Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Frais
 

Dossier no 110811

M. X...
Séance du 27 avril 2012

Décision lue en séance publique le 16 mai 2012

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 29 juillet 2011, la requête présentée par l’Y... de la Charente, pour M. X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 30 mai 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Charente du 9 septembre 2010 prononçant un rejet de l’aide sociale aux personnes handicapées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement par les moyens que M. X... réside à la maison de retraite « R... » à V... depuis le 20 août 2000 ; qu’il a bénéficié de l’aide sociale à l’hébergement du 20 août 2000 au 31 août 2005, du 1er septembre 2005 au 31 août 2010 et du 1er septembre 2010 au 30 novembre 2010 avec le statut d’handicapé non travailleur vieillissant ; qu’ils ont déposé une demande de renouvellement le 30 avril 2010 ; que le 9 septembre 2010 le conseil général de la Charente a refusé d’accorder l’aide sociale à l’hébergement à M. X... à compter du 1er décembre 2010 ; que la commission départementale d’aide sociale a confirmé cette décision ; que les ressources de M. X... ne lui permettent pas de régler ses frais d’hébergement ; que sa situation patrimoniale n’a pas changé aux égards des décisions précédentes ; qu’il est établi dans l’instruction du dossier qu’au 1er juillet 2011 M. X... n’a que 877,75 euros de ressources mensuelles (allocation logement comprise) pour une dépense de 1 865,16 euros ; qu’il est également établi qu’il possède un patrimoine mobilier évalué au 1er juillet 2011 à 37 603 euros ; que le conseil général de la Charente considère qu’ainsi l’état de besoin n’est pas prouvé ; que la jurisprudence émanant des décisions de la commission centrale d’aide sociale du 11 mai 1995 EJCCAS no 23-2 et du 16 novembre 2001 CJAS no 2002/02 précise que « seuls les revenus du capital détenu par un postulant à l’aide sociale peuvent être pris en compte » ; qu’ainsi il y a lieu de prendre les revenus du capital placé et non le capital lui-même ; que les intérêts peuvent être estimés à 94,01 euros par mois ce qui porte les ressources de M. X... à 971,76 euros ; qu’il ne dispose donc pas de revenus suffisants pour régler ses dépenses d’hébergement ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 31 octobre 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente tendant au rejet de la requête par les motifs que le tuteur de M. X... reproche au département et à la commission départementale d’aide sociale d’avoir considéré que l’état de besoin n’existait pas alors que les revenus ne sont pas suffisants pour financer les charges ; qu’au moment où le dossier a été étudié, il manquait chaque mois 781,37 euros pour financer les frais d’hébergement ; que contrairement à ce que pense le représentant légal de M. X..., la question n’est pas de savoir si les ressources permettent ou non de régler les charges ; qu’il convient de se demander si l’aide sociale devait être sollicitée ; que le dépôt d’une demande d’aide sociale ne doit pas être automatique chaque cas faisant l’objet d’une appréciation particulière ; que le tuteur n’a nullement l’obligation de demander l’aide sociale ; qu’il ne doit pas systématiquement solliciter l’aide sociale pour se protéger d’un hypothétique reproche d’un éventuel membre de la famille ou héritier de la personne protégée ; que cet héritier aurait à faire face à la récupération sur la succession de la créance départementale et pourrait reprocher au tuteur de ne pas avoir utilisé le capital pour régler les frais d’hébergement ; qu’il ressort des principes de l’aide sociale que cette dernière est subsidiaire et qu’elle est un droit subjectif ; qu’il faut que le demandeur fasse la preuve de son état de besoin, et les instances d’admission disposent d’un pouvoir pour apprécier ce besoin et l’absence de moyens alternatifs d’y pourvoir ; que le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine ; qu’il doit apporter dans celle-ci des soins diligents et avisés dans le seul intérêt de la personne protégée ; que le juge aux affaires familiales retient ce principe ; qu’il précise (TGI d’Angoulême le 9 février 2010) « le principe de la solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges. En l’espèce, il appartient au curateur d’assister son protégé pour qu’il tire profit de son patrimoine pour faire face à ses charges » ; que selon les éléments du dossier M. X... dispose d’un patrimoine mobilier de 36 534 euros qui lui permet de faire face à ses charges pendant trois ans et cinq mois ; que le tuteur se doit de faire fructifier ce patrimoine de façon à permettre à son protégé de subvenir à ses besoins ; que le juge aux affaires familiales lorsqu’il est saisi, vérifie que le créancier d’aliments ne dispose pas de moyens propres pour subvenir à ses besoins ; qu’ainsi M. X... n’apporte pas la preuve de son état de besoin et l’absence de moyens alternatifs d’y pourvoir ; que le juge aux affaires familiales ne s’y trompe pas (TGI d’Angoulême le 10 octobre 2008) il a considéré que le besoin d’aide n’était pas prouvé puisque le demandeur disposait d’un capital de 40 270 euros qui lui permettait de subvenir à ses besoins pendant plus de neuf ans ; que dans une autre affaire (TGI d’Angoulême le 9 février 2010) ce magistrat a considéré que la personne hébergée en établissement était propriétaire d’un patrimoine important et que le besoin d’aide n’existait pas, que le capital placé de 48 000 euros permettant de faire face aux charges ; que dans une autre affaire (TGI d’Angoulême le 1er février 2010, Mme Z...), le juge développe la même argumentation ; que Mme Z... était propriétaire d’une maison qui n’était pas louée et disposait de ses droits de conjoint survivant pour l’attribution d’un quart en nue propriété et des 3/4 en usufruit des biens de la succession de son époux ; que seul le juge aux affaires familiales peut définir le besoin d’aide ; que sa jurisprudence doit servir de référence pour déterminer le besoin d’aide mais surtout pour apprécier l’opportunité d’une demande d’aide sociale afin d’éviter une inégalité patente entre la personne pour laquelle le juge peut être saisi et celle pour qui il ne peut pas l’être ; qu’ainsi a-t-on vu récemment l’Y... renoncer à constituer un dossier d’aide sociale puisque le juge aux affaires familiales (TGI d’Angoulême le 10 février 2011) avait considéré que le besoin d’aide n’existait pas ; que toutefois cet organisme persiste à solliciter l’aide sociale en faveur de personnes pour lesquelles ce magistrat aurait vraisemblablement pris la même décision s’il avait pu être saisi ; que le département maintient sa position confirmée par la commission départementale d’aide sociale ;
    Vu, enregistré le 10 février 2012, le mémoire en réplique de l’Y... de la Charente qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que les revenus du capital de 1 128,09 euros par an sont donc de 94,01 euros par mois ; qu’ainsi les revenus de M. X... se décomposent comme suit : allocation solidarité aux personnes âgées 662,15 euros, allocation logement 215,15 euros et revenus du placement 94,01 euros soit 971,40 euros par mois ; que ses dépenses de frais d’hébergement de 52,97 euros par jour, s’élèvent à 1 642,07 euros par mois auxquelles il y aurait lieu d’ajouter l’argent de poche légal de 223,09 euros ; qu’il est donc établi que les ressources de M. X... ne lui permettent pas de faire face à ses besoins et que sa demande d’aide sociale à l’hébergement est fondée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que M. X... est hébergé à l’EHPAD « E... » de V... depuis le 20 août 2000 ; qu’il a bénéficié de l’aide sociale depuis son arrivée dans cet établissement ; que lors de sa demande de renouvellement de prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’hébergement, le président du conseil général de la Charente a, par sa décision du 9 septembre 2010, renouvelé l’aide sociale à l’hébergement pour la période du 1er septembre 2010 au 30 novembre 2010 et rejeté la demande à compter du 1er décembre 2010 ; que pour rejeter la demande dont elle était saisie sur recours de l’Y... en date du 9 octobre 2010, la commission départementale d’aide sociale de la Charente dans sa séance du 30 mai 2011 a confirmé la décision du président du conseil général au motif que l’état de besoin n’était pas prouvé et que l’aide sociale est un droit subsidiaire ; qu’un tel refus est contraire aux articles L. 132-3 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles comme à la jurisprudence constante du conseil d’Etat ; que le principe de subsidiarité évoqué par le président du conseil général de la Charente est inopérant dans la mesure où il n’a lieu d’être mis en œuvre qu’en l’absence de dispositions législatives et réglementaires contraires ; que si le président du conseil général soutient que les articles L. 132-1 et R. 132-1 « ne font pas obligation de solliciter l’aide sociale » (en cas de disposition d’un patrimoine), ces articles n’interdisent en rien le dépôt d’une telle demande qui doit être examinée conformément aux dispositions précitées ;
    Considérant que si le président du conseil général fait encore valoir que « le juge aux affaires familiales a estimé que le principe de solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges, » ce moyen est inopérant dans la présente instance ; que d’ailleurs et pour faire reste de droit lorsqu’il s’agit pour l’autorité judiciaire de fixer les obligations des débiteurs d’aliments, la prise en compte des ressources en capital du créancier d’aliments n’a en réalité lieu d’être que lorsque la gestion du patrimoine dudit créancier n’est pas effectuée dans des conditions telles qu’elle produise les revenus qu’il est normalement susceptible de produire ; qu’ainsi la contradiction que croit pouvoir relever le président du conseil général de la Charente en se fondant sur la seule jurisprudence du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d’Angoulême n’est en réalité, abstraction faite même de l’indépendance des législations relatives à l’aide sociale et aux devoirs d’aliments et de secours, pas avérée ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement. » ; qu’à cette fin, conformément à l’article L. 132-1 du même code « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; que l’article R. 132-1 du même code dispose que : « les biens non productifs de revenus, à l’exception de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. »
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions, à l’application desquelles ne saurait faire échec le principe de subsidiarité de l’aide sociale invoqué par l’administration qui ne trouve à s’appliquer que pour autant que les dispositions législatives applicables et les dispositions réglementaires légalement prises pour leur application n’y font pas obstacle, que le législateur a entendu tenir compte pour apprécier les ressources des personnes demandant l’aide sociale des seuls revenus périodiques, tirés notamment d’une activité professionnelle, du bénéfice d’allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et du placement des capitaux mobiliers et immobiliers ; qu’à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’immeuble servant d’habitation principale, il a prévu d’évaluer fictivement les revenus que l’investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; qu’en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l’estimation de ces ressources ; qu’en application de l’article L. 132-8 du même code, les collectivités débitrices d’aide sociale ne sont fondées à exercer, au moment du décès du bénéficiaire de l’aide sociale, qu’un recours sur la succession, contre le donataire ou le légataire pour récupérer l’avance de l’aide sociale du vivant de l’assisté ;
    Considérant que M. X... perçoit selon le dernier mémoire de l’Y... de la Charente des ressources mensuelles de 971,40 euros qui se décomposent en une allocation de solidarité personne âgée d’un montant de 662,15 euros, une allocation logement de 215,15 euros et des intérêts de 94,01 euros provenant du placement de son capital ; que les frais de son hébergement et de son entretien s’avèrent nettement supérieurs atteignant 1 642,07 euros ;
    Considérant, par ces motifs, qu’il y a lieu d’annuler ensemble les décisions respectivement des 9 septembre 2010 et 30 mai 2011 du président du conseil général de la Charente et de la commission départementale d’aide sociale de la Charente, et d’admettre M. X... au bénéfice de l’aide sociale pour couvrir ses frais d’hébergement et d’entretien à l’EHPAD « E... » de V... à compter du 1er décembre 2010 en renvoyant l’Y... de la Charente devant le président du conseil général de la Charente pour que soient fixées conformément aux motifs qui précèdent la participation de l’assisté et celle du département de la Charente aux frais d’hébergement et d’entretien à compter du 1er décembre 2010,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 30 mai 2011, ensemble la décision du président du conseil général de la Charente en date du 9 septembre 2010, sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est admis au bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement aux personnes âgées à l’EHPAD « E... » de V... à compter du 1er décembre 2010 conformément aux motifs de la présente décision et l’Y... de la Charente est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente pour liquidation de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Madame ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 16 mai 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer