Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2330
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Assurance-vie - Donation
 

Dossier no 101175

M. X...
Séance du 5 octobre 2011

Décision lue en séance publique le 19 octobre 2011

    Vu le recours formé le 27 décembre 2009 par Mme N..., tendant à l’annulation de la décision, en date du 5 octobre 2009, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 4 septembre 2007, de récupérer à l’encontre de la bénéficiaire d’un contrat assurance-vie souscrit par M. X... la somme de 10 000 euros au titre des avances qui ont été consenties à celui-ci par le département pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à l’EHPAD du 1er novembre 2005 au 18 décembre 2006, pour un montant total de 13 287,87 euros ;
    La requérante conteste cette décision, soutenant que son oncle était en bonne santé et qu’il n’a pas souscrit ce contrat - dont elle n’était pas informée - pour effectuer une donation déguisée.
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de Haute-Garonne, en date du 2 septembre 2010 proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 3 décembre 2010, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 5 octobre 2011 Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132-8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132-11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (...) » ;
    Considérant d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas, en lui-même, le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois, que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X..., placé à l’EHPAD, ne disposant pas, en l’absence d’obligés alimentaires, de ressources personnelles suffisantes pour couvrir la totalité de ses frais d’hébergement, a été admis au bénéfice de l’aide sociale départementale à compter du 1er novembre 2005, sous réserve du prélèvement légal sur ses ressources ; que le total des sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le conseil général de la Haute-Garonne jusqu’à son décès le 18 décembre 2006, s’élève à 13 287,87 euros, dont 7 099,37 euros pris en charge par le conseil général du fait du non-reversement de ses ressources ; que le 8 juillet 2004, M. X... - né le 28 juin 1914 - avait souscrit un contrat assurance-vie au profit de sa nièce et requérante par le versement d’une prime de 10 000 euros ; que le conseil général de la Haute-Garonne, en se fondant notamment sur l’âge de M. X... à la date de la souscription du contrat ainsi que sur l’importance des primes versées eu égard à ses ressources mensuelles déclarées (763,83 euros) qui ont justifié à compter du 1er novembre 2005, la prise en charge par l’aide sociale départementale de ses frais d’hébergement - et la bénéficiaire désignée - a estimé que M. X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à son égard et que légalement, il pouvait en déduire que cette dernière devait être regardée comme la bénéficiaire d’une donation ; que par décision, en date du 4 juillet 2007, le président du conseil général de la Haute-Garonne, a prononcé la récupération à l’encontre de la donataire de la somme de 10 000 euros au titre d’une créance départementale de 13 287,87 euros ; que cette décision a été confirmée par décision, en date du 5 octobre 2009, de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne ;
    Considérant que Mme N... conteste la requalification en donation du contrat assurance-vie souscrit par son oncle, soutenant que celui-ci en bonne santé à 90 ans, n’a pas commis de fraude et que, s’il avait su qu’il allait mourir, il aurait contacté un notaire pour rédiger son testament ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier, que les revenus 2004 déclarés tels que figurant sur l’avis d’imposition de M. X... s’élevaient à 8 842 euros ; qu’en l’absence d’obligé alimentaire, ses ressources augmentées d’une allocation de logement de 95,87 euros et, semble-t-il, d’une rente non imposable servie par le régime de sécurité sociale espagnol d’un montant mensuel de 370,55 euros, ne permettaient pas de régler la totalité de ses frais d’hébergement à l’EHPAD d’un montant mensuel de l’ordre de 1 488,62 euros pour 31 jours ; que l’aide sociale départementale qui devait prendre en charge la part des frais restant à couvrir de l’ordre de 350 euros selon les mois, a cependant également dû assumer un supplément de frais, d’une part de 477,90 euros pour du 1er novembre 2005 au 31 mai 2006, du fait du reversement partiel par M. X... de ses ressources, et d’autre part de la totalité des frais d’hébergement pour la période du 1er juin au 18 décembre 2006, en l’absence de reversement de 90 % de ses ressources (6 621,47 euros), soit pour l’ensemble de la période du 1er novembre 2005 à son décès une charge supplémentaire pour le département de 7 099,37 euros ; que de ce fait, les avances qu’il a dû consentir au titre de l’hébergement de M. X... du 1er novembre 2005 à son décès le 18 décembre 2006 s’est ’élevé à 13 287,89 euros, soit plus du double de la charge nette (6 188,52 euros) qu’il aurait dû assumer au titre de l’admission de M. X... au bénéfice de l’aide sociale, après reversement de 90 % de ses ressources et de l’intégralité de l’allocation logement qui lui était attribuée ; que la somme de 13 287,89 euros constitue une avance que le conseil général est en droit de récupérer à l’encontre de la donataire ; qu’outre ladite prime de 10 000 euros qui, à son décès, a libéré au profit de la requérante la somme de 10 609 euros, et sans préjuger de la personne qui a bénéficié des ressources non reversées pour un montant de 7 099,37 euros, il y a donc lieu de constater que M. X... en n’affectant pas 90 % de ses ressources ainsi que, semble-t-il, l’intégralité de l’allocation logement qui lui était accordée, au paiement de ses frais d’hébergement, n’a pas respecté la contrepartie légale à son admission au bénéfice de l’aide sociale départementale ; qu’ainsi, le total de ses ressources qui n’a pas été mobilisé pour subvenir auxdits frais s’est élevé à 17 099,37 euros tandis que, corrélativement, la créance du conseil général n’aurait dû s’élever qu’à 6 188,52 euros ; que c’est donc à juste titre que le conseil général de la Haute-Garonne a estimé que M. X... avait fait preuve d’une intention libérale à l’égard de Mme N... et a requalifié en donation le contrat assurance-vie que celui-ci avait souscrit ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article L. 132-8 (2o) susmentionné, qu’aucun seuil de récupération n’est opposable en ce qui concerne le recours à l’encontre des donataires, et que la récupération est inférieure au montant de la donation ; que, par décision en date du 5 octobre 2009, la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la décision du président du conseil général du 4 septembre 2007 requalifiant en donation le contrat assurance-vie souscrit par M. X... et prononçant la récupération de la somme de 10 000 euros à l’encontre de la donataire ; que dès lors, le recours susvisé ne peut qu’être rejeté ; qu’il appartiendra, le cas échéant, à Mme N... de solliciter des délais auprès des services du Trésor public, pour s’acquitter de sa dette,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 5 octobre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer