Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Contrat d’assurance-vie
 

Dossiers no 110749

Mme X...
Séance du 21 décembre 2011

Décision lue en séance publique le 20 février 2012

    Vu le recours formé par Maître Brigitte ACCOMANDO, en sa qualité de conseil de Mme Y... et M. Z..., le 14 septembre 2010, tendant à l’annulation d’une décision du 15 juin 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Rhône a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 26 novembre 2009, de récupération, à l’encontre des bénéficiaires du contrat assurance-vie requalifié en donation qu’avait souscrit Mme X..., bénéficiaire de l’aide sociale à l’hébergement, au titre des sommes qui lui ont été avancées ce titre pour un montant total de 24 756,42 euros du 21 mars 2007 au 11 août 2008, date de son décès ;
    La requérante conteste cette décision, indiquant que la souscription du contrat assurance-vie n’a pas lésé le département et donc n’est pas une donation et est hors succession ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire du président du conseil général en date du 4 juillet 2011, proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 11 juillet 2011 du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique, Mlle SAULI, rapporteur, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8, 2 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961 applicable à la date des faits et devenu l’article R. 132-11 dudit code : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier ait donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant le moyen soulevé par la requérante selon lequel la décision attaquée ne serait pas opposable à Mme Y... qui n’en était pas destinataire au 31 juillet 2010 ; qu’il ressort des éléments fournis par le département que trois notifications de ladite ont été faites à Mme Y... par lettre recommandée avec accusé de réception, le 30 juillet 2010 à son adresse A... (71) et revenue avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée », le 23 septembre à son adresse B... (69) également retournée avec la même mention et le 20 octobre 2010 à cette même adresse et réceptionnée par Mme Y... ; que ce moyen doit donc être rejeté ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... placée à la maison de retraite « R... » dans le Rhône, a bénéficié du 21 mars 2007 au 11 août 2008, date de son décès, de la prise en charge par l’aide sociale départementale de ses frais d’hébergement pour un montant total de 24 756,42 euros ; que le 9 octobre 2002, Mme X... - née le 28 décembre 1926 - avait souscrit par le versement d’une prime de 29 700,90 euros un contrat assurance-vie au profit exclusivement de ses deux enfants et requérants, M. Z... et Mme Y... ; qu’à son décès, l’actif net successoral s’élevait à 4 574,04 euros ; que le président du conseil général du Rhône, en se fondant sur l’âge de Mme X... à la date de souscription du contrat (76 ans) ainsi que sur l’importance de la prime versée eu égard à des ressources ne lui permettant pas - même augmentées de l’aide des obligés alimentaires - de financer l’intégralité de ses frais d’hébergement, a estimé que celle-ci avait bien fait preuve d’une intention libérale à l’égard des requérants, et que légalement, il pouvait en déduire que ces derniers devaient être regardés comme les bénéficiaires d’une donation ; que par décision en date du 23 octobre 2009, ledit président a prononcé la récupération à l’encontre des donataires, au titre de la créance départementale de 24 756,42 euros de la somme de 13 185,37 euros, restant après rachats partiels de la prime souscrite en 2002 constitutive de la donation, et par décision en date du 26 novembre 2009, la récupération de la somme de 4 574,07 euros sur la succession de Mme X... soit une récupération totale de 17 759,44 euros ; que ces décisions ont été confirmées par deux décisions du 15 juin 2010 de la commission départementale d’aide sociale du Rhône ;
    Considérant que par décision du président du conseil général en date du 30 novembre 2007, Mme X..., dont la demande a été déposée le 30 avril 2007, a été prise en charge par l’aide sociale à l’hébergement à partir du 21 mars 2007 ; que le contrat assurance-vie requalifié en donation ayant été souscrit le 9 octobre 2002, la donation a bien été effectuée dans la période de dix ans définie à l’article L. 132-8, 2o ayant précédé ladite demande ; que par ailleurs, si des rachats partiels ont été effectués au cours de la période 2005-2007, il y a lieu de constater que le dernier rachat d’un montant de 2 000 euros a été effectué par le gérant de tutelle en janvier 2007, soit avant la prise en charge par l’aide sociale départementale à l’hébergement de Mme X... et que, pendant toute la durée de cette prise en charge, aucun élément ne fait apparaître que celle-ci a mobilisé le capital investi pour alléger la charge du département ; qu’ il y a lieu de constater qu’à son décès, l’actif net successoral de Mme X... ne s’élevait qu’à 4574, 07 euros et sa récupération par le département au titre de sa créance a ainsi été effectué au détriment de ses petits enfants - ramenant cette créance de 24 756,42 euros à 20 182,36 euros - alors même que les deux enfants - et requérants - seuls bénéficiaires désignés du contrat assurance-vie percevaient un capital de plus de 17 000 euros ; que c’est donc à juste titre que le département a requalifié le contrat souscrit en donation et prononcé la récupération du reliquat de sa créance - après récupération sur sa succession - à l’encontre des donataires ; que compte tenu des rachats effectués pour un montant total de 16 515,53 euros, le montant de la donation - soit la prime initialement versée de 29 700,90 euros constitutive de la donation - que le département est en droit de récupérer s’élève bien à 13 185,37 euros ; que la récupération décidée ne dépasse pas ce montant ; que le capital libéré au profit des donataires (montant du capital au 30 juin 2008 : 17 075,41 euros) devrait leur permettre de s’acquitter de la somme réclamée ; qu’il y a encore lieu de constater qu’au terme ce cette récupération, les donataires disposeront encore d’une somme de 3 890,04 euros, le département conservant en ce qui le concerne une charge définitive de 6 997,01 euros ; qu’en conséquence, la commission départementale d’aide sociale du Rhône a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la récupération à l’encontre des donataires de la somme de 13 185,37 euros ; que dès lors le recours susvisé ne peut qu’être rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de l’enquête est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 décembre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 20 février 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer