Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3200
 
  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Demande - Ressources - Date d’effet
 

Dossier no 110120

M. X...
Séance du 24 février 2012

Décision lue en séance publique le 2 mars 2012

    Vu la requête enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 7 février 2011, présentée pour M. X... par son frère, M. Y..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées du 18 novembre 2010 rejetant son recours dirigé contre la décision du 11 août 2009 par laquelle la caisse d’allocations familiales des Hautes-Pyrénées, agissant par délégation du président du conseil général de ce département, a rejeté sa demande d’ouverture des droits au revenu minimum d’insertion à compter du mois de novembre 2006 ;
    M. X... demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées du 18 novembre 2010, de lui ouvrir les droits au revenu minimum d’insertion à compter du mois de novembre 2006, de lui ouvrir les droits au revenu de solidarité active depuis que celui-ci existe, de lui accorder des dommages et intérêts résultant de manœuvres dilatoires du président du conseil général ; il soutient que la commission départementale d’aide sociale n’a pas pris en compte la réalité de sa situation, alors qu’il ne disposait d’aucun revenu et n’était pas travailleur indépendant ; que des conseillers généraux siégeaient dans la commission départementale d’aide sociale, qui ne pouvait dès lors être impartiale ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 16 mai 2011, présenté par le président du conseil général des Hautes-Pyrénées qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. X... a décidé librement de travailler pour l’entreprise dont il est gérant sans se verser de salaire, et ce depuis presque cinq ans ; que l’entreprise dont M. X... est gérant assume l’essentiel des charges de ce dernier, au point qu’il est difficile de distinguer entre ses intérêts personnels et ceux de la société ; qu’il importe peu que M. X... soit ou pas travailleur indépendant, dès lors que le revenu minimum d’insertion n’a pas vocation à se substituer à l’absence de ressources résultant d’un choix délibéré d’un demandeur ou d’un bénéficiaire de ne pas se verser de salaire ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 16 juin 2011 ; le requérant demande en outre que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du conseil général des Hautes-Pyrénées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
    Vu le nouveau mémoire, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 13 janvier 2012, présenté pour M. X... par son frère, M. Y..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 62 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
    Vu la décision no 2010-110  QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 24 février 2012, M. LABRUNE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X..., gérant détenant 15 % des parts d’une société à responsabilité limitée créée en 2003, a déposé le 10 novembre 2006 une demande de revenu minimum d’insertion ; qu’il a été admis au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter du 1er novembre 2006 en attente de la signature d’un contrat d’insertion ; que l’organisme payeur agissant par délégation du président du conseil général des Hautes-Pyrénées a ultérieurement décidé d’interrompre le droit au revenu minimum d’insertion dont bénéficiait M. X... à partir de sa date d’ouverture, soit le 1er novembre 2006, et a notifié à M. X... un indu d’un montant de 762,18 euros au titre des mois de novembre à décembre 2006 ; que M. X... a contesté la décision d’interrompre son droit au revenu minimum d’insertion et l’indu mis à sa charge devant la commission départementale d’aide sociale, qui a, par une décision du 24 septembre 2007, d’une part, accordé à l’intéressé une remise totale de sa dette et, d’autre part, confirmé l’interruption de son droit au revenu minimum d’insertion ; que, saisie en appel, la commission centrale d’aide sociale a, par une décision du 9 mars 2009, annulé cette décision de la commission départementale d’aide sociale du 24 septembre 2007 et a renvoyé M. X... devant le président du conseil général des Hautes-Pyrénées pour que sa situation soit à nouveau examinée ; que le président du conseil général des Hautes-Pyrénées a, par une décision du 11 août 2009, réexaminé la situation de M. X... et refusé une nouvelle fois de lui ouvrir le droit au revenu minimum d’insertion, au motif que ses ressources mensuelles en 2006, telles qu’estimées par le comité départemental de développement économique, étaient supérieures au plafond du revenu minimum d’insertion ; que M. X... a contesté cette décision devant la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées qui a rejeté cette demande par une décision du 18 novembre 2010 dont M. X... relève appel ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
    Considérant qu’il est constant qu’ont participé à la délibération de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées plusieurs élus du conseil général de ce département ; que dans sa décision susvisée du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution » ; que les principes d’indépendance et d’impartialité sont indissociables de l’exercice de fonctions juridictionnelles ; que les commissions départementales d’aide sociale sont des juridictions administratives du premier degré, compétentes pour examiner les recours formés, en matière d’aide sociale, contre les décisions du président du conseil général ou l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles prévoient que siègent dans cette juridiction trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l’Etat dans le département ; que d’une part, ni l’article L. 134-6 ni aucune autre disposition législative applicable à la commission départementale d’aide sociale n’institue les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance des fonctionnaires siégeant dans cette juridiction ; que ne sont pas davantage instituées les garanties d’impartialité faisant obstacle à ce que des fonctionnaires puissent siéger lorsque cette juridiction connaît de questions relevant des services à l’activité desquels ils ont participé ; que, d’autre part, méconnaît également le principe d’impartialité la participation de membres de l’assemblée délibérante du département lorsque ce dernier est partie à l’instance ; que le Conseil constitutionnel a dès lors déclaré l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles fixant la composition des commissions départementales d’aide sociale contraire à la constitution ; qu’il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que la décision rendue par la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées l’a été en méconnaissance du principe d’impartialité des juridictions ; que cette décision doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X.... devant la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans (...) et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...), et notamment les avantages en nature, les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... est gérant de la société à responsabilité limitée Gepetto, créée en mars 2003 et placée en redressement judiciaire au cours de l’année 2006 ; que M. X..., bien que toujours gérant de la société, ne perçoit plus de rémunération au titre de ses fonctions depuis le mois de juillet 2006 ; que, dans ces conditions, M. X... doit être considéré comme un salarié ne percevant pas son salaire en raison de la situation financière de la société ; que si le revenu minimum d’insertion peut être versé à toute personne dont les ressources n’atteignent pas le montant défini à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, il n’a pas vocation à se substituer à l’absence de ressources résultant d’un choix délibéré d’un demandeur de ne pas se verser de salaire et n’a pas non plus vocation à se substituer, sur le long terme, à l’absence de revenu déterminée par la situation financière d’une société ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. X... devant la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées doit être rejetée ;
    Considérant que les juridictions d’aide sociale ne sont pas compétentes pour connaître des litiges relatifs au revenu de solidarité active, qui ressortissent à la compétence des juridictions administratives de droit commun ; qu’il ne leur appartient pas non plus de se prononcer sur des conclusions tendant à l’indemnisation d’un préjudice ou sur des conclusions présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que, par suite, les conclusions présentées par M. X... tendant à l’ouverture des droits au revenu de solidarité active depuis que celui-ci existe, au versement de dommages et intérêts, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du conseil général des Hautes-Pyrénées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ne peuvent qu’être rejetées,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées du 18 novembre 2010 est annulée.
    Art. 2.  -  La demande présentée par M. X... devant la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Pyrénées, et le surplus des conclusions de sa requête d’appel, sont rejetés.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 février 2012 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 2 mars 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer