Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Suspension - Insertion
 

Dossier no 101070

M. X... et Mme Y...
Séance du 1er septembre 2011

Décision lue en séance publique le 29 septembre 2011

    Vu la requête en date du 21 juillet 2010, présentée pour M. X... et Mme Y... par maître Sandrine SOULARD, qui demandent à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision du 26 mars 2010 de la commission départementale d’aide sociale de la Sarthe rejetant leur requête tendant à l’annulation de la décision du 26 janvier 2009, par laquelle le président du conseil général de la Sarthe leur a notifié la suspension de leur droit à l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    2o D’enjoindre au président du conseil général de la Sarthe de leur verser rétroactivement l’allocation de revenu minimum d’insertion à compter de la décision de suspension ;
    Les requérants soutiennent que la décision de suspension a été prise et notifiée par un fonctionnaire du département alors même que le président du conseil général ne pouvait légalement déléguer une telle compétence ; qu’ils n’ont pas été en mesure de présenter leurs observations devant la commission locale d’insertion antérieurement à la décision de suspension ; que cette décision est entachée de défaut de base légale ; que la composition de la commission départementale d’aide sociale de la Sarthe qui a statué sur leur recours était contraire aux stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au président du conseil général de la Sarthe, qui n’a pas produit de mémoire en défense ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
    Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le décret no 2010-148 du 16 février 2010 ;
    Vu l’arrêté no 08-3558 du 15 juillet 2008 du préfet de la Sarthe portant composition de la commission départementale d’aide sociale ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er septembre 2011, M. AUBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la conformité à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Considérant que selon l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles, la commission départementale d’aide sociale, présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer, comprend en outre trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite désignés par le représentant de l’Etat dans le département ; que ces dispositions régissant la composition des commissions départementales d’aide sociale doivent être mises en œuvre dans le respect du principe d’impartialité qui s’applique à toute juridiction, et que rappellent les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que ces stipulations imposent que toute personne appelée à siéger dans une juridiction se prononce en toute indépendance, sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit ; que, dès lors, la présence de fonctionnaires parmi les membres d’une juridiction ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de celle-ci ; qu’il peut toutefois en aller différemment lorsque, sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, un fonctionnaire est appelé à siéger dans une juridiction en raison de ses fonctions et que celles-ci le font participer à l’activité des services en charge des questions soumises à la juridiction ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’étaient présents, lorsque la commission départementale d’aide sociale de la Sarthe a délibéré sur la requête présentée par M. X... et Mme Y..., trois fonctionnaires du service emploi-insertion du conseil général de ce département, en charge du revenu minimum d’insertion ; que s’il ressort de l’arrêté no 08-3558 du 15 juillet 2008 du préfet de la Sarthe que ces fonctionnaires n’ont pas été nommé à la commission départementale d’aide sociale, il n’est pas établi, en l’absence de feuille d’émargement, que ces trois agents n’ont pas effectivement et irrégulièrement pris part au délibéré ; que la décision attaquée a ainsi été rendue en méconnaissance du principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et doit être annulée ; qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. X... et Mme Y... ;
    Sur la régularité de la décision du 26 janvier 2009 du président du conseil général de la Sarthe ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, « Le président du conseil général est le chef des services du département. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services » ; qu’ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le président du conseil général de la Sarthe, exerçant par délégation les pouvoirs du conseil général en matière d’action sociale, ne pouvait déléguer au responsable du bureau allocation du service emploi et insertion du département la signature d’une notification de suspension de droits à l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que les requérants ont été en mesure de présenter leurs observations devant la commission locale d’insertion le 16 janvier 2009 ; que ces derniers ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la procédure ayant conduit à la suspension de leur allocation de revenu minimum d’insertion a méconnu le principe du contradictoire ;
    Sur la légalité interne ;
    Considérant que le premier alinéa de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que « Dans les trois mois qui suivent la mis en paiement de l’allocation de revenu minimum d’insertion, l’allocataire et les personnes prises en compte pour la détermination du montant de cette allocation qui satisfont à une condition d’âge doivent conclure un contrat d’insertion avec le département, représenté par le président du conseil général » ; que l’article L. 262-23 du même code dispose que : « Si le contrat d’insertion mentionné à l’article L. 262-37 n’est pas respecté, il peut être procédé à sa révision à la demande du président du conseil général ou des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion, ainsi qu’à la demande de la personne mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 262-37. Si, sans motif légitime, le non-respect du contrat incombe au bénéficiaire de la prestation, le versement de l’allocation peut être suspendu. Dans ce cas, le service de la prestation est rétabli lorsqu’un nouveau contrat a pu être conclu. La décision de suspension est prise par le président du conseil général, sur avis motivé de la commission locale d’insertion, après que l’intéressé, assisté, le cas échéant, de la personne de son choix, a été mis en mesure de faire connaître ses observations. » ;
    Considérant que M. X... et Mme Y... sont bénéficiaires du droit au revenu minimum d’insertion depuis février 1998 ; qu’ils s’étaient engagés, lors du renouvellement de leur contrat d’insertion le 17 mars 2008, à tenir régulièrement et fidèlement les comptes de leur entreprise commerciale ; qu’il ressort des pièces du dossier, que les requérants ont manqué à cette obligation sans motif légitime, en ne conservant aucun justificatif comptable de leur activité ; qu’ils ont, au surplus, reconnu avoir minoré les revenus tirés de cette activité dans leurs déclarations de ressources ; qu’ainsi le président du conseil général de la Sarthe pouvait, à bon droit, suspendre leur droit à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que par suite la requête doit être rejetée,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 26 mars 2010 de la commission départementale d’aide sociale de la Sarthe est annulée.
    Art. 2.  -  La requête de M. X... et Mme Y... est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er septembre 2011, où siégeaient Mme ROUGE, présidente, M. MONY, assesseur, M. AUBERT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 29 septembre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer