Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2320
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Récupération sur succession - Procédure - Contradictoire
 

Dossier no 110478

Mme X...
Séance du 6 octobre 2011

Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011

    Vu enregistré au secrétariat de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Lozère le 7 février 2011, la requête présentée par M. X..., demeurant dans le Rhône, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère en date du 30 novembre 2010 rejetant sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général de la Lozère du 28 juillet 2010 décidant d’une récupération contre la succession de Mme X... par les moyens que le statut de personne handicapée à plus de 80 % de celle-ci depuis 1974 n’a jamais été pris en compte ; que la loi du 11 février 2005 a prévu au second alinéa de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles la précision que les dispositions de l’article L. 344-5 du même code s’appliquent pour les personnes âgées de plus de 60 ans qui n’ont jamais été hébergées en établissement pour personnes handicapées dès lors qu’elles ont un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80 % ; que cette position est confirmée par la doctrine juridique ; que le conseil général de la Lozère n’a pas répondu à ses interrogations concernant la prise en charge de Mme X... en tant que personne handicapée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 7 juillet 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Lozère tendant au rejet de la requête par les motifs que lors du recours devant la commission départementale d’aide sociale il a été démontré que les justificatifs produits servaient de base à la décision contestée et qu’il avait été fait application des dispositions du code de l’action sociale et des familles articles R. 132-11 et L. 132-8 ; que lors de l’audience il a été rappelé que les héritiers ne sauraient avancer qu’ils n’ont pas été informés de l’existence des recours ; que l’administration n’a pas à informer les successeurs éventuels du bénéficiaire de l’exercice d’un tel recours ; que le conseil général vérifie que le demandeur d’aide sociale avait pris connaissance des conséquences de l’admission à l’aide sociale comme le prouvent les attestations signées des 6 septembre 2004 et 27 avril 2009 ; qu’à la suite des précisions apportées par le notaire le 12 octobre 2010, le montant de la récupération a été ramené à 10 698,25 euros ; que le nouveau motif de contestation formulé en appel n’a jamais été présenté auparavant ; que si par extraordinaire la commission centrale d’aide sociale acceptait d’examiner le recours présenté sur la base de ce nouveau motif et si Mme X... devait pouvoir prétendre à l’exonération de récupération sur succession, il est joint un état des frais engagés indiquant une répartition entre la créance constituée avant et après la date de publication de la loi du 11 février 2005 qui conduirait, le cas échéant, à ramener le montant de la créance à la somme de 2 705,72 euros ;
    Vu enregistré le 9 août 2011, le mémoire en réplique de M. X... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et les moyens que la demande adressée au président de la commission départementale d’aide sociale et la lettre au président du conseil général de la Lozère formulaient la demande expresse de communiquer tous les justificatifs du dossier étant donné que MM. X..., Y... et Z... n’ont jamais reçu de factures détaillées afférentes aux paiements de l’aide sociale ; que ces justificatifs n’ont jamais été transmis contrairement à ce que soutient le président du conseil général de la Lozère ; que la lettre du 9 novembre 2010 lui indiquant qu’il pouvait être entendu devant la commission départementale d’aide sociale est entachée d’erreur en s’adressant à Mme X..., en précisant que la commission examinera une demande relative à la protection complémentaire CMU ; qu’enfin la convocation ne fait jamais état de la constitution d’observations écrites et précise seulement qu’il y a possibilité pour le demandeur d’être entendu ; que c’est pour cette raison et en parfaite ignorance de la procédure écrite que MM. X..., Y... et Z... ont décidé de présenter leurs argumentaires oralement devant la commission départementale d’aide sociale ; qu’ils n’ont d’ailleurs jamais remis d’argumentaire écrit avant la réunion de celle-ci ; que lors de cette réunion, la présidente n’a pas souhaité prendre en compte les nouveaux arguments de MM. X..., Y... et Z... - repris en appel - au motif qu’ils n’avaient pas été présentés sous forme écrite et leur a conseillé de former une requête auprès du président du conseil général de la Lozère afin qu’il prenne en considération ces nouveaux arguments, ce qu’ils ont fait le 10 janvier 2011 ; que copie de cette requête a été transmise à la présidente de la commission départementale d’aide sociale à la même date afin que ces nouveaux éléments soient pris compte ; qu’à ce jour le conseil général n’a pas répondu à ce courrier ; qu’il aurait dû informer les obligés alimentaires des conditions d’exonération du remboursement de l’avance de l’aide sociale pour les personnes handicapées lors du renouvellement de la demande de l’aide sociale ; qu’il ne saurait se prévaloir de l’ignorance de cet état de fait, la maison départementale des personnes handicapées qui a validé le statut de personne handicapée à plus de 80 % de Mme X... étant sous son autorité directe et sa responsabilité ;
    Vu enregistré le 11 août 2011, le mémoire du président du conseil général de la Lozère persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu l’article 18 de la loi du 11 février 2005 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 6 octobre 2011, Mlle ERDMANN, rapporteure, M. X..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur l’étendue ratione personae de la saisine de la commission centrale d’aide sociale ;
    Considérant que les trois cohéritiers ont saisi la commission départementale d’aide sociale de la Lozère ; que, toutefois, le dossier ne permettant pas de déterminer si la décision a été notifiée ou non à MM. Y... et Z... qui étaient en fait, nonobstant la mention du seul nom de M. X... en haut de la demande, également signataires de celle-ci et qui demeurent recevables s’il n’est pas justifié d’une notification de la décision du premier juge à leur égard à saisir la commission centrale d’aide sociale, seul M. X... a saisi celle-ci en appel en des termes qui d’ailleurs ne peuvent être interprétés comme impliquant pour le juge d’appel l’obligation de régulariser la requête en ce qui concerne MM. Y... et Z... ; que la requête n’est donc recevable qu’en ce qui concerne M. X... et la décharge ne sera accordée qu’en proportion de ses droits dans la succession de Mme X... ;
    Sur la recevabilité des moyens soulevés devant la commission centrale d’aide sociale et la régularité de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère ;
    Considérant que M. X... ne peut être regardé comme ayant motivé sa demande à la commission départementale d’aide sociale en se bornant à demander à l’administration de « bien vouloir (...) fournir dans les meilleurs délais le dossier justifiant la somme énoncée dans » la décision de récupération « ainsi que tous les justificatifs permettant le décompte de ce montant » ; qu’à la vérité compte tenu de la confusion dans l’esprit des administrés et dans les pratiques par exemple dans le département de la Lozère entre commission départementale d’aide sociale et services du conseil général, il serait loisible à la commission centrale d’aide sociale de voir dans cette formulation, un moyen tiré de l’absence de justification de la créance récupérée mais qu’elle n’entend pas s’engager dans une telle interprétation qui en l’espèce compliquerait encore les choses ; qu’il appartenait donc à la commission départementale d’aide sociale d’inviter les demandeurs de première instance à motiver leur demande, ce qui n’a pas été fait (les obligations des premiers juges ne pouvant raisonnablement être différentes de celles imposées au juge d’appel) ; qu’en outre les demandeurs n’ont jamais été destinataires du mémoire en défense de l’administration qui les aurait selon toute vraisemblance amenés à motiver leurs prétentions ; que si la décision attaquée ne fait état que de l’audition du représentant de l’administration (!) il doit être tenu comme établi et du reste non contesté en appel que M. X... était bien présent à l’audience de la commission départementale d’aide sociale qui s’est tenue le 30 novembre 2010 ; que faute qu’il ait été destinataire d’un mémoire en défense il a entendu exposer alors oralement le moyen du « statut de handicapée » de Mme X... qu’il reprend en appel ; qu’il n’est pas contesté (et qu’il est au demeurant parfaitement plausible...) que la présidente de la commission départementale d’aide sociale lui ait indiqué ne pas entendre prendre en considération ce moyen qui - et pour cause ! - n’avait pas été exposé dans la procédure écrite et l’a invité à reformuler une contestation auprès de l’administration, ce qu’il a fait postérieurement à la notification de la décision attaquée tout en prenant soin - opportunément (...) ! - de formuler le même moyen « nouveau » dans sa requête d’appel ; que si les motivations des décisions des premiers juges font en principe foi en ce qu’en l’espèce elles n’indiquent pas que M. X... aurait été entendu ce n’est que jusqu’à preuve contraire ; qu’il résulte de ce qui précède que cette preuve peut être regardée en ladite espèce comme apportée (...) ;
    Considérant, par ailleurs, que M. X... soulève postérieurement à l’expiration du délai de recours contentieux les moyens susvisés tirés de l’irrégularité de la procédure devant les premiers juges et de leur décision ; que ces moyens doivent être regardés comme recevables dès lors qu’il est de jurisprudence que le juge d’appel ne saurait rejeter une requête comme non motivée sans inviter le demandeur à régulariser et qu’il serait dans un tel contexte jurisprudentiel dès lors illogique et de plus inéquitable d’opposer aux requérants d’appel la tardiveté de certains moyens présentés dans des mémoires postérieurs à l’expiration du délai d’appel alors que leurs requêtes présentées dans ledit délai avaient été quant à elles motivées... ; que pour dire les choses « juridiquement » la jurisprudence intercopie ne s’applique que lorsque sont applicables les dispositions du code de justice administrative imposant la motivation de la requête d’appel dans le délai de recours contentieux, ce qui n’est pas le cas devant la commission centrale d’aide sociale ; que la commission centrale d’aide sociale s’estime donc en droit d’examiner les moyens formulés par M. X... relatifs à la régularité de la décision attaquée ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens relatifs à la régularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère du 30 novembre 2010 ;
    Considérant que le principe général du contradictoire s’impose même en l’absence de textes relatifs aux modalités de la procédure devant une juridiction administrative telle la commission centrale d’aide sociale ; que même s’il est jugé en dernier lieu par la jurisprudence (dernière décision C.E. no 94562 du 17 mars 1993 publiée, mais sur un autre point, avec les conclusions du commissaire du Gouvernement à la Revue trimestrielle de droit sanitaire et social, décision dont on se saurait exclure qu’elle ait été depuis lors confirmée par des décisions non publiées)... ! que ce principe n’est pas méconnu lorsqu’en l’absence de demande de requérants (particulièrement juridiquement autodidactes... !) les pièces de la procédure au nombre desquelles paraissent bien figurer les mémoires et non seulement les pièces jointes ne sont pas communiquées à ces requérants, il n’apparait pas possible en l’état à la présente juridiction de maintenir dix-huit ans après compte tenu de l’évolution des garanties offertes notamment par les contrôles de conventionalité et de constitutionnalité une telle jurisprudence quelles que puissent être les raisons « pratiques » qui contribuent à l’expliquer (souci ne pas « alourdir la tâche... » de secrétariats au demeurant non rémunérés par le ministère de la justice...) ; que la présente formation tient d’ailleurs pour sa part la main à ce que les mémoires en défense ou apportant des éléments nouveaux soient à tout le moins communiqués aux requérants d’appel ; qu’en l’état la solution retenue ne saurait être regardée comme correspondant aux exigences actuelles en l’état actuel du droit concernant le respect du principe du contradictoire ; qu’il n’est pas contesté - le contraire ne ressort pas du dossier - que le mémoire en défense présenté à la commission départementale d’aide sociale de la Lozère par le président du conseil général de la Lozère n’a pas été communiqué à M. X..., ce qui contribue d’ailleurs, comme il a été indiqué plus haut, à expliquer que sa demande n’ait pas été motivée jusqu’à la clôture de l’instruction écrite ; qu’il suit de ce qui précède que le principe du contradictoire qui s’applique à toute juridiction administrative a été dans ces circonstances méconnu ; qu’il y a lieu en conséquence d’annuler la décision attaquée et de statuer par la voie de l’évocation ;
    Considérant que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus énoncés le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 18 de la loi du 11 février 2005 ne saurait être regardé comme présenté tardivement devant la commission centrale d’aide sociale ; que le juge d’appel statue dans le cadre de l’évocation comme juge de première instance, l’instruction devant ce juge se poursuivant devant lui ; que s’il est vrai que pour autant il ne saurait prendre en compte même en cas d’évocation des conclusions nouvelles en appel cette règle ne trouve pas application en l’espèce où est en cause la seule recevabilité du moyen tiré de la violation de l’article 18 de la loi du 11 février 2005 alors que la commission départementale d’aide sociale non plus d’ailleurs que la commission centrale d’aide sociale n’ont invité M. X... à régulariser sa demande devant la commission départementale d’aide sociale ; qu’il suit de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 18 de la loi du 11 février 2005 est, contrairement à ce que soutient le président du conseil général de la Lozère susceptible d’être examiné par la présente juridiction ;
    Sur la légalité de la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
    Considérant qu’il ressort du dossier et n’est pas contesté que Mme X... née en 1917 s’est vue octroyer une carte d’invalidité au taux de 80 % pour la première fois en 1974, soit avant 65 ans ; qu’après 1975, et nonobstant l’octroi par ailleurs d’une carte « station debout pénible » qui ne préjuge pas d’un tel taux d’invalidité, ledit taux lui a été constamment reconnu par diverses décisions de la COTOREP, notamment, portant sur la période du 1er octobre 1996 au 1er octobre 2006 ; qu’à la date du décès de Mme X... le 29 avril 2009 - celle du fait générateur de la récupération - les dispositions du 2e alinéa de l’article L. 344-5-1 issues de l’article 18 de la loi du 11 février 2005 étaient applicables compte tenu de l’intervention du décret du 19 février 2009 insérant au code de l’action sociale et des familles un article D. 344-40 fixant à 80 % le taux d’incapacité requis par cet alinéa ; que si le président du conseil général soutient en joignant l’état de frais correspondant à cette position que les dispositions litigieuses de la loi du 11 février 2005 ne permettent la décharge de récupération qu’à compter de la publication de celle-ci, l’article 18-VI dispose que « les dispositions » (de l’article L. 344-5-1) « s’appliquent aux personnes handicapées accueillies au 12 février 2005 dans les établissements ou services mentionnés au 6o du 1 de l’article L. 312-1 du même code dès lors qu’elles satisfont aux conditions posées » et que les deux alinéa de l’article L. 344-5-1 ont ainsi pour objet et pour effet de prévoir l’impossibilité de récupération non seulement pour les frais exposés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi mais pour ceux qui l’ont été antérieurement dès lors par ailleurs que le fait générateur de la récupération est, ce qui comme il a été dit est le cas en l’espèce, postérieur à ladite entrée en vigueur ; que dans le dernier état de ses conclusions M. X... peut être regardé comme persistant à solliciter la décharge de toute récupération et non seulement la réduction de son montant à hauteur des périodes d’accueil de Mme X... en EHPAD postérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 ; qu’il y a lieu par suite de faire droit à ces conclusions,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère en date du 30 novembre 2010, ensemble la décision du président du conseil général de la Lozère en date du 28 juillet 2010 en tant qu’elles s’appliquent à M. X... à hauteur de ses droits dans la succession de Mme X... sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. X... des prestations avancées par l’aide sociale à Mme X... à hauteur de ses droits dans la succession de celle-ci.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 octobre 2011 où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer