAH) que comme un foyer ; que c’est la création d’un SAMSAH qui a été autorisée par l’arrêté du 3 août 2004 et que les décisions de la commission centrale d’aide sociale du 6 février 2009 et 27 novembre 2009 ne s’appliquent pas ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
        Après avoir entendu à l’audience publique du 1er Juillet 2011, Mlle ERDMANN, rapporteure, M. Jean-Louis CORBEAU, pour le département de l’Orne, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant en premier lieu que la jurisprudence Côte-d’Or du 6 février 2009 de la présente juridiction confirmée depuis par la décision département de Paris contre Mesdames X... du 22 avril 2011 a pour unique objet l’application dorénavant par la commission centrale d’aide sociale de la jurisprudence du Conseil d’Etat no 125813 du 26 juillet 1996 concernant l’absence de possibilité d’exiger une participation des personnes handicapées admises dans des foyers d’accueil de jour en semi-internat ou externat à leurs frais d’entretien ; que par contre la même décision confirme que lorsqu’est en cause l’intervention d’un service celle-ci est sans effet sur l’acquisition ou la perte du domicile de secours dans le département de la résidence de l’assisté auprès duquel ce service intervient ; qu’en l’espèce, la question est de savoir, non s’il s’agit d’un service ou d’un accueil de jour, mais s’il s’agit d’un service ou d’un établissement fonctionnant en réalité en internat moyennant la prise en charge de certains frais au moins afférents à l’accueil dans un tel internat par l’aide sociale (veilleur de nuit, matériels divers notamment) ; qu’ainsi la jurisprudence Côte-d’Or comme d’ailleurs à raison de ce qu’il est établi dans le présent dossier, la prise en charge par l’aide sociale de certains frais d’hébergement même s’il ne s’agit pas de frais de loyer et de nourriture, la décision département de Paris contre Mesdames X... demeurent par elles-mêmes sans incidence sur la solution à apporter au présent litige ;
    Considérant en deuxième lieu que celui-ci pose la question de savoir si lorsqu’une structure « atypique » ou « intermédiaire selon le requérant » est autorisée comme un service il est simplement loisible au juge de l’aide sociale de tenir compte de la réalité de la prise en charge qu’elle dispense aux frais de l’aide sociale pour déterminer le domicile de secours ou s’il n’est pas tenu par la qualification de service donnée par la décision d’autorisation, d’ailleurs non contestée, à la structure ; qu’à cet égard il convient de constater que la quasi-totalité des litiges dont est saisie la commission centrale d’aide sociale pour fixation du domicile de secours d’adultes handicapés pris en charge ou accompagnés par un établissement ou un service concerne de telles structures « atypiques » ou « intermédiaires » (il est vraisemblable qu’en 2011 celles-ci sont en nombre comparables aux « foyers traditionnels » pour lesquels les textes existants ont été rédigés et qui ne posent pas de problèmes particuliers...) ; qu’il ne peut qu’être constaté que les collectivités d’aide sociale ne font de ce point de vue aucun usage du régime constitutionnel de l’expérimentation et laissent au juge qui appelle l’attention de la direction compétente de l’administration centrale de l’Etat sur cette question en vain dans ses décisions depuis plus de dix ans le soin d’intervenir pour appliquer à des situations qu’ils n’ont pas prévues des textes datant maintenant de près de quarante ans ; que cette situation n’a d’ailleurs jamais été réellement examinée par le juge de cassation, la décision du Conseil d’Etat département du Vaucluse statuant sauf erreur de la commission centrale d’aide sociale sur la situation moins délicate d’un assisté résidant dans un logement indépendant propriété d’un organisme social (et non du gestionnaire de la structure litigieuse) et où intervenait une structure qui ne dispensait que des prestations de la nature de celles dispensées par un « service » et non par un « établissement » ; qu’en cet état, la question est donc de savoir dans les présentes instances si le juge est tenu par les termes de l’autorisation accordée à un « service » alors même qu’il s’agirait davantage en réalité d’un « établissement » ; que la commission centrale d’aide sociale considère qu’il appartient au juge de plein contentieux même de légalité objective de l’aide sociale de rétablir la réalité de la situation de fait de la structure générant ou non une résidence de nature à faire acquérir et/ou perdre le domicile de secours sans être lié par la qualification éventuellement inexacte donnée à la structure par l’arrêté d’autorisation ; que s’il en était autrement - et ce serait infiniment plus aisé... mais ne correspondrait pas compte tenu des confusions sémantiques constamment rencontrées entre « établissements » et « services » dans la pratique des collectivités d’aide sociale à la réalité, il y aurait lieu seulement de constater l’autorisation comme « service » et d’en tirer les conséquences de droit qui nécessairement s’en évincent, d’où il suit que le service ne comportant pas hébergement son intervention est sans effet sur l’acquisition dans le département du domicile de l’assisté, auprès duquel il intervient, du domicile de secours ; qu’en l’état la commission croit devoir se reconnaitre le pouvoir de requalifier la nature de l’autorisation en fonction de la réalité des interventions qu’elle concerne ;
    Considérant en troisième lieu qu’il résulte de l’instruction que dans le cas d’espèce l’aide sociale légale n’intervient pas exclusivement pour la prise en charge de dépenses qui sont de la nature de celles assumées au titre d’un SAMSAH en application des dispositions des articles D. 312-166 et suivants et notamment D. 312-173 du code de l’action sociale et des familles ; qu’apparaissent étrangères aux dépenses d’un « service » celles prises en charge par l’aide sociale en vertu de l’habilitation qui complète l’autorisation, notamment les dépenses de veilleur de nuit et de financement de divers mobiliers et matériels de la nature de ceux qui sont normalement afférents au fonctionnement d’un établissement en internat ;
    Considérant en quatrième lieu que la circonstance que dans un établissement autorisé l’assisté s’acquitte d’un loyer et supporte ses frais de nourriture sur ses ressources est par elle-même sans incidence sur l’autorisation de l’établissement et en conséquence sur l’absence de conséquences du séjour dans celui-ci sur l’acquisition ou la perte du domicile de secours ; que dès lors qu’il résulte de ce qui précède que la commission centrale d’aide sociale croit devoir admettre qu’elle dispose de la possibilité de caractériser la structure litigieuse en fonction de la réalité de son fonctionnement et éventuellement de requalifier une structure autorisée comme service comme établissement si celle-ci le justifie, la circonstance que MM. X... et Y... s’acquittent d’un loyer est sans incidence par elle-même sur l’autorisation d’une structure constitutive en réalité d’un établissement ;
    Considérant dans ces conditions qu’il y a lieu d’admettre qu’en résidant dans deux des 14 appartements situés sur le site de la structure gérée au Mans par l’association départementale IMC 72 même si le président du conseil général de l’Orne les qualifie d’« autonomes », MM. X... et Y... ont en réalité, nonobstant les termes de l’autorisation considérant dorénavant comme SAMSAH et sans aucune modification du fonctionnement de la structure antérieurement autorisée comme « foyer-appartement », continué à résider dans une structure de la nature de celles dont les caractéristiques doivent conduire le juge à la considérer comme un établissement et non comme un service et qu’ainsi les intéressés n’ont pas perdu en y séjournant le domicile de secours qu’ils avaient antérieurement acquis dans le département de l’Orne ; qu’en écartant une telle qualification le juge devrait considérer comme service une structure d’abord autorisée comme établissement fonctionnant comme tel puis sans modification des autorisations de fonctionnement dorénavant qualifiée de « service » ; qu’il n’apparait pas conforme à la réalité, qui doit pouvoir, particulièrement dans l’exercice de la fonction « d’administration en la forme juridictionnelle » impartie à la commission centrale d’aide sociale pour la détermination de l’imputation financière des dépenses d’aide sociale, de déterminer les charges des budgets départementaux en fonction de la seule dénomination, éventuellement non conforme à la réalité, de la structure par l’arrêté d’autorisation, même si en l’espèce c’est l’auteur de celui-ci qui demande au juge de « requalifier » la structure contrairement aux termes qu’il a lui-même utilisés ;
    Considérant qu’il y a lieu d’ailleurs de relever, pour l’information des parties, que si contrairement à ce qui précède la structure litigieuse devait bien être considérée comme un service, il n’y aurait pas matière à intervention de l’aide sociale légale dès lors que l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ne prévoit toujours à l’heure actuelle la prise en charge par celle-ci que des frais « d’hébergement et d’entretien » dans « les établissements » et non dans « les services » nonobstant le renvoi par l’article L. 344-5 à l’article L. 312-1 lequel concerne quant à lui à la fois les établissements et les services (cf. sur ce point les précisions que la présente juridiction a tenté d’apporter dans sa décision département de Paris contre Mesdames X... précitée) ; que dans cette hypothèse, l’aide sociale facultative interviendrait en fonction du lieu de résidence des assistés qui est dans la Sarthe et sous réserve, question qu’il n’est point besoin de trancher en l’état, de la possibilité pour le règlement départemental d’aide sociale de limiter le bénéfice de l’aide sociale facultative à des personnes qui ont eu auparavant au regard de l’aide sociale légale leur domicile de secours dans le département sans méconnaitre le principe d’égalité devant le service public ; que ce qui vient d’être évoqué n’a certes point besoin d’être tranché pour la solution du présent litige compte tenu qu’il résulte de ce qui précède que la commission centrale d’aide sociale considère la structure comme un établissement mais devrait l’être et préalablement d’ailleurs la question de la compétence même de la commission centrale d’aide sociale pour statuer dans le cadre de l’article L. 134-3 sur l’imputation financière de dépenses d’aide sociale facultative si l’on considérait la structure comme un service auquel cas, comme il vient d’être dit, l’imputation financière de la dépense ne relèverait pas de la détermination d’un domicile de secours antérieur s’appliquant exclusivement à l’aide sociale légale et en l’état du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale les frais incomberaient au département de la Sarthe qui ne fait pas valoir qu’au titre de l’aide sociale facultative il n’aurait pas à prendre en charge des assistés dont le domicile de secours au titre de l’aide sociale légale serait dans d’autres départements ;
    Considérant que, fut ce comme son expérience le prouve depuis plusieurs années de manière répétitive et inutile, la commission centrale d’aide sociale constatera à nouveau que le présent litige comme l’ensemble de ceux dont elle est saisie conduit le juge à se substituer au pouvoir réglementaire voire au législateur pour prendre les dispositions normatives générales permettant une application a minima cohérente et prévisible pour les collectivités d’aide sociale dès lors que ne sont intervenues ni les normes des foyers d’hébergement prévues depuis la loi du 30 juin 1975 (paradoxalement il existe aujourd’hui des normes minimales pour les services mais non pour les foyers), ni les normes régissant les modalités de participation des assistés à leurs dépenses d’entretien dans les foyers autres que les internats, ni plus fondamentalement la révision d’ensemble des textes régissant l’intervention de l’aide sociale pour la prise en charge des dépenses en foyer d’hébergement rédigés en 1975 et 1977 à une époque où il n’existait que des foyers dits traditionnels alors qu’aujourd’hui à l’expérience de la commission existent essentiellement des structures qualifiées d’expérimentales, atypiques ou innovantes pour lesquelles les textes législatifs et réglementaires n’ont pas été conçus et dont la prise en compte contraint le juge, comme il a été dit ci-dessus, à des arbitrages d’une cohérence et d’une prévisibilité pour les collectivités d’aide sociale nécessairement limitées,

Décide

    Art. 1er.  -  Pour la prise en charge des frais entrainés pour l’aide sociale par l’accueil de M. X... et de M. Y... dans la structure dénommée SAMSAH gérée au Mans par l’association départementale IMC 72 à compter du 1er janvier 2009, le domicile de secours de M. X... et de M. Y... demeure dans le département de l’Orne.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er juillet 2011 où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 juillet 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer