Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 101192

M. X...
Séance du 21 décembre 2011

Décision lue en séance publique le 20 février 2012

    Vu le recours formé par Mme Y..., le 10 août 2010, tendant à l’annulation d’une décision du 29 juin 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 15 mars 2010, de récupération de la somme de 9 200 euros à l’encontre de la bénéficiaire du contrat assurance vie requalifié en donation qu’avait souscrit M. X..., au titre des sommes avancées à celui-ci bénéficiaire de l’aide sociale à l’hébergement pour un montant total de 52 191,52 euros du 1er novembre 2002 au 19 mars 2009, date de son décès ;
    La requérante conteste cette décision, indiquant qu’il n’y avait pas d’intention libérale, ni d’irrévocabilité puisqu’existait une possibilité de rachat, ni de dépouillement puisqu’après la souscription du contrat, le patrimoine de M. X... s’élevait à 3 253,49 euros.
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire du président du conseil général en date du 6 janvier 2011, et le mémoire complémentaire en date du 13 avril 2011, proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 19 janvier 2011 du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique, Mlle SAULI, rapporteur, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8, 2 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961 applicable à la date des faits et devenu l’article R. 132-11 dudit code : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier ait donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... placé à l’EHPAD de Saône-et-Loire du 1er novembre 2002 au 19 mars 2009, date de son décès, a bénéficié pendant cette période de l’aide sociale à l’hébergement et que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département se sont élevées à 52 191,51 euros ; que le 26 juin 2002, M. X... - né le 14 avril 1927 - avait souscrit un contrat assurance vie par le versement d’une prime de 9 200 euros au profit de la requérante, une de ses sœurs ; qu’à son décès, l’actif net successoral de M. X... s’élevait à 1 722,80 euros ; que le président du conseil général de Saône-et-Loire, en se fondant sur l’âge de M. X... à la date de souscription du contrat (75 ans), ainsi que sur l’importance de la prime versée, a estimé que celui-ci avait bien fait preuve d’une intention libérale à l’égard de la requérante, et que légalement, il pouvait en déduire que celle-ci devait être regardée comme la bénéficiaire d’une donation ; que par décision en date du 15 mars 2010, ledit président a prononcé la récupération à l’encontre de la donataire de la somme de 9 200 euros constituant la donation ; que cette décision a été confirmée par une décision du 29 juin 2010 de la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire ;
    Considérant le moyen soulevé par la requérante selon lequel il n’y avait pas d’intention libérale, qu’il existait une possibilité de rachat et que le patrimoine après la souscription du contrat se serait élevé à 3 253,49 euros ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier que M. X... avait d’autres frères et sœurs - qui ont d’ailleurs renoncé à sa succession devant le tribunal de grande instance le 9 juillet 2009 - et que le contrat d’assurance vie a donc été souscrit au seul profit de la requérante ; que M. X... a été pris en charge par l’aide sociale départementale à compter du 1er novembre 2002, ses ressources étant insuffisantes pour couvrir la totalité de ses frais d’hébergement à l’EHPAD Saône-et-Loire ; que le 26 juin précédent, M. X... avait investi la somme de 9 200 euros au profit donc d’une de ses sœurs ; que pendant la période du 1er novembre 2002 au 19 mars 2009, date de son décès, il n’apparaît pas que M. X... a mobilisé le capital ainsi investi pour augmenter ses ressources et alléger la charge du département ; qu’à son décès, la créance départementale brute s’élevait à 52 191,51 euros et son actif net successoral à 1 722,80 euros, ce qui a permis au département d’exercer un recours sur succession et de ramener ainsi sa créance à 50 468,71 euros ; que parallèlement la requérante a bien perçu un capital de 11 052,14 euros ; que dans ces conditions, c’est à juste titre que le président du conseil général a requalifié la prime de 9 200 euros en donation et prononcé la récupération de cette somme à l’encontre de la donataire ainsi que l’autorisent les dispositions du 2o de l’article L. 132-8 susvisé ; qu’en conséquence, la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la récupération à l’encontre de la donataire de la somme de 9 200 euros ; que dès lors le recours susvisé ne peut qu’être rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 décembre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 20 février 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer