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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2400
 
  OBLIGATION ALIMENTAIRE  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Obligation alimentaire - Ressources
 

Dossier no 110036

M. X...
Séance du 6 octobre 2012

Décision lue en séance publique le 26 octobre 2012

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 3 janvier 2011, la requête présentée par l’Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Charente, pour son protégé M. X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 4 novembre 2010 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Charente du 24 novembre 2009 rejetant la demande de prise en charge des frais d’hébergement aux personnes âgées par les moyens que l’UDAF s’est vu confier l’exercice d’une tutelle d’Etat à l’égard de M. X... ; que M. X... réside au foyer d’accueil médicalisé F... de l’hôpital de V... depuis le 3 mars 2003 ; qu’il est titulaire d’une pension d’invalidité d’un montant de 341,73 euros, perçoit un loyer de 400 euros pour un bien qu’il loue à un particulier et ses comptes de placement produisent des intérêts mensuels de 142,63 euros ; que dans sa séance du 4 novembre 2010, dont la décision leur a été notifiée le 15 novembre 2010, la commission départementale d’aide sociale de la Charente a rejeté la demande de l’UDAF au motif que l’état de besoin n’est pas prouvé ; qu’ils font appel de cette décision ; que la jurisprudence émanant des décisions de la commission centrale d’aide sociale du 11 janvier 1995 EJCCAS No 23-2 et du 16 novembre 2001 CJAS No 2002/02 précisent que « seuls les revenus du capital détenu par un postulant à l’aide sociale peuvent être pris en compte » ; qu’il y a ainsi lieu de prendre en compte les revenus du capital placé et non le capital lui-même pour évaluer les ressources dont dispose M. X... ; que ses revenus s’élèvent à 884,36 euros par mois ; que ses dépenses avec frais d’hébergement et argent de poche légal sont de 3 555,37 euros par mois ; qu’il est donc établi que les ressources de M. X... ne lui permettent pas de faire face à ses besoins et que sa demande d’aide sociale à l’hébergement est fondée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 26 avril 2011, le mémoire de l’UDAF de la Charente qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’à ce jour M. X... est titulaire d’une pension d’invalidité de 341,73 euros ; qu’il perçoit un loyer de 404 euros pour un bien qu’il loue à un particulier et ses compte de placement produisent des intérêts mensuels de 156,51 euros ; qu’enfin la MSA lui verse également une allocation logement s’élevant à 65,21 euros ; qu’à la date d’aujourd’hui ses revenus mensuels s’élèvent à 967,85 euros ; que ses dépenses mensuelles (frais d’hébergement, assurance, argent de poche...) sont de 4 048,34 euros par mois ; qu’ils font appel de la décision du 4 novembre 2010 de la commission départementale d’aide social de la Charente ;
    Vu, enregistré le 29 avril 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente qui conclut au rejet de la requête par les motifs que selon les éléments d’aide sociale M. X... dispose d’un patrimoine mobilier de 128 842 euros et immobilier importants ; qu’il est propriétaire d’une maison et de terres agricoles ; que pendant plusieurs années la maison n’a pas été louée ; qu’elle l’est depuis la décision d’aide sociale du 24 novembre 2009 ; que les terres ont été exploitées et la récolte vendue ; que le tuteur de M. X... reproche au département d’avoir considéré que l’état de besoin n’existait pas alors que les ressources ne permettent pas de couvrir ses frais ; qu’en août 2009 au moment de la demande d’aide sociale, il manquait 2 449,95 euros par mois pour faire face à ses charges ; que si les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles posent les règles d’évaluation des biens non productifs de revenus, ils ne font pas obligation de demander l’aide sociale ; que le dépôt d’une demande d’aide sociale ne doit pas être automatique, chaque cas faisant l’objet d’une appréciation particulière ; que le besoin d’aide qui pourrait justifier la demande d’aide sociale doit être apprécié en fonction de la situation de la personne et de l’ensemble de son patrimoine ; qu’ainsi, lorsqu’il existe un patrimoine important permettant de couvrir les charges pendant plusieurs années, quatre ans pour M. X... au moment de la demande d’aide sociale, il ne paraît pas nécessaire de demander l’aide sociale ; que le juge aux affaires familiales ne s’y trompe pas (TGI de C... le 10 octobre 2008), il a considéré que le besoin d’aide n’était pas prouvé puisque le demandeur disposait d’un capital de 40 270 euros qui lui permettait de subvenir à ses besoins pendant plus de neuf ans ; que dans une autre affaire, (TGI de C... le 9 janvier 2010), ce magistrat a considéré que la personne hébergée en établissement était propriétaire d’un patrimoine important et que le besoin d’aide n’existait pas, le capital placé de 48 000 euros permettait de faire face aux charges ; que le jugement précisait : « le principe de solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges » ; que dans le cas de M. X..., le juge aux affaires familiales n’a pas été saisi ; que les enfants de M. X... sont trop jeunes pour venir en aide à leur père et qu’il n’y a pas de raison que la notion d’aide soit appréciée différemment en fonction de la présence des obligés alimentaires ; que comme l’a précisé le juge aux affaires familiales, il appartient au tuteur de faire fructifier au mieux le patrimoine de son protégé avant de solliciter l’aide sociale ce qui n’a, semble-t-il pas toujours été fait, la maison de M. X... n’étant pas louée au moment de la demande d’aide sociale ; que le département maintient donc sa position confirmée par la commission départementale d’aide sociale ;
    Vu, enregistré le 6 mai 2011, le courrier du conseil général de la Charente transmettant les deux décisions de justice précitées dans leur mémoire en défense ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 6 octobre 2011, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que M. X... est hébergé au foyer d’accueil médicalisé du centre F... à V... depuis mars 2003 ; que par décision du 3 mars 2006, M. X... a bénéficié de l’aide sociale à l’hébergement aux personnes handicapées du 1er avril 2005 au 1er avril 2010 ; que lors de sa demande de renouvellement de prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’hébergement, le président du conseil général de la Charente a, par sa décision du 24 novembre 2009, refusé cette demande présentée par l’UDAF de la Charente par une décision, d’ailleurs non motivée ; que pour rejeter la demande dont elle était saisie sur recours de l’UDAF en date du 27 janvier 2010, la commission départementale d’aide sociale de la Charente dans sa séance du 4 novembre 2010 a confirmé la décision du président du conseil général au motif que l’intéressé disposait de « ressources » importantes en capital ; qu’un tel refus est contraire aux articles L. 132-3 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles comme à la jurisprudence constante du Conseil d’Etat ; que le principe de subsidiarité évoqué par le président du conseil général de la Charente est inopérant dans la mesure où il n’a lieu d’être mis en œuvre qu’en l’absence de dispositions législatives et réglementaires contraires ; que si le président du conseil général soutient que les articles L. 132-1 et R. 132-1 « ne font pas obligation de solliciter l’aide sociale » (en cas d’une disposition d’un patrimoine), ces articles n’interdisent en rien le dépôt d’une telle demande qui doit être examinée conformément aux dispositions précitées ;
    Considérant qu’il appartient en toute hypothèse au juge de plein contentieux de l’aide sociale après avoir censuré le motif illégal des premiers juges de déterminer la participation de l’assisté ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles : « Les ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. Toutefois, les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l’aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l’aide sociale peut être titulaire s’ajoutent à cette somme » ; qu’en vertu de l’article 4 du décret no 77-1548 du 31 décembre 1977, « le minimum de ressources qui, en application du 1o du troisième alinéa de l’article 168 du code de la famille et de l’aide sociale, doit être laissé à la disposition des personnes handicapées lorsqu’elles sont accueillies dans des établissements pour personnes handicapées, est fixé par les dispositions qui suivent : et qu’aux termes de l’article 2 « lorsque l’établissement assure un hébergement et un entretien complet, y compris la totalité des repas, le pensionnaire doit pouvoir disposer librement chaque mois : 1o S’il ne travaille pas, de 10 % de l’ensemble de ses ressources mensuelles et au minimum de 1 % du montant annuel de l’allocation aux adultes handicapés » ;
    Considérant que ces dispositions assurent à toute personne handicapée un minimum de ressources ; que les sommes laissées à disposition peuvent être supérieures à ce minimum si le règlement départemental d’aide sociale en décide ainsi ;
    Considérant qu’au moment du renouvellement de la demande d’aide sociale M. X... était hébergé au foyer d’accueil médicalisé du centre F... à V... et qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que M. X... travaille ; que sont ainsi applicables les dispositions précitées ;
    Considérant que si le président du conseil général fait encore valoir que « le juge aux affaires familiales a estimé que le principe de solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges », cet argument est également inopérant dans la présente instance et d’ailleurs comme il est plus longuement explicité dans la décision no 110471 de ce jour, la prise en compte des ressources en capital du créancier d’aliments n’a en réalité lieu d’être lorsqu’il y a lieu à prise en compte de ses créances que lorsque la gestion de son patrimoine n’est pas effectuée dans des conditions telles qu’elles produisent normalement les revenus qu’il est susceptible de produire ; qu’ainsi la contradiction que croit pouvoir relever le président du conseil général de la Charente en se fondant sur la seule jurisprudence du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de C... n’est en réalité, abstraction faite même de l’indépendance des législations relatives à l’aide sociale et aux devoirs d’aliments et de secours, pas avérée,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 4 novembre 2010, ensemble la décision du président du conseil général de la Charente du 24 novembre 2009 sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est admis au bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement aux personnes âgées au foyer d’accueil médicalisé F... de l’hôpital de V... à compter du 2 avril 2010 conformément aux motifs de la présente décision et est renvoyé devant le président du conseil général de la Charente pour liquidation de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 octobre 2011, où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer