Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Recours en récupération - Effectivité de l’aide
 

Dossier no 111040

M. X...
Séance du 22 août 2012

Décision lue en séance publique le 21 septembre 2012

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 6 septembre 2011, la requête présentée par M. X... demeurant dans la Drôme tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme en date du 30 juin 2011 se déclarant incompétente pour connaitre de la requête dirigée contre la décision en date du 11 mars 2011 par laquelle le président du conseil général de la Drôme a retiré sa décision du 15 novembre 2010 décidant de ne pas exercer de récupération à l’encontre de la succession de son frère M. X... par les moyens que la décision du 15 novembre 2010 avait fait une juste appréciation de la jurisprudence du Conseil d’Etat no 81439 du 29 mars 2009 ; qu’un document émanant du foyer d’accueil de M. X... atteste de la prise en charge effective et constante de celui-ci par ses parents, ses frère et sœurs ; qu’il s’agissait d’un acte unilatéral créateur de droits au profit de « la famille X... » ; qu’en tant que juge de plein contentieux, il appartenait à la commission départementale d’aide sociale de se prononcer sur le bien-fondé de la décision du président du conseil général de recouvrer la créance et sur l’intégralité des conclusions de sa requête, ce qu’elle n’a pas fait en ne répondant que sur la légalité de la décision attaquée et ne se prononçant pas sur son bien-fondé ; qu’à cet égard la lettre du directeur du foyer n’a pas été rédigée sur demande de la famille mais de l’administration ce qui écarte tous soupçons de complaisance et lui confère valeur d’une preuve irréfutable de la prise en charge effective et constante par le requérant ; que la jurisprudence dont fait état le président du conseil général est isolée et inexactement interprétée ; que le département n’apporte aucun élément probatoire nouveau venant contredire le témoignage du directeur de l’établissement ; qu’il fonde sa décision sur une prétendue obligation qu’aurait la collectivité de procéder au recouvrement de la créance, ce qui outre l’inexactitude d’une telle affirmation démontre qu’il ne remet pas en cause la réalité et le bien-fondé de la prise en charge mais ne serait revenu sur sa décision initiale que parce qu’il estime y être contraint par la loi ce qui en l’occurrence est inexact ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 4 juin 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de la Drôme tendant au rejet de la requête par les motifs que la décision du 15 novembre 2010 a été prise en infraction de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles qui oblige catégoriquement le département à récupérer ses créances d’aide sociale auprès des bénéficiaires revenus à meilleure fortune ou contre leurs héritiers ; qu’il n’a pas pu se satisfaire du seul courrier adressé le 7 janvier 2000 par la Croix-Rouge française et s’est fondé sur la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale relative à l’effectivité, l’intensité et la régularité de l’aide ; que le requérant ne démontre pas une prise en charge de ces trois points de vue suffisante pour valoir aide effective et constance au sens de la loi ;
    Vu, enregistré le 4 mai 2012, le mémoire de M. X... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 août 2012 Mme THOMAS, rapporteure, maître Vincent BARD, pour M. X..., M. Jean-Marie LE MER, pour le département de la Drôme, en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que par décision du 28 mars 2000 la commission cantonale d’aide sociale de Valence III a décidé « report de la créance » (contre la succession de M. X...) « au décès de Mme X..., sa mère et l’une des héritières. » ; qu’après le décès de Mme X..., le 21 février 2010, le président du conseil général de la Drôme a par décision du 15 novembre 2010 décidé de classer le dossier et de ne pas donner suite à la décision du 28 mars 2000 en ce qui concerne les quatre héritiers, Mme X..., son fils - le requérant - et ses deux filles, au motif qu’ils avaient dans leur ensemble assumé la charge effective et constante de M. X... ; que par décision du 11 mars 2011 le président du conseil général a retiré sa décision du 15 novembre 2010 au motif que « après avoir réexaminé votre dossier nous avons estimé que nous entrions dans le champ légal qui nous permet de recouvrer notre créance sur la succession de votre frère » ; que saisi parallèlement par M. X... d’une lettre demandant des explications sur la procédure suivie en date du 14 mars 2011 qui ne constituait pas un recours gracieux contre la décision du 11 mars 2011, le président du conseil général lui a indiqué par lettre du 30 mars 2011 « qu’après un réexamen plus approfondi de la situation (...) il est apparu qu’il n’était légalement pas possible de renoncer à recouvrer notre créance compte tenu du caractère impératif des termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles » ; que la motivation de la décision impliquait par ailleurs que même si la décision du 11 mars 2011 ne le mentionnait pas expressément le retrait qu’elle comportait n’a pu intervenir que parce que le président du conseil général considérait qu’en fait la charge effective et constante au sens de l’article L. 344-5 de M. X... dans le chef des frère et sœurs de l’assisté n’était pas avérée ; que M. X... a contesté cette décision clairement en ce qui le concerne devant la commission départementale d’aide sociale de la Drôme par demande du 18 mai 2011 en faisant valoir que l’attestation du 7 janvier 2000 du directeur du foyer où avait été accueilli M. X..., sollicitée par l’administration elle-même, apportait la preuve que les sœurs et frère de l’assisté lui avaient bien apporté l’aide effective et constante dont il s’agit ; que par la décision attaquée du 30 juin 2011 la commission départementale d’aide sociale s’est « déclarée incompétente pour statuer sur le recours formé par M. X... fondé sur un excès de pouvoir du conseil général » ;
    Considérant que les recours devant le juge de l’aide sociale sont nécessairement des recours de plein contentieux quelles que puissent être à cet égard les erreurs de plume des demandeurs ; qu’en l’espèce d’ailleurs M. X... demandait à la commission départementale d’aide sociale de « dire et juger que la maman et les frère et sœurs de M. X... ont assumé de façon effective et constante la charge de ce dernier (...) constater que le retrait de l’acte unilatéral créateur de droit constitue un excès de pouvoir (...) en conséquence confirmer que le président du conseil général de la Drôme a renoncé à toute récupération sur la succession de M. X... » ; qu’ainsi le demandeur demandait à la fois à la commission départementale d’aide sociale de constater l’illégalité de la décision de retrait attaquée et de statuer sur le droit des héritiers à ne pas voir exercée une récupération ; qu’il demandait ainsi au juge de plein contentieux de l’aide sociale de statuer dans le cadre des pouvoirs afférents à son office sur la légalité et sur le bien-fondé de la décision attaquée du 11 mars 2011 retirant celle du 15 novembre 2010 ; que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de la Drôme a considéré être saisie d’un recours pour excès de pouvoir dont elle ne serait pas compétente pour connaitre ; qu’il y a lieu d’annuler sa décision et d’évoquer la demande ;
    Considérant que le requérant devant la commission centrale d’aide sociale limite clairement ses conclusions à hauteur de sa part dans la succession de M. X... en demandant à la commission de « dire et juger qu’il a, avec sa famille, assumé de façon effective et constante la charge de son frère (...) » et de l’« exonérer (...) sur sa part de succession de la récupération de l’aide sociale servie à M. X... » ; que ces conclusions n’ont pas été en réalité modifiées par les énonciations de celles du mémoire en réplique qui persiste à demander à la commission centrale d’aide sociale « d’exonérer M. X... sur sa part de succession de la récupération de l’aide sociale servie à M. X... » même s’il lui demande auparavant de « dire et juger que M. X... avec sa mère et ses sœurs ont assumé de façon effective et constante la prise en charge de leur fils et frère » (...) ;
    Considérant que l’administration était en droit de retirer la décision du 15 novembre 2010 dans les quatre mois de sa signature soit jusqu’au 15 mars 2011 (et non jusqu’à la notification de la décision du 11 mars 2011 à M. X...), à la condition qu’elle fut entachée d’une irrégularité de forme ou de fond ; que, comme il a été dit, il résulte en l’espèce de l’instruction et notamment des rapports internes préparatoires à la décision versés au dossier que l’administration a considéré après un nouvel examen du dossier que la nature, l’intensité et la continuité de l’aide des frère et sœurs dont attestait l’attestation qu’elle avait demandée au directeur du foyer n’était pas, au vu des termes de cette attestation, telle que l’aide apportée par les intéressés à leur frère fut « effective et constante » au sens et pour l’application de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que M. X... soutient que c’est à tort que l’administration s’est estimée tenue de retirer sa décision au motif que la rédaction impérative de l’article L. 132-8 la contraignait à le faire ;
    Mais considérant que la décision du 11 mars 2011 est ainsi rédigée « après avoir examiné votre dossier, nous avons estimé que nous entrions dans le champ légal qui nous permet de recouvrer notre créance sur la succession de votre frère » ; qu’une telle rédaction n’implique pas, en tout état de cause, que l’auteur de la décision de retrait se soit estimé tenu de procéder au retrait ; que, comme il a été dit, la lettre du 30 mars 2011 n’était pas une décision intervenue sur un recours gracieux de M. X... mais une lettre lui donnant des explications sur la procédure suivie et, il est vrai, confirmant la décision du 11 mars  ; que s’il est vrai que dans cette lettre du 30 mars le signataire indiquait « qu’après un réexamen plus approfondi de la situation il (...) est apparu qu’il n’était légalement pas possible de renoncer à recouvrer la créance (...) c’est à ce seul titre que mes services ont adressé à votre notaire la lettre en date du 4 mars 2011 » ladite lettre au notaire du 4 mars 2011 indiquait comme devait le faire, ainsi qu’il a été dit, la décision de retrait du 11 mars « sur le fondement de l’article L. 132-8 CASF ma collectivité se retrouve créancière des héritiers de M. X... et puisse » (souligné par la CCAS) « à ce titre récupérer tout ou partie des aides sociales sur la succession du bénéficiaire » ; qu’ainsi la référence à la lettre du 4 mars 2011 et malgré la rédaction de celle du 30 mars impliquait que l’administration considérait toujours qu’elle pouvait récupérer l’avance de l’aide sociale ; que la circonstance que dans son mémoire en défense l’administration fasse état de ce qu’elle était tenue de retirer la décision illégale du 15 novembre 2010 demeure sans incidence dès lors qu’il appartient au juge de statuer sur les moyens des parties non nécessairement en fonction de l’argumentation juridique éventuellement erronée de l’administration mais des éléments de droit et de fait qu’il lui appartient de retenir avec exactitude ; qu’ainsi en admettant même que l’administration qui n’était pas saisie d’une demande de retrait de sa décision de « classement », à la supposer même illégale, ne fut pas tenue de retirer cette décision, elle ne s’est pas en réalité, dans la décision de retrait du 11 mars 2011 éclairée par les rapports internes qui ont précédé son édiction, estimée tenue de procéder au retrait mais a, en réalité, entendu y procéder, parce qu’après un nouvel examen du dossier dans le délai de retrait il lui apparaissait que l’attestation du directeur du foyer n’établissait pas l’aide effective et constante apportée par les frère et sœurs de l’assisté à celui-ci au sens de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ; que d’ailleurs et en toute hypothèse l’autorité compétente ne commet pas d’illégalité en retirant dans les délais une décision irrégulière même si le retrait est prononcé sur la base d’un motif erroné ; qu’ainsi, nonobstant les maladresses et imprécisions de rédaction des différentes décisions successives de l’administration, M. X... n’est pas, en tout état de cause, fondé à soutenir que la décision du 11 mars 2011 serait illégale au motif que l’administration se serait à tort estimée tenue, tout en n’étant pas saisie d’une demande de retrait, de procéder audit retrait ; que d’ailleurs, comme il a été rappelé ci-dessus, la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Valence III qui s’était bornée à reporter la récupération jusqu’au décès de Mme veuve X... mais avait définitivement statué sur l’absence de charge effective et constante des frère et sœurs, était définitive et ne pouvait plus être retirée par le président du conseil général le 15 novembre 2010 ;
    Considérant ainsi que l’administration est réputée avoir le 11 mars 2011 retiré sa décision du 15 novembre 2010 au motif qu’en réalité il n’était pas établi que les frère et sœurs de M. X... lui aient apporté l’aide effective et constante requise par la loi ;
    Considérant que l’attestation du directeur du foyer en date du 7 janvier 2000 était ainsi rédigée « avait quitté le domicile familial en mars 1981 pour son admission à R... Il s’est rendu régulièrement chez ses parents, puis chez sa mère » (souligné par la CCAS) « après le décès de son père en 1984 pour les temps de week-end. Il y passait également une partie des vacances et ne concevait d’ailleurs pas d’autre lieu de séjour ! fréquentait avec plaisir ses frère et sœurs » (souligné par la CCAS) « et aimait particulièrement ses neveux. On peut considérer que Mme X... et ses enfants ont effectivement assumé la charge effective et constante de M. X... L’émotion que nous avons perçue par ses proches lors de sa disparition brutale ne peut que confirmer l’attachement qui existait entr’eux » ;
    Considérant qu’il n’appartient qu’à l’administration et au juge à partir des faits avérés établis par l’attestation litigieuse d’apprécier si les faits ainsi établis manifestent l’intensité, la continuité et la régularité de la charge effective et constante dans le chef du requérant exigées par la loi ; que l’appréciation portée à cet égard par le directeur du foyer sur les faits qu’il constate et la qualification qu’il en déduit ne sauraient s’imposer à l’administration et au juge de l’aide sociale ; que de même la phrase terminale faisant état de l’émotion de la famille au décès de M. X... ne saurait, par les faits qu’elle relate contribuer à établir, au-delà du chagrin de la perte, l’effectivité et la constance de la charge du vivant de l’assisté ; que, s’agissant du surplus de l’attestation, d’une part, le fait que les frère et sœurs de M. X... se seraient trouvés au domicile des parents puis de la mère durant ses séjours à ces domiciles demeure sans incidence sur la circonstance qu’alors, en l’état de l’absence de tous autres éléments fournis par le dossier, autres que l’attestation suscitée, seuls les parents, puis la mère de l’assisté, assumaient alors la charge effective et constante de celui-ci ; que par ailleurs en écrivant que « M. X... fréquentait avec plaisir ses frère et sœurs et aimait particulièrement ses neveux » l’attestataire ne fournit pas d’éléments de nature à établir, voire à présumer, l’existence d’une charge effective et constante par son intensité, sa régularité, et sa continuité au sens de la loi ; que durant toute l’instance contentieuse, M. X... ne fournit lui-même aucun élément de la sorte ; qu’ainsi et alors même que l’attestation dont il se prévaut n’a pas été établie à sa demande ou à celle d’autres membres de la famille mais à celle de l’administration M. X... qui a la charge de la preuve de l’effectivité et de la constance de l’aide qui l’a apportée à son frère au sens de l’article L. 344-5 n’apporte pas cette preuve ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’administration était fondée à retirer dans le délai dont elle disposait pour ce faire la décision du 15 novembre 2010, d’ailleurs prise par une autorité incompétente alors que la décision de retrait a été signée par une autorité compétente ainsi qu’il résulte du rapport interne versé au dossier par l’administration, au motif qu’après un nouvel examen du dossier l’attestation du directeur du foyer de R..., seule pièce dont se prévaut M. X..., ne suffisait pas à établir que celui-ci comme ses sœurs avaient supporté de son vivant et « assumé de façon effective et constante la charge » de M. X... au sens et pour l’application du 2 de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ; que la demande formée par M. X... devant la commission départementale d’aide sociale de la Drôme, telle qu’elle a été limitée dans les conclusions dont est saisie en appel la commission centrale d’aide sociale statuant comme juge de l’évocation, ne peut être que rejetée,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. X... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 août 2012, où siégeaient M. LEVY, président, Mme LE MEUR, assesseure, Mme THOMAS, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 21 septembre 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer