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  Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Ressources
 

Dossier no 110806

Mme X...
Séance du 27 avril 2012

Décision lue en séance publique le 16 mai 2012

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 4 août 2011, la requête présentée par l’Y... de la Charente, pour Mme X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 14 juin 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Charente prononçant un rejet à l’aide sociale aux personnes handicapées pour la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X... au foyer résidence F... à V... à compter du 15 juin 2009 par les moyens que dans sa décision du 9 août 2010, au regard des ressources et du patrimoine de Mme X..., le président du conseil général a refusé de lui attribuer l’aide sociale aux motifs que l’état de besoin n’était pas avéré et qu’elle était en mesure d’en régler la dépense ; que pour motiver sa décision le président du conseil général de la Charente a pris en compte l’ensemble de son patrimoine financier et non les revenus du capital ; que c’est à ce titre qu’ils interjettent appel de cette décision devant la commission départementale d’aide sociale de la Charente le 4 novembre 2010 s’appuyant sur l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et la jurisprudence constante (CCAS 11 janvier 1995) par lesquels il y a lieu de prendre en compte pour l’appréciation des ressources de Mme X... les revenus du capital placé et non le capital lui-même ; que la commission départementale d’aide sociale de la Charente, dans sa séance du 14 juin 2011, a rejeté le recours formulé par ses services confirmant la décision du président conseil général aux motifs que l’état de besoin n’est pas avéré et que l’aide sociale est un droit subsidiaire ; que Mme X... perçoit une allocation aux adultes handicapés de 567,31 euros, une retraite CARSAT de 140,82 euros et une allocation logement de 317,38 euros ; que les intérêts des capitaux placés lui rapportent 13,49 euros par mois environ ; que le coût de son hébergement s’élève à 1 059,89 euros ; que son budget est déficitaire mensuellement de 156,61 euros et que c’est à ce titre qu’ils font prévaloir le droit à l’aide sociale ; que l’aide sociale n’intervient à titre subsidiaire que lorsque les moyens de la solidarité familiale et de la protection sociale ont été mis en œuvre ; qu’elle n’intervient que lorsque le besoin du demandeur n’est pas satisfait en tout ou partie par ses obligés alimentaires ; que tel est le cas en l’espèce, puisque Mme X... est célibataire et n’a pas d’enfant ; qu’ils demandent l’application de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et de la jurisprudence constante en l’espèce ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré 31 octobre 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente tendant au rejet de la requête par les motifs qu’au moment de l’arrivée de Mme X... au foyer résidence F..., il manquait chaque mois 191,67 euros pour financer les frais d’hébergement ; qu’actuellement sur la base des ressources et charges 2011, la part des frais d’hébergement de Mme X... non couverte par ses ressources s’élève à 202,50 euros ; que contrairement à ce que pense le tuteur de Mme X... la question n’est pas de savoir si les ressources permettent ou non de régler les charges ; qu’il convient de se demander si l’aide sociale devait être sollicitée ; que le dépôt d’une demande d’aide sociale ne doit pas être automatique chaque cas faisant l’objet d’une appréciation particulière ; que le représentant légal doit apprécier l’opportunité de solliciter l’aide sociale ; que sa décision ne doit pas seulement dictée la volonté de se protéger d’un hypothétique reproche d’une éventuel membre de la famille ; qu’il doit se référer à la jurisprudence du juge aux affaires familiales, seul compétent pour définir le besoin d’aide ; que le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine ; qu’il doit apporter dans celle-ci des soins diligents et avisés dans le seul intérêt de la personne protégée ; que le juge aux affaires familiales retient ce principe ; qu’il précise (TGI d’Angoulême le 9 février 2010) « le principe de la solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de cette personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges. En l’espèce, il appartient au curateur d’assister son protégé pour qu’il tire profit de son patrimoine pour faire face à ses charges » ; que ce magistrat a considéré que la personne hébergée en établissement était propriétaire d’un patrimoine important et que le besoin d’aide n’existait pas, le capital placé 48 000 euros permettant de faire face aux charges ; que dans une autre affaire (TGI d’Angoulême le 1er février 2010 Mme Z...), le juge développe la même argumentation : Mme Z... était propriétaire d’une maison qui n’était pas louée et disposait de ses droits de conjoint survivant pour l’attribution d’un quart en nue propriété et des trois quart en usufruit des biens de la succession de son époux ; que le tuteur devrait faire sienne cette logique afin d’éviter de créer une inégalité flagrante entre celui pour lequel le juge peut être saisi et celui pour lequel il ne peut l’être ; qu’ainsi a-t-on vu récemment l’Y... renoncer à constituer un dossier d’aide sociale puisque le juge aux affaires familiales (TGI d’Angoulême le 10 février 2011) avait considéré que le besoin d’aide n’existait pas ; que toutefois cet organisme persiste à solliciter l’aide sociale en faveur de personnes pour lesquelles ce magistrat aurait vraisemblablement pris la même décision s’il avait pu être saisi ; que Mme X... n’apporte pas la preuve de son état de besoin et l’absence de moyens alternatifs d’y pourvoir ; que le département de la Charente maintient sa position confirmée par la commission départementale d’aide sociale ;
    Vu, enregistré le 25 novembre 2011, le mémoire en réplique présenté par l’Y... de la Charente, pour Mme X..., persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’elle ne sollicite pas l’aide sociale pour se « protéger d’un hypothétique reproche d’un membre de la famille » ; que son rôle est de faire valoir les droits des personnes sous protection dans la mesure où leur situation répond aux critères et conditions pour en bénéficier ; que le Conseil général n’a pas à apprécier la légitimité du dépôt d’une demande d’aide sociale par le mandataire judiciaire, il doit seulement apprécier si au regard des ressources du postulant l’aide peut être attribuée ; qu’en l’espèce, l’Y... a estimé que Mme X... remplissait toutes les conditions pour faire valoir son droit à l’aide sociale ; qu’il est surprenant de constater que le Conseil général de la Charente se prévaut dans son argumentaire de jurisprudence émanant de décisions du juge aux affaires familiales d’Angoulême dans le mesure où Mme X... n’a ni ascendant vivant, ni descendant ; qu’ainsi, d’ailleurs, le dépôt de la demande d’aide sociale au bénéfice de Mme X... prend donc tout son intérêt ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la décision attaquée est incompréhensible ; qu’elle commence par énoncer que la prise en charge (par l’aide sociale) est inférieure au coût moyen départemental en se référant ainsi à une condition dépourvue de toute base légale et d’ailleurs nullement évoquée par le président du conseil général de la Charente dans la décision attaquée et devant le juge ; qu’elle cite ensuite des dispositions réglementaires dont il résulte que seuls doivent être pris en compte les revenus du patrimoine et non le patrimoine lui-même puis rappelle que s’agissant de ce dernier le recours contre la succession est exercé par l’administration ; qu’au regard de ces constats dont l’énoncé justifie qu’il soit fait droit à la demande, l’article 1er du dispositif rejette néanmoins celle-ci ; qu’ainsi la décision attaquée est entachée de contradiction entre ses motifs et son dispositif et ne permet pas au juge d’appel d’exercer son contrôle ; qu’il y a lieu de l’annuler et d’évoquer la demande ;
    Considérant que, contrairement à ce que soutient le président du conseil général de la Charente, le juge aux affaires familiales n’est en rien « seul compétent pour définir le besoin d’aide »... sociale ! alors qu’en l’espèce Mme X... est célibataire et qu’il s’agit d’apprécier le prise en compte de son patrimoine personnel pour l’appréciation de ses ressources propres, condition qui ne relève que de la compétence du juge de l’aide sociale ; qu’il résulte des dispositions applicables des articles L. 132-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles et des dispositions réglementaires prises pour leur application, et ce conformément à l’interprétation qui en est faite par la jurisprudence constante émanant non seulement de la commission centrale d’aide sociale mais également du Conseil d’Etat, que seuls les revenus effectivement perçus ou ceux correspondant à un revenu fictif sensé être tiré d’un patrimoine non placé ou non loué doivent être pris en compte au stade de l’admission à l’aide sociale ; que, d’ailleurs, et uniquement pour faire reste de droit, la présente juridiction a rappelé dans ses décisions antérieures (cf. par exemple no 110471, 6 octobre 2011) et pour satisfaire au souci de cohérence manifesté par le président du conseil général de la Charente que la jurisprudence du juge aux affaires familiales d’Angoulême qu’il évoque et qui impose au demandeur d’aide « de vider ses comptes en capital » avant toute demande d’admission d’aide sociale apparait contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation qui ne prend en compte les capitaux et non seulement les ressources en revenus provenant de ceux-ci que lorsque ces capitaux ne sont pas gérés dans des conditions avisées permettant à l’assisté d’en tirer un revenu normal ; qu’ainsi la prétendue incohérence dont veut se prévaloir l’administration ne parait pas exister mais qu’en toute hypothèse cette indication, comme il a été dit, n’est énoncée qu’à titre surabondant, l’application des dispositions propres au droit de l’aide sociale suffisant en l’espèce à fonder l’admission de la demande de Mme X... devant la commission départementale d’aide sociale de la Charente,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 14 juin 2011, ensemble la décision du président du conseil général de la Charente en date du 9 août 2010, sont annulées.
    Art. 2.  -  Mme X... est admise au bénéfice de l’aide sociale pour ses frais d’hébergement au foyer résidence F... à V... à compter du 15 juin 2009 et l’UDAF de la Charente est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente afin que soient fixées la participation de Mme X... et celle de l’aide sociale à ses frais d’hébergement et d’entretien dans cet établissement conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2012, où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 16 mai 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer