Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Attribution - Date d’effet
 

Dossier no 100954

Mme X...
Séance du 11 octobre 2011

Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011

    Vu la requête et le nouveau mémoire, enregistrés les 29 juin et 12 novembre 2010 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentés pour Mme X... par maître Jean-Beaudoin KAKELA-SHIBABA qui demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision du 17 septembre 2009 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Ain a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision par laquelle le président du conseil général de ce département a refusé de lui accorder rétroactivement le bénéfice du droit au revenu minimum d’insertion à compter du 30 juillet 2001, date de son entrée en France ;
    2o De lui accorder le bénéfice du droit au revenu minimum d’insertion à compter de juillet 2001 ;
    3o D’enjoindre au Conseil général de l’Ain, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d’exécuter la décision à intervenir ;
    4o De condamner le conseil général de l’Ain à verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
    5o Subsidiairement, de laisser les dépens à la charge de l’Etat au titre de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1991 ;
    La requérante soutient que la commission départementale d’aide sociale de l’Ain a entaché sa décision d’insuffisance de motivation, faute d’indiquer avec suffisamment de précision les textes dont elle faisait application ; qu’elle n’a pas répondu au moyen tiré de ce que d’autres juridictions auraient accordé, en application de la convention de Genève et en raison du caractère recognitif de la reconnaissance du statut de réfugié, le revenu minimum d’insertion à titre rétroactif ; que le conseil général a manqué à son obligation d’information du demandeur d’asile résultant des stipulations de l’article 5 de la directive 2003/9/CE du conseil du 27 janvier 2003 ; qu’elle n’a pas été mise en mesure de faire valoir ses droits aux prestations sociales avant la date d’octroi du statut de réfugié ; qu’il résulte des stipulations combinées des articles 33 et 24 de la convention de Genève, et des dispositions de l’article D. 511-1 du code de la sécurité sociale, qu’elle devait être regardée, d’une part, comme disposant rétroactivement de la qualité de réfugiée à partir de la date de son entrée en France et comme devant être réputée entrée régulièrement en France et y séjourner régulièrement et, d’autre part, qu’elle pouvait dès cette date prétendre au revenu minimum d’insertion, ainsi que l’a notamment jugé la cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 21 février 2006 ; que cette solution résulte également des dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 mai 2011, présenté pour Mme X..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la commission départementale d’aide sociale de l’Ain a siégé dans une composition non conforme aux dispositions de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles, elles-mêmes contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces dont il résulte que la requête de Mme X... a été communiquée au conseil général de l’Ain, qui n’a pas produit d’observations ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la convention générale du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
    Vu la directive 2003/9/CE du conseil du 27 janvier 2003 ;
    Vu la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision no 2010-110 QPC du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 11 octobre 2011, M. LESSI, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte des énonciations de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de l’Ain, que la formation de jugement incluait notamment, conformément aux prévisions du deuxième alinéa de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles alors en vigueur, deux conseillers généraux ; que, toutefois, par sa décision du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de ce deuxième alinéa de l’article L. 134-6 contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, et précisé que les décisions non définitives rendues par les commissions départementales d’aide sociale antérieurement à la date de publication de sa propre décision - soit le 26 mars 2011 - pourraient être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité si l’irrégularité de leur composition était soulevée ; qu’il suit de là que Mme X... est fondée à soutenir que la commission départementale d’aide sociale de l’Ain a siégé dans une composition irrégulière ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décision attaquée doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu, pour la commission centrale d’aide sociale, d’évoquer immédiatement l’affaire et de statuer sur la demande présentée devant la commission départementale d’aide sociale de l’Ain par Mme X... ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée du président du conseil général de l’Ain : « Toute personne résidant en France dont les ressources (...) n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-7 du même code : « Si les conditions mentionnées à l’article L. 262-1 sont remplies, le droit à l’allocation est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande » ; qu’aux termes de l’article R. 262-39 : « L’allocation est due à compter du premier jour du mois civil au cours duquel la demande a été déposée (...) » ; qu’il résulte de ces dispositions que le revenu minimum d’insertion ne peut être attribué pour une période antérieure à la date de la demande, alors même que les conditions pour l’obtenir étaient remplies avant cette date ; que les versements sont alors dus au premier jour du mois civil de dépôt de cette demande ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que si Mme X... est entrée en France en juillet 2001 et s’est vue octroyer le statut de réfugié le 22 juillet 2003, elle n’a pas déposé de demande tendant au bénéfice du droit au revenu minimum d’insertion avant le 22 octobre 2003 ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’elle ne peut dès lors prétendre au bénéfice de ce droit pour la période antérieure au mois d’octobre 2003, quelle que soit sa situation au regard du droit au séjour avant cette date et sans que le caractère recognitif attaché à l’octroi du statut de réfugié ait d’incidence à cet égard ; que c’est dès lors par une exacte application des dispositions précitées que le président du conseil général de l’Ain a refusé de lui attribuer le revenu minimum d’insertion dès la date de son entrée en France ; que la circonstance, à la supposer avérée, que Mme X... n’ait pas bénéficié d’une information suffisante sur les aides dont elle pouvait bénéficier au titre des conditions minimales d’accueil garanties par les stipulations de la directive 2003/9/CE du conseil du 27 janvier 2003 - dont la mise en œuvre incombe au demeurant, en droit interne, aux services de l’Etat - est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée, prise en application des seules dispositions législatives et réglementaires relatives à l’attribution du revenu minimum d’insertion ; qu’elle ne saurait utilement se prévaloir de décisions par lesquelles d’autres commissions départementales d’aide sociale auraient, dans des situations similaires, accordé le bénéfice de ce même droit ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que la demande présentée par Mme X... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Ain doit être rejetée, y compris, en tout état de cause, les conclusions accessoires présentées en appel, lesquelles ne sont d’ailleurs pas au nombre de celles dont il appartient aux juridictions spécialisées de l’aide sociale de connaître ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 17 septembre 2009 de la commission départementale d’aide sociale de l’Ain est annulée.
    Art. 2.  -  La demande présentée par Mme X... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Ain est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 octobre 2011, où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LESSI, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer