Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Demande - Date d’effet
 

Dossier no 110138

M. X...
Séance du 24 février 2012

Décision lue en séance publique le 2 mars 2012

    Vu la requête enregistrée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire le 19 octobre 2010 et transmise au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 3 décembre 2010, présentée pour M. X... par Maître Jean-Baudoin KAKELA-SHIBABA, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire du 7 septembre 2010 rejetant son recours dirigé contre la décision du 3 août 2009 par laquelle le président du conseil général de Saône-et-Loire a refusé de lui ouvrir le droit au bénéfice du revenu minimum d’insertion antérieurement au 1er février 2007 ;
    Le requérant demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire du 7 septembre 2010, de lui ouvrir les droits au revenu minimum d’insertion à compter de son entrée en France, de condamner le président du conseil général de Saône-et-Loire à une astreinte de 150 euros par jour de retard en vue d’assurer l’exécution de la décision à venir, de mettre à la charge du président du conseil général de Saône-et-Loire la somme de 1 500 euros, en sus de la condamnation de première instance, à verser à Maître Jean-Baudoin KAKELA-SHIBABA au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de condamner le président du conseil général de Saône-et-Loire aux entiers dépens de l’instance, et, à titre subsidiaire et pour le cas où il serait condamné aux dépens, de laisser les dépens à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1991 ;
    Le requérant soutient que son statut de réfugié est recognitif ; qu’on ne saurait opposer à la convention de Genève les dispositions législatives ou réglementaires du code de l’action sociale et des familles ; qu’il résulte des articles 24 et 33 de la convention de Genève que les droits d’un réfugié aux prestations sociales doivent remonter à la date de son entrée sur le territoire français ; qu’on ne saurait lui opposer la date du dépôt de sa demande de revenu minimum d’insertion alors qu’aucune information ne lui avait été valablement donnée pour qu’il puisse faire valoir ses droits, en méconnaissance du droit de l’Union européenne ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 12 mai 2011, présenté par le président du conseil général de Saône-et-Loire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l’article 33 de la convention de Genève est sans rapport avec l’objet du litige ; que l’article 24 de cette même convention vise les prestations familiales et les prestations de sécurité sociale, auxquelles n’appartient pas le revenu minimum d’insertion, prestation définie par le code de l’action sociale et des familles ; qu’en conséquence, les moyens de M. X... sont inopérants ; qu’il ressort des dispositions du code de l’action sociale et des familles que les droits au bénéfice du revenu minimum d’insertion ne peuvent pas être ouverts antérieurement au premier jour du mois civil au cours duquel la demande de revenu minimum d’insertion a été déposée ; qu’en tout état de cause, en l’espèce, le droit au revenu minimum d’insertion de M. X... ne pourrait être ouvert antérieurement au 1er février 2005, dès lors que l’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans ; qu’il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas informé M. X... de ses droits, dès lors que celui-ci n’était pas connu de ses services ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 25 mai 2011, présentée pour M. X... par Maître Jean-Baudoin KAKELA-SHIBABA, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il porte en outre ses conclusions présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à 2 500 euros ; il soutient en outre qu’un conseiller général siégeait dans la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire, qui ne pouvait dès lors être impartiale, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011 ; qu’il incombait aux autorités administratives de l’informer des droits sociaux auxquels il pouvait prétendre ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 62 ;
    Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
    Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
    Vu la décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 24 février 2012, M. LABRUNE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
    Considérant qu’il est constant qu’a participé à la délibération de la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire un élu du conseil général de ce département ; que dans sa décision susvisée du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution » ; que les principes d’indépendance et d’impartialité sont indissociables de l’exercice de fonctions juridictionnelles ; que les commissions départementales d’aide sociale sont des juridictions administratives du premier degré, compétentes pour examiner les recours formés, en matière d’aide sociale, contre les décisions du président du conseil général ou du préfet ; que les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles prévoient que siègent dans cette juridiction trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l’Etat dans le département ; que d’une part, ni l’article L. 134-6 ni aucune autre disposition législative applicable à la commission départementale d’aide sociale n’institue les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance des fonctionnaires siégeant dans cette juridiction ; que ne sont pas davantage instituées les garanties d’impartialité faisant obstacle à ce que des fonctionnaires puissent siéger lorsque cette juridiction connaît de questions relevant des services à l’activité desquels ils ont participé ; que, d’autre part, méconnaît également le principe d’impartialité la participation de membres de l’assemblée délibérante du département lorsque ce dernier est partie à l’instance ; que le Conseil constitutionnel a dès lors déclaré l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles fixant la composition des commissions départementales d’aide sociale contraire à la constitution ; qu’il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que la décision rendue par la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire l’a été en méconnaissance du principe d’impartialité des juridictions ; que cette décision doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans (...) et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-7 de ce même code : « Si les conditions mentionnées à l’article L. 262-1 sont remplies, le droit à l’allocation est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande » ; qu’aux termes de l’article R. 262-39 de ce même code : « L’allocation est due à compter du premier jour du mois civil au cours duquel la demande (...) a été déposée auprès de l’organisme mentionné à l’article L. 262-14. (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... est entré en France le 15 septembre 2005 ; qu’il s’est vu reconnaître le statut de réfugié le 2 février 2007 ; qu’il a déposé une demande de revenu minimum d’insertion le 16 février 2007 ; qu’il a bénéficié du revenu minimum d’insertion à compter du 1er février 2007 ; qu’il a demandé à bénéficier rétroactivement du revenu minimum d’insertion à compter de son entrée en France, soit pour la période du 15 septembre 2005 au 1er février 2007 ; que le président du conseil général de Saône-et-Loire a rejeté cette demande par une décision du 3 août 2009 ;
    Considérant que le statut de réfugié qui a été accordé le 2 février 2007 à M. X... et dont il bénéficie rétroactivement depuis le 15 septembre 2005 lui donne droit au bénéfice de l’aide sociale mais ne permet pas de déroger aux dispositions qui régissent l’allocation de revenu minimum d’insertion, qui n’est d’ailleurs, ni une prestation familiale, ni une prestation de sécurité sociale ; qu’il résulte des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles que le droit au bénéfice du revenu minimum d’insertion est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande de revenu minimum d’insertion ; que M. X... ne peut bénéficier du droit au revenu minimum d’insertion antérieurement au 1er février 2007, puisqu’il n’a déposé une demande de revenu minimum d’insertion que le 16 février 2007 ; que les moyens avancés par M. X... au soutien de sa demande sont à cet égard inopérants ;
    Considérant que les conclusions de M. X... tendant à ce que le président du conseil général de Saône-et-Loire soit condamné à une astreinte de 150 euros par jour de retard en vue d’assurer l’exécution de la présente décision ne peuvent, en tout état de cause, qu’être rejetées par voie de conséquence ;
    Considérant que les dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du président du conseil général de Saône-et-Loire, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ou celle tenue aux dépens ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. X... devant la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire doit être rejetée,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire du 7 septembre 2010 est annulée.
    Art. 2.  -  La demande présentée par M. X... devant la commission départementale d’aide sociale de Saône-et-Loire, et le surplus des conclusions de sa requête d’appel, sont rejetés.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 février 2012 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 2 mars 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer