Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Recours en récupération - Assurance-vie - Donation
 

Dossier no 100918

Mme X...
Séance du 5 octobre 2011

Décision lue en séance publique le 19 octobre 2011

    Vu le recours formé par Mme M... le 18 novembre 2009, tendant à l’annulation d’une décision du 8 octobre 2009 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 3 juillet 2008, de récupération, à l’encontre des bénéficiaires du contrat assurance-vie requalifié en donation qu’avait souscrit Mme X..., des sommes avancées à celle-ci par le conseil général du Puy-de-Dôme au titre d’une prestation spécifique dépendance à domicile, du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001, pour un montant total de 17 044,50 euros ;
    La requérante conteste cette décision, indiquant qu’elle a travaillé deux ans et demi dans la boulangerie de ses parents sans être rémunérée, et qu’elle ne peut pas rembourser la somme ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire du président du conseil général du Puy-de-Dôme en date du 28 juin 2010 proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 24 septembre 2010 du secrétaire général de la Commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique du 5 octobre 2011, Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 (2o), du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon les cas, par l’Etat ou le département contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 applicable à la date des faits et devenu l’article R. 132-11 dudit code : « Les recours prévus à l’article L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (...) » ;
    Considérant d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas, en lui-même, le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que Mme X..., placée en famille d’accueil, a bénéficié d’une prestation spécifique dépendance à domicile du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001 au titre de son classement dans le groupe iso-ressources 3, et que les sommes qui lui ont été avancées par le conseil général du Puy-de-Dôme à ce titre se sont élevées à 17 044,50 euros ; qu’à son décès, le 27 mars 2007, l’actif net successoral de Mme X... s’élevait à 9 394,50 euros de liquidités ; que Mme X..., née le 30 avril 1914, avait souscrit le 28 juillet 1998 au profit de ses deux filles, Mmes B... et la requérante - deux contrats d’assurance-vie pour un montant de prime versée de 83 334,00 francs (12 704,19 euros) chacun, soit un total de 25 408,38 euros ; qu’au décès de Mme X..., le capital libéré à leur profit s’est élevé à 35 033,14 euros ; que le président du conseil général du Puy-de-Dôme, en se fondant sur l’âge de Mme X... à la date de souscription des contrats (84 ans), rapproché de leur durée, ainsi que sur l’importance des primes versées, a estimé que celle-ci avait bien fait preuve d’une intention libérale à l’égard de ses filles, dont la requérante, et que légalement, il pouvait en déduire qu’elles devaient être regardées comme les bénéficiaires d’une donation ; que par décision en date du 3 juillet 2008, ledit président a prononcé la récupération de la créance départementale à l’encontre des donataires pour un montant de 8 522,25 euros chacune, compte tenu du capital de 17 516,57 euros perçu au titre de leur contrat respectif ; que cette décision a été confirmée par une décision du 8 octobre 2009 de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme ;
    Considérant le moyen soulevé par Mme M... selon lequel elle a travaillé deux ans et demi dans la boulangerie de ses parents sans être rémunérée, et ne peut pas rembourser la somme de 8 522,25 euros lui incombant ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier que le 21 juillet 1998, Mme X... - bénéficiaire d’une prestation spécifique à domicile depuis le 1er juin et ses filles ayant procédé à la vente de biens immobiliers pour un montant de 380 000 francs (57 930,63 euros) - a, le 28 juillet suivant, souscrit les deux contrats assurance-vie au profit de celles-ci par le versement de la somme de 25 408,38 euros ; que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article L. 132-8 susmentionné et qu’aucun seuil n’est opposable pour l’action en récupération à l’encontre des donataires ; que la récupération ne peut s’exercer que sur le montant de la prime versée lors de la souscription du contrat seule constitutive de la donation qui s’élève en l’occurrence à 12 704,19 euros pour chacune des donataires, que le montant de la récupération est inférieur au montant total des primes versées et ne dépasse pas le montant des sommes qui ont été allouées à Mme X... du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001 au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile ; que le conseil général du Puy-de-Dôme est donc fondé à récupérer la totalité de sa créance, soit 17 044,50 euros, à l’encontre des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie souscrits par Mme X... ; que, si Mme B... s’est acquitté du remboursement de la somme de 8 522,25 euros lui incombant, la requérante indique ne pas pouvoir, en ce qui la concerne, rembourser cette somme, alors même qu’après remboursement, elle disposera encore d’un capital de 13 691,57 euros constitué de la somme de 4 697,25 euros correspondant aux 50 % lui revenant dans l’actif successoral de Mme X..., et d’un reliquat de 8 994,32 euros au titre du capital libéré par le décès de sa mère ; que dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en décidant la récupération à l’encontre de la donataire de la somme de 8 522,25 euros au titre de la somme totale de 17 044,50 euros avancée par le conseil général du Puy-de-Dôme à Mme X... ; que cependant, ladite commission a commis une erreur de droit en déterminant le montant de la récupération sur la base du montant du capital libéré qui n’est pas constitutif de la donation et que sa décision, ensemble la décision du président du conseil général, doit être annulée en tant qu’elle a choisi cette référence ; que dès lors, le recours susvisé ne peut qu’être rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 8 octobre 2009, ensemble la décision du président du conseil général, en date du 3 juillet 2008, sont annulées en tant qu’elles fixent le montant de la récupération à l’encontre des donataires bénéficiaires des contrats assurance-vie souscrits par Mme X..., sur la base du capital libéré à son décès.
    Art. 2.  -  Le montant de la récupération, à l’encontre des bénéficiaires des contrats assurance-vie requalifiés en donation, de la créance départementale constituée au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile dont a été bénéficiaire Mme X... pour la période du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001, est fixé à 17 044,50 euros.
    Art. 3.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 5 octobre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer