Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2320
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Effectivité de l’aide
 

Dossier no 110165

Mlle X...
Séance du 1er juillet 2011

Décision lue en séance publique le 19 juillet 2011

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 9 décembre 2010, la requête présentée pour les consorts X..., Mme B..., Mme D... et M. Y..., par Maître Philippe PAPIN, avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire en date du 24 septembre 2010 rejetant leur demande dirigée contre la décision du président du conseil général du Maine-et-Loire en date du 14 septembre 2009 en tant qu’elle maintient à leur encontre la récupération contre la succession de Mlle X... de la somme de 65 193,46 Euro tout en en reportant le recouvrement au décès de M. X..., le père de l’assistée par les moyens que la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale interprétant la jurisprudence du Conseil d’Etat du 29 mars 1991 a dégagé des critères dont la prise en compte dans les circonstances de l’espèce conduit à les considérer comme ayant assumé de façon effective et constante la charge de leur sœur handicapée comme en témoignent les attestations versées aux débats dont ils font à nouveau citation ; que l’ensemble des pièces du dossier, notamment les attestations qui pourraient être encore plus longuement citées comme les nombreuses photographies versées aux débats, montre leur proximité avec la bénéficiaire de l’aide sociale ; qu’ainsi la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire a dénaturé les faits qui lui étaient soumis et partant violé l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 31 mars 2011, le mémoire en défense du président du conseil général du Maine-et-Loire tendant au rejet de la requête ;
    Vu enregistré le 26 avril 2011, le mémoire des requérants tendant aux mêmes fins et en outre à ce que le département du Maine-et-Loire soit condamné à leur verser 3 000 Euro au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par les mêmes moyens et les moyens que la décision attaquée ne mentionne pas « les noms des juges » ayant siégé et qu’au surplus le Conseil constitutionnel par sa décision du 25 mars 2011 a déclaré non conforme à la Constitution les 2e et 3e alinéas de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles relatif à la composition des commissions départementales d’aide sociale et ce, alors que la décision attaquée n’est pas définitive ;
    Vu, enregistré le 23 mai 2011, le mémoire en duplique du président du conseil général du Maine-et-Loire persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que s’agissant de l’absence de mention du nom des juges il joint le procès-verbal de la commission mais ne peut par contre que prendre acte de la décision invoquée du Conseil constitutionnel ; qu’il ne saurait être question de dénaturation mais d’erreur d’appréciation à établir par les requérants ; que l’absence d’une telle erreur parait avérée par les circonstances retenues pour rejeter des demandes semblables par deux décisions de la commission centrale d’aide sociale du 15 décembre 2006 et du 6 novembre 2007 ; que s’agissant de la demande de condamnation aux frais exposés non compris dans les dépens, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire dans les instances d’aide sociale et en tout état de cause il ne saurait être fait droit à la demande de condamnation dans les circonstances de l’espèce ;
    Vu enregistré le 31 mai 2011, le nouveau mémoire des requérants tendant aux mêmes fins ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er juillet 2011, Mlle ERDMANN, rapporteure, Maître Philippe PAPIN, avocat, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité de la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen ;
    Considérant que les requérants n’ont soulevé qu’après l’expiration du délai de recours contentieux les deux moyens tirés de l’irrégularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire du 24 septembre 2010 attaquée ; que les moyens tirés de l’irrégularité dont il s’agit reposent sur une cause juridique distincte de ceux relatifs à la légalité et au bien fondé de la créance de l’aide sociale soulevés avant l’expiration du délai ; qu’ils sont cependant recevables dès lors qu’un requérant qui ne soulève aucun moyen jusqu’à la clôture de l’instruction et doit être mis en demeure de le faire pour qu’il les soulève jusqu’à la clôture de l’instruction ne saurait être raisonnablement mieux traité qu’un requérant qui motive sa requête mais soulève après expiration du délai des moyens fondés sur une cause juridique distincte de ceux dont fait état cette motivation ;
    Considérant que par l’effet du dispositif et des motifs qui en sont le soutien nécessaire de la décision du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire était lorsqu’elle a siégé le 24 septembre 2010 irrégulièrement composée et les requérants sont fondés à se prévaloir postérieurement à l’intervention de ladite décision de l’irrégularité dont il s’agit ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Sur la demande présentée à la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’antérieurement au décès de Mlle X... ses deux sœurs et son frère lui ont chacun de manière permanente, régulière et constante, dans le cadre d’une organisation du groupe familial - et même si les relations de l’une des deux sœurs avec l’assistée étaient encore plus fortes au vu de certaines attestations versées au dossier que celles des deux autres collatéraux de Mlle X... - apporté un concours qui par sa permanence, sa régularité et son intensité est de la nature de ceux caractérisant dans le chef de chacun des requérants la charge effective et constante de la personne handicapée au sens et pour l’application de L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ; qu’il en va ainsi notamment de l’accueil une fois par mois durant les fins de semaine aux domiciles de la fratrie, accueil d’abord assuré tous les mois par les parents puis lorsque cela ne fut plus possible alternativement tous les trois mois par chacun des frère et sœurs ; qu’il en est ainsi encore, ce qui est établi notamment par les attestations des membres du personnel du foyer, du constat de ce qu’après que l’évolution de l’état de santé de Mlle X... lui eut interdit de se déplacer, le contact en fin de semaine avec la fratrie s’est poursuivi dans les mêmes conditions d’alternance et de régularité qu’antérieurement les visites dans les familles de M. X... et de Mmes B... et D... ; qu’il ressort des mêmes attestations comme d’autres attestations de personnes dont le témoignage présente un caractère de fiabilité suffisante versées au dossier que les requérants ont apporté à leur sœur un concours (mesure de protection) et des attentions personnelles et affectives constantes et réfléchies ; qu’encore Mlle X... a passé des vacances avec au moins deux des membres de la fratrie ; qu’enfin les attestations et photographies versées au dossier établissent non pas des participations épisodiques ou occasionnelles à des fêtes de famille mais l’association intime de l’assistée à la vie du groupe familial et aux manifestations de celle-ci qui jouait, selon les attestations du personnel du foyer, un rôle important dans l’équilibre psychologique et affectif de Mlle X... ; que la commission, qui s’efforce de conserver dans les décisions relatives à l’application de la notion de « charge effective et constante » au sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat no 81439 du 29 mars 1991 par construction dépendante d’une appréciation spécifique dans les circonstances particulières de chaque espèce une certaine cohérence, ajoutera que les deux décisions dont se prévaut le président du conseil général du Maine-et-Loire portent sur des situations différentes ; que dans celle du 15 décembre 2006, la commission relève des aides « ponctuelles », des invitations « aux réunions de famille » dont les modalités ne sont pas explicitées et des « visites » alors qu’il résulte de ce qui précède que par leur permanence, leur régularité et leur intensité les diligences litigieuses sont allées au-delà de ce simple exercice ordinaire de la solidarité familiale dans les circonstances de l’époque où celle-ci doit être appréciée... ; que la seconde décision du 6 novembre 2007 relève pour faire droit à la contestation soulevée pour la première fois en appel de l’un des membres de la fratrie selon lequel il avait apporté à l’assisté une aide de la nature de celle requise pour qu’il n’y ait lieu à récupération à son encontre, que cette preuve est apportée ; que cette décision n’implique pas qu’il ne puisse être reconnu dans la présente instance comme cela l’a été dans d’autres que l’ensemble des membres du groupe familial ne puissent être regardés comme ayant apporté à leur sœur chacun pour ce qui le concerne l’aide exigée par les dispositions précitées ;
    Considérant ainsi que les requérants sont fondés à soutenir que c’est par une inexacte appréciation (et non dénaturation le juge d’appel n’est pas juge de cassation...) des circonstances de l’espèce que la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire a considéré que « si l’affection et les soins dont Mlle X... a pu bénéficier de la part de son frère et de ses sœurs ainsi que de la famille proche ne sont pas remis en question (...) la charge effective et constante envisagée par les dispositions de l’article L. 344-5 (...) n’est pas établie », le refus de la qualification litigieuse procédant de l’inexacte appréciation ainsi portée ;
    Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce sur le fondement de l’article 75-I de loi du 10 juillet 1991, qui s’applique y compris lorsque comme en l’espèce l’instance peut être intentée sans le concours d’un avocat, de condamner le département du Maine-et-Loire à verser aux consorts X... la somme de 1 500 Euro au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire et du président du conseil général du Maine-et-Loire du 24 septembre 2010 et du 14 septembre 2009 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de la succession de Mlle X... au titre de l’un quelconque des héritiers pour le recouvrement de la créance correspondant aux prestations avancées par l’aide sociale au titre de l’aide sociale à l’hébergement des adultes handicapés pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien en foyer.
    Art. 3.  -  Le département du Maine-et-Loire paiera aux consorts X... la somme de 1 500 Euro.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er juillet 2011 où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 juillet 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer