Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2400
 
  OBLIGATION ALIMENTAIRE  
 

Mots clés : Commission départementale d’aide sociale (CDAS) - Composition de la formation du jugement
 

Dossier no 110854

Mlle X...
Séance du 1er octobre 2010

Décision lue en séance publique le 1er octobre 2010

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 9 août 2010, la requête présentée par M. X... demeurant dans le Puy de Dôme, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Cantal en date du 8 juin 2010 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général du Cantal en date du 19 novembre 2009 admettant M. Y... à l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge des frais d’hébergement à l’EHPAD E... du 3 avril 2009 au 31 décembre 2011 compte tenu d’une participation conjointe des obligés alimentaires fixée à 15 % de la dépense totale, soit 192 Euro par mois ;
    Vu enregistré le 9 août 2010, le mémoire distinct par lequel M. X... demande à la commission centrale d’aide sociale de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de la constitutionnalité des dispositions codifiées à l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles par les moyens que la formation de premier jugement comprenait notamment deux conseillers généraux en application de cet article ; que l’attribution et le paiement des aides sociales départementales résultent de l’exercice des compétences respectives mais interdépendantes des conseillers généraux et du président du conseil général en application, selon l’article 72 de la Constitution, des articles L. 3122-1, L. 3221-1, L. 3214-1, L. 3212-1, L. 3221-9, L. 3221-2, L. 3312-5 du code général des collectivités territoriales et L. 121-1 3e alinéa, L. 121-3, L. 131-2, L. 134-1 et L. 134-6 litigieux du code de l’action sociale et des familles ; que les conseillers généraux membres de la commission départementale d’aide sociale sont avec le président du conseil général les représentants communs de la même personne morale ; que dans ces conditions les dispositions codifiées à l’article L. 134-6 en tant qu’elles prévoient que la commission départementale d’aide sociale est composée de trois conseillers généraux élus par le conseil général peuvent être reconnues comme ne respectant pas l’article 16 et l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 cités au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 en leurs principes de séparation des pouvoirs et d’égalité ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment son article 16 ;
    Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;
    Vu l’article 22-2 de la loi organique du 10 décembre 2009 ;
    Vu les dispositions codifiées à l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles dans leur rédaction issue en dernier lieu de l’article 53 de la loi du 6 janvier 1986 ;
    Vu le code de justice administrative ;
    Vu l’article 2 du décret 2010-148 du 16 février 2008 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er octobre 2010, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 23-1 de la loi organique du 10 décembre 2009 : « (...) le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution (...) peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat (...) » ; qu’à ceux de l’article 23-2 de la même loi : « les juridictions statuent sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat (...). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
    1o La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites.
    2o Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances.
    3o La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux (...).
    La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’Etat (...) dans les 8 jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties (...) » ; qu’à ceux de l’article 23-3 : « lorsque la décision est transmise la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil d’Etat (...) ou s’il a été saisi du Conseil constitutionnel » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles qui reprend des dispositions de l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale issues en dernier lieu de l’article 53 de la loi du 6 janvier 1986 : « la commission départementale » d’aide sociale « comprend trois conseillers généraux élus par le conseil général » ;
    Considérant que M. X... soutient que ces dispositions sont contraires aux articles 1 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
    Considérant que cette contestation est formulée dans un mémoire distinct et motivé ; qu’en toute hypothèse les dispositions de l’article 7 du décret loi du 3 octobre 1935 prévoyant cette composition ont été reprises par l’article 53 précité de la loi du 6 janvier 1986 qui est une loi délibérée et votée par le Parlement ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale du Cantal a rejeté au fond la demande de M. X... ; qu’au demeurant, quelle que puisse être la recevabilité, notamment quant au délai de la demande à la commission départementale dirigée contre la décision du président du conseil général du Cantal du 19 novembre 2009, le moyen tiré de ce que cette demande a été examinée par une formation siégeant dans des conditions contraires aux dispositions constitutionnelles applicables justifie l’examen de la question prioritaire de constitutionnalité, le requérant pouvant se prévaloir du droit constitutionnellement sanctionné à un procès équitable devant un juge indépendant et impartial ; qu’il y ait lieu pour ce juge de rejeter sa requête au fond ou pour irrecevabilité alors que les dispositions de l’article R. 771-8 du code de justice administrative ne sont pas applicables devant les juridictions d’aide sociale - et en l’état ne peuvent d’ailleurs l’être - en application de l’article 2 du décret 2010-149 du 16 février 2010 ;
    Sans qu’il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
    Considérant qu’il est constant que lors de l’audience et du délibéré qui a suivi de la commission départementale d’aide sociale du Cantal attaquée en date du 8 juin 2010 ont siégé deux conseillers généraux du département du Cantal ;
    Considérant qu’en soutenant que les dispositions législatives critiquées sont contraires à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution », M. X... se prévaut de la méconnaissance tant du principe d’indépendance que du principe d’impartialité de toute juridiction, notamment administrative ; que d’ailleurs en faisant état de ce que « l’attribution et le paiement contrôlé des aides sociales résultent de l’exercice des compétences respectives mais interdépendantes du conseil général et du président du conseil général, en application » notamment des « articles L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales et L. 121-3 du code de l’action sociale et des familles (...) L. 3212-1 du code général des collectivités territoriales », M. X... met nécessairement en cause le respect du principe d’impartialité comme du principe d’indépendance en tant que l’un comme l’autre sont garantis par des dispositions de valeur constitutionnelle qu’il invoque ;
    Considérant que si le moyen tiré de la contrariété des dispositions législatives relatives à la composition d’une juridiction aux normes supérieures n’est pas en règle générale pour le juge administratif un moyen d’ordre public, celui tiré de ce que les dispositions législatives applicables à la procédure devant la juridiction de première instance ont été appliquées par celle-ci alors qu’elles seraient contraires à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et ainsi nécessairement aux principes susrappelés peut être soulevé à toute hauteur de la procédure et, notamment, non seulement devant le juge de première instance mais dans l’instance d’appel ; que le moyen tiré de la contrariété de la composition d’une juridiction prévue par la loi aux dispositions et aux principes susrappelés est un moyen applicable à la procédure devant le juge de l’aide sociale au sens des dispositions précitées de l’article 23-2 de la loi organique du 23 décembre 2009 ;
    Considérant que les dispositions critiquées issues, comme il a été dit, de l’article 53 de la loi du 6 janvier 1986 n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui n’a pas été amené à statuer en ce qui les concerne ;
    Considérant qu’à tout le moins la branche du moyen tirée de la méconnaissance des dispositions de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce que ces dispositions garantissent le respect du principe d’impartialité indissociable de l’exercice de toute fonction juridictionnelle n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à demander que la question prioritaire de constitutionnalité qu’il soulève soit transmise au Conseil d’Etat,

Décide

    Art. 1er.  -  La question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X... est transmise au Conseil d’Etat.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise dans le délai 8 jours à compter du 1er octobre 2010 au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat par les soins du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale.
    Art. 3.  -  Il est sursis à statuer sur la requête de M. X... dirigée contre la décision de la commission départementale d’aide sociale du Cantal du 8 juin 2010 jusqu’à la transmission à la présente juridiction, soit de la décision du Conseil d’Etat décidant de ne pas transmettre la question, soit de la décision du Conseil constitutionnel y statuant, l’instruction de l’instance no 100854 se poursuivant dans l’intervalle.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée par les soins du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, à M. X... et au président du conseil général du Cantal.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er octobre 2010 où siégeaient M. LEVY, président, Mme AOUAR, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 1er octobre 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer