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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession - Charge effective et constante
 

Dossier no 101178

Mme X...
Séance du 2 novembre 2011

Décision lue en séance publique le 23 novembre 2011

    Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés le 15 novembre 2010 et le 3 janvier 2011, formés par M. Y... contre la décision du 18 juin 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a rejeté son recours dirigé contre la décision du 12 octobre 2009 par laquelle le président du conseil général de l’Hérault a prononcé la récupération partielle à hauteur de 30 973,59 euros de la créance départementale de 54 525,41 euros versée à Mme X..., sœur du requérant, au titre de l’aide sociale pour l’hébergement de cette dernière en maison de retraite du 1er mars 2003 au 13 décembre 2007 ;
    Le requérant soutient qu’il a assumé la charge effective et constante de sa sœur, Mme X..., handicapée mentale, dont il a été le tuteur à compter du 27 décembre 2000, par jugement du tribunal de Sète, et à qui il rendait visite régulièrement, deux à trois fois par mois, en dépit de la distance séparant leurs résidences respectives ; que leur père a assumé la charge des frais de placement en maison de retraite de Mme X... de 1996 à 2003 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2011, présenté par le président du conseil général de l’Hérault, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le statut de personne handicapée a été reconnue à Mme X... le 30 janvier 2002, cette dernière étant alors âgée de 67 ans ; qu’il n’est pas établi que ce statut lui ait été reconnu avant l’âge de 60 ans ; que, par suite, elle reste soumise au régime de récupération fixé par les dispositions des articles L. 132-8 et R. 132-11 du code de l’action sociale et des familles ; que le montant de la récupération correspond à celui de l’actif net successoral de Mme X..., soit la somme de 30 973,59 euros ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 janvier 2011, présenté par M. Y..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; il soutient en outre que Mme X..., sa sœur, a été reconnue handicapée depuis le 1er février 1979, soit bien avant l’âge de 60 ans, contrairement à ce qu’affirme le président du conseil général en défense ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2011, présenté par le président du conseil général de l’Hérault, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ; il soutient en outre que si le requérant établit désormais que Mme X... a été reconnue handicapée avec un taux d’incapacité de 80 % depuis février 1979, le requérant n’entre pas dans le champ des exceptions légales au mécanisme de récupération sur succession posées par l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles en faveur des parents, du conjoint, des enfants ou de la personne ayant assumé la charge effective et constante d’une personne handicapée ; que le requérant, qui résidait à 320 km de sa sœur, Mme X..., et qui ne lui a rendu que des visites ponctuelles, ne peut être regardé comme ayant assumé la charge effective et constante de cette dernière ;
    Vu le nouveau mémoire en réplique, enregistré le 9 mai 2011, présenté par M. Y..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; il soutient en outre que la composition de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a méconnu les principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 2 novembre 2011 M. David GAUDILLERE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles prévoient que siègent dans les commissions départementales d’aide sociale trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite ; que, par sa décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la constitution, au motif qu’elles portaient atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; que le Conseil constitutionnel a prévu que les décisions rendues antérieurement à sa décision par ces commissions ne pourraient être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité que si une partie l’a invoquée à l’encontre d’une décision n’ayant pas acquis un caractère définitif au jour de la publication de sa décision no 2010-110 QPC ;
    Considérant que le requérant soutient que la composition de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a méconnu les principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; que la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault, en date du 18 juin 2010, n’avait pas acquis un caractère définitif le 25 mars 2011, jour de la publication de sa décision no 2010-110 QPC ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault en date du 18 juin 2010 doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a eu lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes du 1o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (...) contre la succession du bénéficiaire (...) / En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus à l’article L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. / Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles du droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 132-12 du même code : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article L. 132-8, des sommes versées au titre de l’aide sociale à domicile, de l’aide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46 000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à recouvrement » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 344-5 du même code : « Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de l’article L. 312-1, à l’exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l’article L. 344-1, sont à la charge : 1o A titre principal, de l’intéressé lui-même (...) ; 2o Et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale sans qu’il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard de l’intéressé, et sans qu’il y ait lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que la sœur du requérant, Mme X..., née le 2 janvier 1935 et décédée le 18 décembre 2007, a bénéficié de l’aide sociale pour l’hébergement en maison de retraite du 1er mars 2003 au 13 décembre 2007, pour un montant total de 54 525,41 euros ; que, par une décision du 12 octobre 2009, le président du conseil général de l’Hérault a prononcé la récupération partielle de cette créance départementale à hauteur de l’actif net successoral, soit 30 973,59 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que Mme X... a été reconnue le 1er février 1979, à l’âge de 34 ans, handicapée avec un taux d’invalidité de 80 % ; que, pour dénier à M. Y... le bénéfice de la non-récupération de la créance d’aide sociale départementale, prévu par le 2o de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil général de l’Hérault soutient que le requérant ne saurait être regardé comme ayant assumé la charge effective et constante de sa sœur handicapée ;
    Considérant toutefois, que la charge effective et constante, au sens des dispositions du 2o de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles, est celle qui révèle de la part de ceux qui l’assument un engagement personnel apportant à la personne handicapée, même placée en établissement, le soutien affectif et moral dont celle-ci conserve le besoin ; que cette charge ne doit pas nécessairement avoir été assumée tout au long de l’existence mais l’avoir été de manière constante, durant une période de temps suffisante, dans les circonstances particulières de chaque espèce, appréciées par l’administration sous le contrôle du juge de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que M. Y..., qui a été désigné tuteur légal de sa sœur, Mme X..., par un jugement du tribunal d’instance de Sète du 27 novembre 2000, a constitué l’unique soutien familial de sa sœur à compter du décès de leur père, en 2005 ; que le requérant soutient, sans que le président du conseil général de l’Hérault n’apporte d’éléments de nature à contredire le bien-fondé de ces affirmations, avoir eu des contacts téléphoniques très réguliers avec le personnel soignant de la maison de retraite R... où résidait sa sœur, et s’être rendu à de nombreuses reprises dans cette maison de retraite pour rendre visite à cette dernière, notamment lorsque son état de santé le nécessitait ; qu’il pourvoyait en outre au confort matériel de sa sœur en effectuant régulièrement pour elle des achats de la vie courante ; que, par ailleurs, la circonstance que le requérant s’est installé à compter de son départ en retraite, en 2003, dans le département de l’Isère n’a pas fait pas obstacle, contrairement à ce que soutient le président du conseil général de l’Hérault, à ce que M. Y... apporte un soutien affectif et moral régulier à sa sœur handicapée ; qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, M. Y... doit être regardé comme ayant assumé la charge effective et constante de sa sœur, au sens des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que M. Y... est fondé à demander l’annulation de la décision du 12 octobre 2009 par laquelle le président du conseil général de l’Hérault a prononcé la récupération partielle à hauteur de 30 973,59 euros de la créance départementale versée à Mme X... au titre de l’aide sociale pour l’hébergement de cette dernière en maison de retraite,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 18 juin 2010 de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ensemble la décision du 12 octobre 2009 du président du conseil général de l’Hérault, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a pas lieu à récupération de la somme de 30 973,59 euros à l’encontre de M. Y....
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 2 novembre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, M. GAUDILLERE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 23 novembre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer