Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Contrat d’assurance-vie - Date d’effet
 

Dossiers nos 110271 et 110271 bis

Mme X...
Séance du 27 avril 2012

Décision lue en séance publique le 16 mai 2012

    Vu 1 et 2, enregistrées au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 10 janvier 2011, les requêtes en déclaration d’appel présentées par Mme Y... demeurant dans la Vienne et M. Z... demeurant en Meurthe-et-Moselle tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision en date du 5 novembre 2010 de la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire rejetant leur demande dirigée contre la décision en date du 3 décembre 2009 du président du conseil général de Maine-et-Loire décidant la récupération à leur encontre de la prestation spécifique dépendance avancée par l’aide sociale à Mme X... en leur qualité de donataires indirects de cette dernière du fait de leur désignation comme bénéficiaires de second rang d’un contrat d’assurance-vie-décès souscrit par celle-ci ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 1er juin 2011, le mémoire commun de Mme Y... et de M. Z... confirmant les conclusions de leurs requêtes susvisées par les moyens qu’aucun contrat, ni comptes n’ont été ouverts auprès du Crédit Agricole comme mentionné dans les décisions attaquées ; que selon la jurisprudence du Conseil d’Etat trois conditions doivent être simultanément remplies pour la requalification d’un contrat d’assurance-vie-décès en donation indirecte : le dépouillement irrévocable du donateur et l’appauvrissement de celui-ci, l’intention libérale, l’acceptation du bénéficiaire ; que la commission départementale d’aide sociale a considéré que le contrat souscrit par Mme X... avait été ouvert en 1998 à l’âge de 76 ans alors qu’il a été souscrit sous forme de PEP à la Caisse d’épargne le 4 décembre 1990 à 68 ans pour un montant de 22 053 euros alors que Mme X... vivait à l’époque avec leur père, son époux ; que le contrat a été souscrit à titre de placement moyennant un taux privilégié et à titre d’épargne de précaution et de complément de retraite, eu égard à l’espérance de vie de la stipulante ; que le montant de la prime ne constituait pas un appauvrissement du souscripteur, ni un dépouillement irrévocable, eu égard à son espérance de vie ; que la clause bénéficiaire était une clause type sans aucune stipulation expresse désignant, en premier lieu, M. X..., père ; qu’ainsi Mme X... en souscrivant le contrat n’a pas voulu procéder à la transmission de son patrimoine ; que le 9 décembre 1998 elle a décidé de transférer le capital et les intérêts ainsi investis sur un contrat PEP transmission pour 29 399 euros, ce dernier reprenant l’ensemble des conditions figurant au PEP originel et en particulier la clause bénéficiaire avec un taux de rendement minimum garanti de 4,20 % et moyennant la disponibilité immédiate des capitaux placés ; que la disproportion manifeste n’était au contraire pas davantage établie qu’à l’origine ; qu’ainsi le PEP transmission ne pouvait être considéré comme un nouveau contrat d’assurance-vie puisqu’il s’agit d’un transfert et non d’une souscription directe comme l’indiquent les conditions de souscription et qui fait obligatoirement référence au PEP originel pour bénéficier de la disponibilité immédiate des fonds ; qu’ainsi est démontrée la volonté de Mme X... de se constituer une épargne sans se dépouiller, ni se dessaisir d’une partie de son patrimoine de manière irrévocable ; que Mme X... est entrée en maison de retraite le 21 janvier 2002 et que son époux acquittait personnellement les frais de séjours en privilégiant dans un premier temps les fonds détenus sur ses propres livrets ouverts à la Caisse d’épargne (livret A, LEP, CODEVI) puis, avec l’aval du tuteur sur les comptes ouverts au nom de son épouse ; que M. X... est décédé le 10 mars 2004 ; que de son vivant il assumait également sur ses deniers personnels toutes les charges relatives au domicile familial qui après le décès incombaient à Mme X..., usufruitière et propriétaire indivis ; que celle-ci ne pouvait revenir habiter seule la maison d’où l’acceptation par le juge des tutelles de la vendre pour un montant de 89 000 euros placés en premier lieu pour disposer des fonds pour couvrir les frais de séjours de la maison de retraite sur le livret A, le CODEVI, le LEP et le compte courant pour un montant total de 35 700 euros ; que le solde de 53 300 euros a, en considération de la disponibilité immédiate des fonds du PEP transmission, été placé sur ce contrat avec l’accord du juge des tutelles permettant ainsi la constitution d’une épargne de précaution pour faire face à ses frais de séjours, soit un capital investi à hauteur de 88 544,03 euros et un patrimoine financier de 124 244 euros ; que ce contrat ne représente que 42 % du total du patrimoine de Mme X... ; qu’un besoin minimal de 8 400 euros en 2006 était avéré pour la charge des frais de placement et que depuis 2005 il a été nécessaire de procéder à des virements internes de compte à compte de l’ordre de 700 euros par mois pour faire face à l’ensemble des charges ; qu’au décès de Mme X... les soldes détenus sur l’ensemble des comptes, autres que le PEP transmission, étaient de 3 143,69 euros, soit à peine quatre mois de frais de séjours et que le contrat PEP souscrit en 1990 aurait pleinement exécuté et respecté les volontés de Mme X... ; qu’il aurait déjà pu être mis en œuvre en 2004 si M. X... n’était pas décédé ; qu’il n’y a eu aucune acceptation du bénéficiaire du vivant du donateur ; que Mme X... pouvait jouir des capitaux et intérêts investis sur le PEP dès le 5 décembre 1998 ;
    Vu, enregistré le 6 juillet 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de Maine-et-Loire tendant au rejet des requêtes par les motifs que les termes mêmes de la décision du Conseil d’Etat du 19 novembre 2004 corroborent le bien-fondé de la récupération litigieuse ; que si M. X... est resté au domicile familial et y est décédé le 10 mars 2004, Mme X... a, compte tenu de son état de santé, été admise à l’hôpital intercommunal (USLD) dès le 28 février 2001 et qu’il était peu probable qu’elle perçoive les fonds placés par ses soins en assurance-vie au terme du contrat PEP transmission signé en 1998, soit huit ans plus tard ; que la lettre du 6 février 2001 de Mme Y... confirme elle-même cet état de fait et tous les intervenants dans la prise en charge de Mme X... sont unanimes à cet égard ; que dès le dépôt de la première demande de prise en charge d’aide sociale le 9 mars 2000, Mme X... présentait déjà des signes cliniques de détérioration ; qu’au regard de la grille AGGIR elle était évaluée comme relevant du GIR 4 et qu’à l’occasion de la 2e demande de prise en charge déposée le 26 septembre 2000 elle a été considérée relever du GIR 2, les constats alors effectués confirmant la rapide dégradation de son état ; que l’espérance de vie de Mme X... semblait bien compromise ce que d’ailleurs Mme Y... écrit sans équivoque dans un courrier daté du 28 décembre 2000 ; que compte tenu de son état de santé, les faits et la situation à la date de signature du contrat laissaient supposer qu’elle ne percevrait pas les fonds souscrits à l’échéance du terme huit ans plus tard ; que s’il est fait état de la souscription d’un PEP antérieure au PEP transmission de 1998 en 1990 et reportée sur le PEP transmission au titre de ses conditions particulières, rien ne démontre qu’il s’agissait d’une obligation pour Mme X... qui a opté pour la conclusion d’un nouveau contrat PEP transmission mais aurait pu opter pour un autre placement ; que l’option choisie par ses soins ne faisait que renforcer son intention par rapport à son patrimoine et les avantages d’un tel placement ; que les services fiscaux ont également retenu la date du 9 décembre 1998 comme date de souscription ; que la lecture des rapports d’évaluation au domicile des époux X... fait apparaître que M. X... avait lui-même des problèmes de santé lorsqu’il a été désigné comme bénéficiaire de premier rang et que les requérants eux-mêmes ont admis dans leur courrier du 9 juin 2009 que la situation de leurs parents était modeste ;
    Vu, enregistrés le 16 septembre 2011, les mémoires complémentaires de Mme Y... et de M. Z... persistant dans les conclusions de leurs requêtes par les mêmes moyens et les moyens que c’est bien en 1990 que le contrat d’assurance-vie a été souscrit à 68 ans en pleine capacité des moyens de Mme X... et que lors du transfert du contrat sur le PEP transmission les conditions originelles de souscription ont bien été maintenues, notamment la disponibilité immédiate ; que le département reconnaît lui-même que la dégradation de l’état de santé n’est intervenue qu’à compter de 2000, alors que le décès est intervenu le 11 février 2008, soit deux ans après le terme du contrat selon le département ; que Mme X... ne s’est pas trouvée dans l’obligation de puiser dans son contrat d’assurance-vie même en 2006 compte tenu de ses autres disponibilités suffisantes pour faire face à l’ensemble de ses charges financières ; que s’agissant des courriers laissant supposer une issue fatale à court terme, ils ne sont pas médecins et selon le rapport médical il était compréhensible qu’ils puissent s’inquiéter sur l’état de santé de leur mère et son bien être ; que les remarques du défendeur sur l’état de santé de leur père sont hors de propos dans ce dossier et sont dommageables à celui-ci aujourd’hui décédé ; que les ressources de leurs parents au cours de leur retraite leur permettaient de faire face à leurs charges financières ; que c’est à bon droit que les services fiscaux ont retenu l’année 1998 pour la liquidation du contrat d’assurance-vie puisqu’elle correspond au seul versement effectué après 70 ans mais que cette date ne saurait constituer une reconnaissance par les services fiscaux de la date d’ouverture du contrat ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que si l’intention libérale s’apprécie en principe à la date de souscription du contrat d’assurance-vie-décès le juge de plein contentieux de l’aide sociale prend en compte l’ensemble des éléments de fait, à la date à laquelle il statue, susceptibles de manifester au cours de la période d’existence du contrat une novation des conditions de souscription de celui-ci de nature à caractériser, compte tenu de celle-ci, l’existence de l’intention libérale et à permettre la requalification de la stipulation pour autrui en donation indirecte à la date de la décision du juge ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que « le plan d’épargne populaire (PEP) assurance-vie » souscrit en 1990 par les époux X... alors que Mme X... était âgée de 68 ans a été transféré - en capital et intérêts acquis - sur un contrat « PEP transmission », dont la nature de contrat d’assurance-vie-décès n’est pas contestée, en 1998 ; que de 2000 à 2002 Mme X... a perçu des arrérages de la prestation spécifique dépendance (PSD) dont la récupération est recherchée à hauteur de 5 909,55 euros ; qu’en 2001 elle a été placée à l’USLD de l’hôpital intercommunal ; qu’en 2004, à la mort de M. X..., Mme X..., représentée par sa fille et tutrice Mme Y..., a, à 84 ans et alors qu’il résulte de l’instruction que son pronostic vital était antérieurement déjà compromis et qu’aucune pièce du dossier ne laisse présumer qu’il s’était ultérieurement amélioré, investi les fonds provenant, à hauteur de 89 000 euros, de la vente de la maison familiale pour 53 000 euros sur le contrat PEP transmission et pour le solde sur ses autres placements (dont un CODEVI et un Livret A soumis à plafond de dépôt) ; qu’à compter de cette date et pour s’acquitter de ses frais de placement en maison de retraite non couverts par ses ressources en revenus elle a exclusivement utilisé les capitaux placés sur les placements autres que le contrat PEP transmission de sorte qu’à son décès l’actif net successoral était de 3 454,24 euros et que compte tenu des intérêts produits par le PEP litigieux, le capital versé aux bénéficiaires de second rang, les requérants, a été de 88 698 euros ; que certes compte tenu de l’utilisation quasi totale des placements hors assurance-vie-décès dont il s’agit les fonds en provenance du PEP transmission auraient dû être, si Mme X... n’était pas alors décédée à 85 ans 6 mois, utilisés au paiement de ses frais de placement mais que force est de constater que cette situation n’a pas été avérée et qu’à la date du décès les fonds maintenus sur le contrat d’assurance-vie-décès constituaient la quasi-totalité des capitaux mobiliers dont les requérants ont été bénéficiaires au décès de leur mère ; que dans l’ensemble de ces circonstances établies à la date de la présente décision et susceptibles pour les motifs ci-dessus énoncés d’être prises en compte en tant qu’éléments de fait corroborant l’existence de l’intention libérale en cours d’exécution du contrat d’assurance-vie-décès, à supposer même que le contrat PEP transmission souscrit en 1998 ne s’analysât pas comme un nouveau contrat par rapport à celui originel souscrit en 1990 sous forme de PEP assurance-vie à 68 ans par Mme X..., l’administration établit l’intention libérale à tout le moins par les circonstances avérées à compter de 2004 corroborant celles qui l’étaient en 1998 de Mme X..., représentée par Mme Y..., à l’égard des bénéficiaires de second rang du capital promis ; que l’acceptation de ces derniers après le décès de Mme X... rétroagit aux dates antérieures ci-dessus rappelées du vivant de Mme X... ; que s’il est vrai enfin qu’en 2004 Mme X... ne bénéficiait plus de la prestation spécifique dépendance dont la récupération des arrérages versés de 2000 à 2002 est en litige cette circonstance est en elle-même et à soi seule sans incidence sur l’appréciation aux dates dont il s’agit de l’intention de la stipulante à l’égard des bénéficiaires de second rang ; que dans l’ensemble de ces circonstances l’administration établit donc que l’intention libérale doit être en l’espèce considérée comme établie compte tenu de l’ensemble des éléments ci-dessus rappelés et qu’elle était, par suite, fondée à requalifier comme elle l’a fait la stipulation pour autrui prévue par le contrat signé en 1998 et ayant donné lieu au versement des primes complémentaires sus-rappelées puis aux modalités d’exécution également sus rappelées en donation indirecte ; qu’il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées ne peuvent être que rejetées,

Décide

    Art. 1er.  -  Les requêtes de Mme Y... et de M. Z... sont rejetées.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 16 mai 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer