Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession - Délai - Application de la loi dans le temps
 

Dossier no 111056

Mme X...
Séance du 3 juillet 2012

Décision lue en séance publique le 31 juillet 2012

    Vu le recours, formé le 9 septembre 2011 pour Mme Y..., tendant à l’annulation de la décision du 17 juin 2011, notifiée le 18 juillet 2011, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Vienne a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision du 28 janvier 2011 par laquelle la présidente du conseil général de la Haute-Vienne a prononcé à son encontre, en tant qu’héritière de Mme X..., la récupération d’une créance d’aide sociale pour un montant de 11 754,80 euros ;
    Le requérant soutient qu’elle n’a jamais perçu la somme de 11 754,80 euros que le département lui réclame, dès lors que cette somme a été déduite de l’actif successoral avant même que Mme Y... ne perçoive la somme lui revenant ; qu’une contestation a été introduite auprès du président de la chambre départementale des notaires le 7 avril 2011 et devrait aboutir prochainement ; que les sommes réclamées sont prescrites ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, en date du 8 décembre 2011, présenté par la présidente du conseil général de la Haute-Vienne, qui conclut au rejet du recours ; elle soutient que si la requérante soutient que le notaire chargé de la succession aurait commis une erreur en omettant de déduire la créance départementale lors de l’envoi du chèque représentant l’actif net de la succession, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la récupération prononcée à l’encontre de Mme Y..., nièce et unique héritière de Mme X... ; qu’en vertu de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, aucune prescription ne joue ;
    Vu le mémoire en réplique, en date du 26 janvier 2012, présenté pour Mme Y..., qui reprend les conclusions de son recours et conclut par ailleurs à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la contestation engagée par Mme Y... devant la chambre départementale des notaires du Puy-de-Dôme ; elle soutient, en outre, que l’actif net de la succession à prendre en compte s’élève, en vertu de la déclaration de succession, à 50 088,01 euros et non à 64 516,10 euros, ainsi qu’il est indiqué dans le projet de déclaration de succession en date du 18 juin 2004 ; que dès lors, l’actif net successoral n’excède pas le seuil de 46 000,00 euros fixé par l’article R. 132-12 du code de l’action sociale et des familles, de 18 516,10 euros mais de 4 088,01 euros ; que la situation financière et sociale de Mme Y... ne lui permet pas de rembourser la somme réclamée, dès lors que son seul revenu est constitué de l’allocation de solidarité spécifique ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 juillet 2012 Mme Sophie ROUSSEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés (...) par (...) le département (...) / 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; /(...) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a été admise au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’aide ménagère du 1er avril 1994 au 30 septembre 2002 ; que la créance d’aide sociale du département de la Haute-Vienne pour cette période s’élève à 11 574,80 euros ; que Mme X... est décédée le 7 février 2004 ; que, par une décision du 28 janvier 2011, la présidente du conseil général de la Haute-Vienne a prononcé à l’encontre de Mme Y..., en tant qu’unique héritière de Mme X..., la récupération de la somme de 11 574,80 euros ; que, par une décision du 17 juin 2011, la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Vienne a confirmé la décision du 28 janvier 2011 ;
    Considérant en premier lieu, qu’il résulte de l’ensemble des règles gouvernant l’exercice du recours en récupération sur succession prévu par les dispositions citées ci-dessus de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, que celui-ci, ne peut être effectué que dans la limite de l’actif net successoral ; que, pour l’application de ces règles, celui-ci correspond à la valeur des biens transmis par le défunt, déduction faite, notamment, des dettes à sa charge au jour d’ouverture de la succession, des legs particuliers, des frais funéraires et des droits de mutation ; que le montant de la créance départementale à récupérer n’a pas à être inclus dans le calcul de l’actif net successoral mais doit être retranché après ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que la somme de 11 574,80 euros réclamée par le département de la Haute-Vienne, au titre de la récupération sur la succession de Mme X... de sa créance d’aide sociale, n’a pas été perçue par le département ; que, si Mme Y... soutient que le notaire chargé de la succession ne se serait pas acquitté, auprès du département, du montant de la créance départementale due, au titre de l’aide sociale, alors que cette somme avait été déduite de l’actif brut de la succession de Mme X..., pour le calcul de l’actif net successoral, ainsi qu’il ressort de la déclaration de succession qu’elle a produite, cette circonstance, qui concerne les relations contractuelles de la requérante avec le notaire chargé de la succession de Mme X..., est sans incidence sur le litige ;
    Considérant en deuxième lieu, que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a réduit la durée de prescription applicable au litige de trente à cinq ans ; que toutefois, aux termes de l’article 26 de cette loi : « (...) II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions, à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure./ III. - Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation » ; qu’il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce qui est soutenu, la prescription trentenaire qui s’appliquait antérieurement à la publication de la loi et qui n’est pas acquise au jour de l’entrée en vigueur de la loi, se substitue en délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de cette loi ; que, par suite, à la date du recours, la créance d’aide sociale n’est pas prescrite ;
    Considérant en dernier lieu, qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale, en leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien fondé de l’action en récupération, d’après l’ensemble des circonstance de fait, dont il est justifié par l’une et l’autre des parties, à la date de leur propre décision ; qu’à ce titre, elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération ; qu’il résulte de l’instruction que Mme Y..., héritière de Mme X..., exerçait en 2004, année du décès de Mme X..., et jusqu’en 2007, la profession de pharmacienne assistante et percevait, à ce titre, un salaire moyen de 2 200 euros ; que, toutefois, elle a perdu cet emploi en 2007 ; qu’à la date de la présente décision, elle perçoit pour seul revenu, l’allocation de solidarité spécifique, d’un montant de 476,47 euros par mois ; que, par suite, eu égard à l’ensemble de ces circonstances, il y a lieu de limiter à 3 800 euros, soit environ un tiers du total du montant de la créance départementale d’aide sociale de Mme X..., le montant de la récupération prononcée par le département de la Haute-Vienne sur la succession de Mme X..., à l’encontre de Mme Y... ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n’est fondée à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale a rejeté son recours qu’en ce que cette décision a de contraire à la présente décision,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Vienne du 17 juin 2011 et la décision de la présidente du conseil général de la Haute-Vienne du 28 janvier 2011 sont réformées en tant qu’elles prononcent la récupération à l’encontre de Mme Y..., en tant qu’héritière de Mme X..., d’une somme de 11 574,80 euros et non de 3 800 euros.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de Mme Y... est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 juillet 2012, où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. VIEU, assesseur, Mme ROUSSEL, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 31 juillet 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer