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  Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Hébergement - Règlement départemental d’aide sociale
 

Dossier no 110166

M. X...
Séance du 6 octobre 2011

Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 12 janvier 2011, la requête présentée par l’association pour l’action sociale et éducative (APASE) en Ille-et-Vilaine, pour M. X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Manche en date du 10 novembre 2010 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Manche du 22 septembre 2010 concernant la demande d’aide sociale à l’hébergement en famille d’accueil par les moyens que par jugement du 18 janvier 1993 le tribunal d’instance de I... a nommé l’APASE pour exercer la mesure de tutelle à l’égard de M. X... ; que M. X... réside depuis le 1er mai 1993 chez M. et Mme Y..., famille d’accueil agréée par le conseil général d’Ille-et-Vilaine ; que ses ressources ont toujours été suffisantes pour lui permettre de faire face à ses frais d’hébergement en famille d’accueil ; que jusqu’au 31 décembre 2007 il était bénéficiaire de l’aide sociale spécifique accueil familial, liquidée par le département de la Manche ; qu’au 1er janvier 2008 le département de la Manche a cessé de prendre en charge ses frais d’accueil familial sans que la situation de M. X... ait changé ; que le règlement départemental d’aide sociale en vigueur en Ille-et-Vilaine, département de résidence de M. X..., prévoit qu’une personne handicapée dépourvue de ressources suffisantes et accueillie au sein d’une famille d’accueil agréée, doit disposer au titre de l’aide sociale d’un minimum de ressources équivalant à 35 % de l’AAH théorique en cas d’accueil à temps plein (article 100 du RDAS) ; que le bénéficiaire de l’aide sociale est libre d’utiliser à son gré les 35 % de l’AAH laissés à sa disposition ; qu’il peut les dépenser ou les placer pour une utilisation ultérieure ; qu’au regard de la jurisprudence constante, tant de la commission centrale d’aide sociale, que du Conseil d’Etat, la notion de revenus au sens de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles, doit inclure les ressources et les intérêts de capitaux placés et non les capitaux eux-mêmes ; que le budget (incluant dans les ressources les intérêts des capitaux placés) et les pièces justificatives transmises par M. X... lors de sa demande d’aide sociale démontrent un déficit de 360,37 euros chaque mois ; qu’annuellement il manque ainsi 4 324,44 euros à M. X... pour pouvoir régler les coûts liés à son hébergement en famille d’accueil agréée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 7 avril 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Manche qui conclut au rejet de la requête par les motifs que les ressources mensuelles de M. X... sont de 1 584,56 euros dont 82,97 euros d’intérêts des capitaux placés (41 137,51 euros de capitaux sur divers comptes) ; que le coût mensuel de la famille d’accueil s’élève à 1 656,76 euros ; que selon le règlement départemental d’aide sociale de l’Ille-et-Vilaine, il est laissé à disposition de l’intéressé un minimum de ressources équivalent à 35 % de l’AAH, soit 243,82 euros ; que les frais de mutuelle et de responsabilité civile (58,86 euros par mois) sont pris en charge par l’aide sociale ; que le montant de l’aide sociale attribuable est de 374,88 euros (coût de la famille d’accueil : 1 656,76 euros + 35 % de l’AAH : 243,82 euros + frais de mutuelle et de responsabilité civile : 58,86 euros - les ressources de l’intéressé : 1 584,56 euros) ; que M. X... n’a effectivement pas les ressources mensuelles suffisantes pour payer sa famille d’accueil, mais il est détenteur de capitaux mobiliers conséquents ; que le montant de l’aide sociale attribuable pourrait être couvert pendant environ neuf ans par ses capitaux mobiliers en sachant que les 35 % de l’AAH laissés à sa disposition sont en réalité placés dans leur quasi-totalité chaque mois ;
    Vu enregistré le 2 mai 2011, le mémoire présenté par l’APASE en Ille-et-Vilaine, pour M. X... persistant dans ses précédentes conclusions et indiquant qu’elle souhaite apporter une précision relative aux placements de M. X... ; qu’elle joint à cet effet les relevés des placements du 31 décembre 2007 ; que de 2007 à 2010, les placements de M. X... ont diminué de 10 070,22 euros, soit une moyenne annuelle de 3 356,74 euros ; que cet état de fait montre que le laisser à disposition (35 % de l’AAH) est dans sa majeure partie utilisé par M. X... ;
    Vu enregistré le 16 juin 2011, le mémoire en réplique du président du conseil général de la Manche qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que le relevé des placements et dépôts du 31 décembre 2007 de M. X... présente un montant total de 43 187,91 euros ; que la motivation de leur rejet de l’aide sociale basée sur des capitaux mobiliers conséquents n’est pas remise en cause par ce nouveau document ; que si l’on reprend la baisse moyenne d’environ 3 356 euros par an des capitaux de 2007 à 2010 par rapport au montant total des capitaux de 2010 de 39 824,93 euros au 31 décembre, M. X... peut encore payer sa famille d’accueil pendant environ onze ans ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le règlement départemental d’aide sociale de la Manche ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 6 octobre 2011, Mlle ERDMANN, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il ressort des mentions mêmes de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de la Manche que la rapporteur était un agent de la direction départementale en charge de l’aide sociale mentionné d’ailleurs comme « le représentant de la direction générale adjointe des solidarités départementales, rapporteur en son rapport » ( !...) ; que nonobstant la décision du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011, il appartient au juge lorsque aucune question prioritaire de constitutionnalité n’est soulevée dans le litige dont il est saisi, de soulever d’office le moyen tiré de ce qu’en l’espèce - ce que la loi en cause devant l’instance constitutionnelle ne prévoyait pas - le rapporteur est un fonctionnaire ou agent de la direction départementale intéressée et défenderesse en l’instance ; qu’une telle composition de la juridiction de premier ressort a méconnu en l’espèce les principes d’indépendance et d’impartialité qui s’imposent à toute juridiction administrative ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que quelle que puisse être la portée du principe de subsidiarité de l’aide sociale, celui-ci ne s’applique que pour autant que les dispositions législatives applicables et les dispositions réglementaires prises pour leur application n’y fassent pas obstacle ; qu’en vertu de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles n’entrent pas au nombre des ressources prises en compte au stade de l’admission à l’aide sociale les ressources en capital mais les seuls revenus des capitaux placés ou lorsqu’ils ne sont pas placés des revenus forfaitairement déterminés par ces dispositions ; que quelles que puissent être les conséquences de ces textes tels qu’interprétés par une jurisprudence constante lorsque, comme en l’espèce, l’assisté n’utilise pas le minimum de revenus laissé à sa disposition à d’autres fins que l’accroissement de son capital, il ne peut appartenir qu’au législateur, s’il l’estime opportun, de modifier les règles applicables ; qu’au demeurant, nonobstant le caractère récurrent du débat initié notamment par un certain nombre de collectivités départementales sur la pertinence économique et sociale de la situation résultant de l’état du droit actuel, force est de constater qu’une modification de la sorte n’a jamais été envisagée ; que d’ailleurs, même s’il persiste à faire valoir que le montant actuel des capitaux de M. X... lui permettrait de financer sa prise en charge en accueil familial pendant plusieurs années, le président du conseil général n’en disconvient pas réellement et procède lui-même au calcul des participations de l’assisté et de l’aide sociale en excluant les ressources en capital des ressources prises en compte ; que toutefois si les parties s’accordent alors que M. X... dont le domicile de secours est dans la Manche est accueilli dans un établissement situé en Ille-et-Vilaine à admettre l’application en ce qui le concerne du règlement départemental d’aide sociale d’Ille-et-Vilaine plus favorable à tout le moins en ce qui concerne le minimum de revenus de 35 % du montant mensuel de l’AAH laissé à la personne handicapée hébergée que celui de la Manche, seul ce dernier est applicable, le règlement départemental d’aide sociale applicable étant celui du département du domicile de secours de l’assisté sauf dispositions contraires dudit règlement permettant d’appliquer dans le cas d’un assisté accueilli dans une structure située dans un autre département le règlement, s’il est plus favorable, dudit département ; qu’en l’espèce aucune disposition de la sorte n’est alléguée ni ne ressort du dossier comme figurant dans le règlement départemental d’aide sociale de la Manche ; que, dès lors, qu’en prenant en compte, comme il doit l’être, le règlement de ce dernier département le juge d’appel n’aggrave pas la situation de M. X... dont la demande avait été rejetée par les premiers juges et statue dans la limite des conclusions des parties, le moyen tiré de ce que le règlement départemental appliqué par l’administration n’était pas celui légalement applicable, tiré non seulement d’une fausse application de la loi (i.e. le règlement départemental d’aide sociale), mais d’une application étrangère au champ d’application de celui-ci est d’ordre public ;
    Considérant qu’il convient pour le juge de l’aide sociale, non seulement de statuer sur la légalité de la décision du président du conseil général rejetant la demande d’aide sociale au motif de la possession par le demandeur de ressources en capital lui permettant de financer sa prise en charge, mais encore dès lors qu’il y a lieu d’admettre à l’aide sociale de ne pas se borner à renvoyer l’assisté devant l’administration mais de vider lui-même le litige en calculant la participation de l’aide sociale ou à tout le moins en fixant les bases de ce calcul avec une précision suffisante ;
    Considérant qu’il ne ressort pas du dossier et n’est d’ailleurs pas allégué que le mode de calcul communément utilisé par les parties, sous réserve de la substitution du minimum de revenus procédant de l’application des dispositions du règlement départemental d’aide sociale de la Manche et non de celui de l’Ille-et-Vilaine, par soustraction du coût total du placement familial de M. X... augmenté du minimum de revenus de 30 % et non de 35 % de l’AAH laissé à l’assisté et des frais de mutuelle et de responsabilité civile, le montant total ainsi atteint étant diminué des ressources de l’assisté peut être regardé comme plus favorable que celui en réalité différent prévu à l’article R. 231-4 du code de l’action sociale et des familles ; qu’en toute hypothèse, compte tenu des conclusions de M. X..., la circonstance que ce dernier article permette l’intervention de l’aide sociale à concurrence « d’un plafond constitué par la rémunération et les indemnités mentionnés aux I et II de l’article L. 442-1 », compte tenu des ressources de l’assisté, demeure sans incidence en l’espèce sur le caractère plus favorable du mode de calcul utilisé par les parties qui peut être regardé comme procédant des dispositions mêmes du titre IV l’accueil familial du livre I du RDAS de la Manche C) 2) « la personne ne doit pas disposer de ressources suffisantes pour assumer seule ses frais de séjour » et E) 1er § « la participation du bénéficiaire est fixée à 80 % de ses ressources pour les personnes handicapées, et à 90 % pour les personnes âgées. Toutefois le montant laissé à disposition ne peut être inférieur à 30 % du montant mensuel de l’allocation adulte handicapé pour une personne handicapée et à un centième du minimum vieillesse annuel pour une personne âgée » ;
    Considérant, au demeurant, que les dispositions qui viennent d’être citées relatives à la participation du bénéficiaire selon le règlement départemental d’aide sociale de la Manche prévoient qu’il lui est laissé 20 % de ses ressources et que le montant laissé à disposition ne peut être inférieur à 30 % du montant mensuel de l’AAH ; qu’il résulte clairement de ces dispositions, dont les parties n’ont évidemment tenu aucun compte, que lorsque 20 % des ressources (et non 10 % comme dans le RDAS d’Ille-et-Vilaine !) sont d’un montant supérieur aux 30 % de l’AAH qui doit a minima être laissé à disposition de l’assisté, c’est bien ce montant de 20 % des ressources et non celui de 30 % de l’AAH qu’il convient de prendre en compte ; qu’en l’espèce le premier des deux montants est supérieur au second ;
    Considérant, par ailleurs, que dans les calculs du département, celui-ci, notamment dans son mémoire en défense, fait état, s’agissant des capitaux placés en épargne assurance vie, du montant des intérêts capitalisés ; que toutefois dans le dernier état de la jurisprudence du Conseil d’Etat lorsque les intérêts capitalisés ne peuvent être perçus, il y a lieu de prendre en compte, contrairement à la jurisprudence antérieure de la présente juridiction qui retenait sur ce point, comme le département, le montant des intérêts capitalisés, le pourcentage forfaitaire de 3 % du montant des capitaux prévu à l’article R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que c’est dans l’état de la situation résultant des développement qui précèdent, soit notamment prise en compte du RDAS de la Manche, minimum de revenu laissé à l’assisté égal à 20 % de ses revenus auxquels il y a lieu d’ajouter le montant des cotisations mutuelle et responsabilité civile (en ce qui concerne les secondes le RDAS est à nouveau plus favorable que la législation nationale telle qu’interprétée par la décision du Conseil d’Etat Charente-Maritime du 15 décembre 2007, étant observé par ailleurs que les modalités de prise en compte des cotisations par adjonction aux revenus laissés à disposition de l’assisté peuvent également apparaître plus favorables que le mode de calcul procédant de la jurisprudence intervenue pour l’application des dispositions du code de l’action sociale et des familles) ; qu’il convient de régler le litige ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la participation de M. X... et celle de l’aide sociale peuvent s’établir mensuellement comme suit à la date d’effet de la demande d’aide sociale :
        1 656,76 euros (coût mensuel global du placement familial) ;
        1 600 euros arrondi (revenus mensuels de M. X...) (1)
    Soit laissé à disposition 20 % :
            320 euros
            + 59 euros arrondi (cotisations mutuelle et responsabilité civile)
            379 euros
    Participation de M. X... :
            1 600 euros
            -  379 euros
            1 221 euros
    Participation de l’aide sociale :
            1 656,76 euros
            -  1 221 euros
    Soit 435,76 euros ;
    Que toutefois le requérant conclut à une participation de l’aide sociale de 360,37 euros et que le juge de l’aide sociale fût-il de plein contentieux statue dans la limite des conclusions des parties ; qu’il y a lieu par suite de fixer à ladite somme de 360,37 euros à la date du 1er août 2010 la participation de l’aide sociale ; qu’il appartiendra au président du conseil général de la Manche pour l’exécution de la présente décision de recalculer cette participation pour l’ensemble de la période d’admission compte tenu de l’évolution du coût du placement et des revenus de M. X... ;
    (1)  La prise en compte de 3 % du montant du capital assurance vie ne change pas le calcul significativement,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Manche en date du 10 novembre 2010 et du président du conseil général de la Manche du 22 septembre 2010 sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est admis à compter du 1er août 2010 à l’aide sociale au placement des personnes handicapées moyennant une participation de l’aide sociale fixée à 360,37 euros. Cette participation et la participation de M. X... aux frais de placement familial seront réévaluées durant la période d’admission conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 octobre 2011 où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer