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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur succession
 

Dossier no 100804

Mme X...
Séance du 29 février 2012

Décision lue en séance publique le 8 mars 2012

    Vu le recours, enregistré le 25 juin 2009, formé par les consorts X... contre la décision du 13 mars 2009 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris a confirmé la décision du 15 septembre 2008 par laquelle le président du conseil général de Paris a prononcé une récupération sur succession à concurrence de l’actif net successoral, soit 329 376,41 francs (50 213,11 euros), au titre des frais avancés par le département de Paris pour les frais d’hébergement de Mme X... en établissement du 19 juillet 1993 au 16 septembre 1996, puis du 7 octobre 1999 au 2 novembre 1999 ;
    Les requérants soutiennent, à titre principal, que la créance départementale est prescrite au regard des dispositions de l’article 2277 du code civil relatives à la prescription ; ils soutiennent, à titre subsidiaire, qu’il n’est pas démontré que Mme X... ait donné son consentement éclairé en vue de sa prise en charge par l’établissement, les tarifs de celui-ci étant très supérieurs aux ressources de l’intéressée ; que le département de Paris n’a pas produit la preuve de l’existence de la créance pour la période du 10 juillet 1993 au 16 septembre 1996 ; que le département n’a pas davantage produit d’éléments permettant de justifier le montant de cette créance ; ils demandent, à titre très subsidiaire, que la créance soit réduite et qu’il soit possible de réaliser amiablement l’actif successoral, sans l’intervention du service des domaines ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du 22 janvier 2010 présenté par le président du conseil général de Paris, qui conclut au rejet du recours ; il soutient que le délai de prescription qui s’applique est celui de cinq ans prévu par la loi du 17 juin 2008, applicable à compter du 18 juin 2008, ce qui fait, en l’espèce, courir le délai jusqu’au 18 juin 2013 ; que la circonstance que la décision d’admission à l’aide sociale en date du 19 mai 1993 ne comporte pas la signature de Mme X... ne permet pas d’établir que cette dernière n’a pas été informée des conséquences de son admission au bénéfice de l’aide sociale ; que les requérants, en tant qu’obligés alimentaires, ont été informés de la décision d’admission à l’aide sociale ; que le montant de la créance d’aide sociale a été calculé par les services comptables du conseil général à partir des états détaillés de reversement des ressources de l’intéressée ; que la somme de 591,76 euros, recueillie au décès de Mme X... par la trésorerie de l’établissement, correspond au résiduel des ressources laissées à la disposition de l’intéressée durant son hébergement et viendra en déduction du montant des sommes réclamées par le département de Paris, mais n’est pas de nature à modifier le montant de la créance d’aide sociale ; que, dès lors que la gestion de la succession de Mme X... a été confiée au service des domaines, le département de Paris n’a aucun pouvoir pour l’en dessaisir ;
    Vu le mémoire en réplique du 10 septembre 2010 présenté par les consorts X... qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu, à l’audience publique du 29 février 2011, M. GAUDILLERE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes du 1o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (...) contre la succession du bénéficiaire (...)./ En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus à l’article L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. / Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles du droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 132-12 du même code : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article L. 132-8, des sommes versées au titre de l’aide sociale à domicile, de l’aide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46.000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à recouvrement » ;
    Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 2277 du code civil, dans sa version en vigueur à la date du décès de Mme X..., fait générateur de la créance départementale, soit le 2 novembre 1999 : « Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : (...) de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts » ; qu’aux termes de l’article 2262 du code civil, dans sa version en vigueur à la même date : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi » ; que si les requérants se fondent sur les dispositions de l’article 2277 du code civil pour soutenir que la créance départementale était prescrite à la date de la décision du président du conseil général, les recours en récupération de créances d’aide sociale étaient soumis, à la date du décès de Mme X..., non pas à la règle de la prescription quinquennale de l’article 2277 du code civil, mais à celle de la prescription trentenaire prévue à l’article 2262 du même code ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, issu de l’article 1er de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ; qu’aux termes du II de l’article 26 de la même loi : « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ; qu’il résulte de ces dispositions que la règle de la prescription quinquennale est entrée en vigueur le 18 juin 2008 ; qu’en l’espèce, un délai initial de prescription a commencé à courir lors du décès de Mme X..., soit le 2 novembre 1999 ; qu’en vertu de la règle de la prescription trentenaire, qui, ainsi qu’il a été dit dans ce qui précède, était en vigueur à cette date, ce délai initial de prescription expirait le 1er novembre 2029 ; qu’ainsi, ce délai n’était pas expiré lors de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a eu pour effet de le raccourcir en ramenant son terme au 18 juin 2013 ; que, dès lors, à la date de la décision de récupération sur succession, soit le 15 septembre 2008, la créance du département n’était pas prescrite ; que le moyen tiré de ce que la créance départementale était prescrite doit donc, en tout état de cause, être écarté ;
    Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants font valoir que ni Mme X... ni eux-mêmes n’avaient été informés des conséquences de l’admission de l’intéressée à l’aide sociale, ils ne versent pas au dossier d’éléments de preuve suffisants permettant d’apprécier le bien-fondé de leurs affirmations ; qu’il résulte en outre de l’instruction que les consorts X... ont été invités, dans le cadre de la procédure d’admission à l’aide sociale, à répondre à l’enquête tendant à évaluer leurs capacités contributives au titre de l’obligation alimentaire et que le choix de la structure d’accueil a bien été porté à leur connaissance ; qu’en tout état de cause, aucun texte ni aucun principe général n’impose à l’administration, lorsqu’elle accorde une prestation d’aide sociale, d’informer le bénéficiaire ou les successeurs éventuels du bénéficiaire de l’exercice possible d’un recours en récupération sur la succession de ce dernier ; que, dès lors, le moyen tiré de l’absence d’informations relatives aux conditions du placement de Mme X... en établissement doit être écarté ;
    Considérant, en troisième lieu, que si les requérants contestent le montant de la créance départementale, ils n’apportent aucun élément de nature à remettre en cause les calculs des services départementaux ;
    Considérant, en quatrième lieu, que la somme de 591,76 euros, recueillie lors du décès de Mme X... par la trésorerie de l’établissement dans lequel cette dernière était placée, fait partie de l’actif net successoral ; que, dès lors, elle n’a pas à être déduite du montant de la créance du département ; qu’elle sera en revanche déduite des sommes demandées par le département de Paris, en ce qu’elle a déjà fait l’objet d’un recouvrement ;
    Considérant, en cinquième et dernier lieu, que l’intervention du service des domaines dans le règlement de la succession ne relève pas de la compétence des juridictions de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les consorts X... ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de Paris a rejeté leur demande,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours des consorts X... est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 février 2012 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, M. GAUDILLERE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 8 mars 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer