Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Prestation spécifique dépendance (PSD) - Récupération sur donation - Contrat d’assurance-vie
 

Dossier no 110665

M. X...
Séance du 7 septembre 2011

Décision lue en séance publique le 5 octobre 2011

    Vu le recours formé le 20 février 2011 par M. A..., complété le 11 juillet 2011 par Maître Jean-François CANIS, tendant à l’annulation d’une décision, en date du 19 janvier 2011, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Loire a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 5 juillet 2010, de récupérer à l’encontre du bénéficiaire d’un des contrats assurance-vie souscrits par M. X..., la somme de 9 570,63 euros au titre des avances que lui a consenties le conseil général de la Haute-Loire au titre d’une prestation spécifique dépendance à domicile, pour la période du 28 juin 1999 au 30 juin 2003 ;
    Le requérant conteste cette décision visant à « récupérer de petites économies qu’a laissées une vie de labeur », la prestation ayant été accordée à son père au vu de sa petite retraite sans récupération « sur héritage ». Il indique que la souscription d’une assurance-vie à un âge avancé lui a été « conseillée par un démarcheur du crédit agricole peu scrupuleux ou plutôt poussé par sa hiérarchie à faire à tout prix des placements ». Il précise enfin qu’il a un fils handicapé à la suite d’un accident qu’il « aide financièrement pour avoir une vie décente » ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Loire, en date du 8 avril 2011 concluant au maintien de la décision de la commission départementale d’aide sociale ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 15 juin 2011, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et M. A..., accompagné de son épouse, Mme A..., qui avait demandé à être entendue et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132-8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’Etat ou le département (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132-11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (...) » ;
    Considérant d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois, que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que M. X... a été admis au bénéfice de la prestation spécifique dépendance à domicile pour la période du 28 juin 1999 au 30 juin 2003, d’un montant du 29 juin 2001 au 29 juin 2003 de 834,75 euros, pour le financement d’un plan d’aide de 78 heures réalisé par une association de services ménagers ; que le total des sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le conseil général de la Haute-Loire s’est élevé à 17 552,79 euros ; qu’à titre subsidiaire, M. X... a bénéficié à partir du 30 juin 2003 jusqu’à son décès, d’une allocation personnalisée d’autonomie à domicile finançant un plan d’aide de 64 heures ; que M. X... - né le 17 janvier 1915 - avait souscrit deux contrats assurance-vie l’un, le 16 janvier 1991 au profit de ses enfants par le versement d’une prime de 10 000 francs (1 524,49 euros), l’autre, le 21 mars 2005, au profit de son fils pour un montant de prime de 9 700 euros ; qu’à son décès, le capital libéré au titre de ces deux contrats s’est élevé à 12 416,81 euros ; que le conseil général de la Haute-Loire, en se fondant notamment sur l’âge de M. X... à la date de la souscription du dernier contrat (90 ans), ainsi que sur l’importance de la prime versée eu égard à ses ressources mensuelles (qui ont justifié, indépendamment de son état de dépendance, le versement d’une prestation spécifique dépendance à domicile à taux plein) et le bénéficiaire désigné de ce contrat, a estimé que M. X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à son égard et que légalement, il pouvait en déduire que ce dernier devait être regardé comme le bénéficiaire d’une donation ; que, par décision en date du 5 juillet 2010, le président du conseil général, a prononcé la récupération à l’encontre du donataire de la somme de 9 570,63 euros au titre d’une créance départementale totale de prestation spécifique dépendance de 17 552,79 euros ; que cette décision a été confirmée par la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Loire, par décision en date du 19 janvier 2011 ;
    Considérant que le requérant conteste la requalification en donation du contrat d’assurance-vie souscrit par M. X... en sa faveur, soutenant qu’il s’agissait de « petites économies laissées par toute une vie de labeur » et qu’il doit aider son fils financièrement ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier, y compris celles fournies par le requérant, que M. X... disposait d’une modeste retraite augmentée d’une allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse ; qu’outre la prestation spécifique dépendance, celui-ci a également bénéficié du 30 juin 2003 jusqu’à son décès le 19 novembre 2005 d’une allocation personnalisée d’autonomie à domicile pour un montant total de 28 076 euros ; que pendant toute cette période, eu égard à des ressources mensuelles (569 euros) inférieures au seuil d’exonération, M. X... n’a été assujetti à aucune participation personnelle qui serait venue en atténuation du montant du plan d’aide à financer ; qu’ainsi, celui-ci a bénéficié d’une allocation mensuelle à taux plein à la charge exclusive du conseil général de la Haute-Loire, d’un montant de 940,01 euros de juin 2003 à juin 2005 et de 1 146 euros de juin 2005 à son décès ; que la dépense totale assumée par le conseil général de la Haute-Loire du 28 juin 1999 au 19 novembre 2005 pour la prise en charge de la dépendance de M. X... au titre des deux prestations dont il a bénéficié s’est élevée à 45 828 euros, dont seulement 17 552,79 euros susceptibles au titre de la prestation spécifique dépendance de faire l’objet d’une récupération ; qu’il y lieu de constater que durant l’ensemble de la période, M. X... n’a, à aucun moment, malgré la modicité de sa retraite, mobilisé l’épargne constituée sur la première assurance-vie et, à 90 ans, 8 mois avant son décès, alors même qu’il était dispensé de toute participation au financement de son plan d’aide, a investi la somme de 9 700 euros dans un second contrat assurance-vie au profit du requérant ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article L. 132-8 (2o) susmentionné, qu’aucun seuil de récupération n’est opposable en ce qui concerne le recours à l’encontre des donataires et que la récupération est inférieure au montant de la donation ; que quelles que soient les pratiques de notaires constatées par le passé dans des cas d’espèces et les décisions de la commission centrale d’aide sociale intervenues dans ces cas d’espèces, les dispositions du code civil prévoyant le retour de donations ou actes requalifiés comme tels, dans la succession à la demande d’un héritier réservataire, qui conduiraient à priver le département d’exercer son droit à récupération de sa créance à l’encontre des donataires ou sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale départementale, ne sont pas opposables en matière d’aide sociale ; que M. A... est par ailleurs d’autant moins fondé à contester la décision attaquée de récupération de sa créance à son encontre, que le conseil général de la Haute-Loire n’a pas procédé à la requalification en donation du premier contrat d’assurance-vie, renonçant ainsi à récupérer une somme complémentaire de 1 524,49 euros ; que dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Loire n’a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la décision du président du conseil général du 5 juillet 2010, requalifiant en donation le second contrat d’assurance-vie souscrit par M. X..., et en prononçant la récupération partielle à l’encontre du donataire de la créance départementale constituée au titre de la prestation spécifique dépendance ; que cependant, compte tenu des charges supportées pour la prise en charge de son père et de l’aide financière qu’il a dû apporter à son fils à la suite de l’accident l’ayant laissé handicapé, il sera fait une équitable appréciation de la situation en ramenant à 8 000 euros la récupération décidée à l’encontre de M. A... ; qu’il appartiendra à celui-ci de solliciter, le cas échéant, des délais auprès des services du Trésor public, pour s’acquitter de sa dette,

Décide

    Art. 1er.  -  La récupération de la créance du conseil général de la Haute-Loire au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile attribuée à M. X..., est limitée à la somme de 8 000 euros.
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Loire en date du 19 janvier 2011, ensemble la décision du président du conseil général de la Haute-Loire du 5 juillet 2010, sont réformées conformément au dispositif de la présente décision
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 septembre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 5 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer