Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RÉPÉTITION DE L’INDU  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Répétition de l’indice - Compétence
 

Dossier no 120158

Mme X...
Séance du 22 novembre 2012

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012

    Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 9 décembre 2011, la requête présentée pour Mme X..., demeurant dans la Haute-Marne, par Maître C..., avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Marne du 6 septembre 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 11 janvier 2011 du président du conseil général de la Haute-Marne mettant à sa charge un indu de 19 150,40 euros d’arrérages de la prestation de compensation du handicap pour la période janvier 2009 décembre 2010 par les moyens qu’en tout état de cause, pour la période courant de « sa date d’invalidité » jusqu’à novembre 2008, elle est en droit de percevoir l’allocation et la réclamation de paiement d’indu formulée est injustifiée ; que lorsqu’elle a effectué sa demande de renouvellement elle pouvait légitimement présumer que les personnes qui instruisent les dossiers, et en tout cas ont l’obligation de se renseigner sur ceux-ci pour l’exercice de leur devoir de conseil et d’assistance, effectueraient une rapide vérification des éléments renseignés sur la demande sur laquelle elle avait indiqué de façon erronée qu’elle ne percevait pas de prestation au titre de la dépendance au titre d’un régime de sécurité sociale, terme utilisé dans les formulaires alors que les personnes non « férues » du droit de la sécurité sociale ne font pas forcément le lien entre une retraite versée par l’Etat et une indemnité compensatrice de dépendance versée par celui-ci et une prestation servie par un régime de sécurité sociale ; que les assurés font souvent une différence entre les prestations d’assurance maladie et les prestations d’assurance vieillesse ; que la formulation des documents soumis à sa signature pouvait prêter à confusion ; qu’elle devait bénéficier de l’assistance de fonctionnaires d’Etat ou de fonctionnaires territoriaux prenant en charge « les maisons du handicap au sein des conseils généraux » ; que les services du conseil général « via la maison du handicap » ont engagé leur responsabilité dans le manque de suivi et d’accompagnement dans l’accès effectif de ses droits tel que le retient la Cour européenne de justice ; qu’ils ont ainsi commis une légèreté blâmable au sens de la jurisprudence qui la contraint à rembourser les sommes réclamées en mettant son ménage dans une situation dramatique sur le plan financier puisqu’il ne dispose plus d’aucun revenu et sur le plan personnel puisque la procédure initiée n’a pas été sans incidence sur le maintien de son lien matrimonial ; que la majoration tierce personne était versée par l’Etat au titre d’une majoration de pension de retraite lequel n’est pas en soi un organisme de sécurité sociale ; que sa bonne foi est donc parfaite et que la vérification aurait dû être faite par les services contrairement à ce qu’a jugé la commission départementale d’aide sociale ; que le défaut d’accompagnement engage la responsabilité du conseil général pour un préjudice correspondant au montant de l’indu ; que la commission centrale d’aide sociale a toute latitude pour réduire le montant de l’indu en prenant en compte sa situation personnelle et sa bonne foi ; qu’il y a donc lieu d’admettre qu’elle pouvait prétendre à la prestation pour la période postérieure à novembre 2008 et qu’il n’y a pas d’indu, d’admettre la responsabilité des services de « la Maison départementale des handicapés du conseil général de la Haute-Marne » et de fixer le préjudice subi à 19 150,40 euros pour la compensation de l’indu et à tout le moins qu’il y aura lieu de réduire de façon importante le montant de celui-ci compte tenu de sa bonne foi ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 7 août 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Marne tendant à la limitation de l’indu répété à 11 330,66 euros et au rejet des conclusions de la requête par les motifs que la déclaration par Mme X... dans le formulaire de « demande de la prestation de compensation ou de renouvellement de l’allocation compensatrice » du 31 mai 2010 était bien erronée ; que l’intentionnalité de cette erreur n’avait pas à être débattue compte tenu de l’article R. 131-4 du code de l’action sociale et des familles qui permet la révision avec répétition de l’indu des décisions prises sur la base de déclarations incomplètes ou erronées ; que cette révision est indépendante du délai de prescription de deux ans prévu à l’article L. 245-8 du code de l’action sociale et des familles dès lors que ce texte prévoit que la prestation peut être récupérée au-delà de deux ans « en cas de fraude ou de fausse déclaration » ; que d’ailleurs la commission centrale d’aide sociale a reconnu l’existence d’une « fraude de fait » en cas de perception de diverses allocations non cumulables ; que la répétition résulte également des articles L. 245-5, D. 245-57 et D. 245-58, ainsi que de l’article D. 245-50 ; que toutefois la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale du 24 janvier 2011, qui considère que le conseil général qui n’est pas débiteur de la majoration pour tierce personne versée par la sécurité sociale ne peut, par suite, en contrôler l’effectivité, conduit à un nouveau calcul de l’indu initialement notifié à Mme X... et à ramener celui-ci à 11 330,66 euros ; que le droit de la requérante à percevoir la prestation de compensation du handicap (désignée par la requérante comme allocation de compensation du handicap...) jusqu’à novembre 2008 n’a jamais été contesté, la répétition n’ayant lieu d’être qu’à compter de décembre 2008 ; que le questionnaire critiqué est national et établi par le Cerfa ; que la formulation de ce questionnaire est à rapprocher de la formulation du document de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) de mise à la retraite pour invalidé avec « majoration pour l’assistance tierce personne », formulation qu’il semble difficile de confondre avec une prestation d’assurance vieillesse ; qu’ainsi pouvait et devait être distingué ce qui relève de l’assistance d’une tierce personne et ce qui relève d’une pension retraite ; que la CNRACL est l’un des principaux régimes sociaux de la sécurité sociale ; que les services de la MDPH n’ont pas méconnu leurs obligations mentionnées à l’article L. 146-3 du code de l’action sociale et des familles ; que le fait que Mme X... fut fonctionnaire avant son accident est indifférent au bénéfice de la majoration pour tierce personne ; que la prestation de compensation du handicap n’a pas vocation à constituer un revenu à Mme X... mais est une prestation en nature destinée à apporter des aides techniques ou humaines ; que le recouvrement de l’indu trouve exclusivement sa cause dans la déclaration erronée de Mme X... ou plutôt dans le caractère tardif de la réception de l’information relative au bénéfice de la majoration pour tierce personne par l’administration ; que Mme X... n’est pas incapable majeur et que son incapacité à remplir correctement un dossier ne pouvait être présumée ; qu’ainsi aucune faute de la collectivité publique n’est démontrée ; que la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale est en ce sens que le juge de l’aide sociale ne peut remettre ou modérer une répétition d’indu ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 novembre 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la demande à la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Marne et la requête d’appel sont dirigées contre une décision du 11 janvier 2011 par laquelle le président du conseil général de la Haute-Marne a notifié à Mme X... une répétition d’indu d’arrérages de prestation de compensation du handicap d’un montant de 19 150,40 euros au titre de la période de janvier 2009 à décembre 2010 ;
    Considérant en premier lieu, que, renonçant dans cette mesure au bénéfice de la chose jugée par la commission départementale d’aide sociale, le président du conseil général de la Haute-Marne conclut à ce que l’indu réclamé soit ramené de 19 150,40 euros à 11 330,66 euros ; que dans cette mesure, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête ;
    Considérant en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 245-8 du code de l’action sociale et des familles : « l’action du bénéficiaire pour le paiement de la prestation se prescrit par deux ans. Cette prescription également applicable à l’action intentée par le président du conseil général en recouvrement des prestations, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration » ; que la répétition porte, en l’espèce, sur les arrérages versés dans la limite biennale dans laquelle elle peut intervenir en toute hypothèse ; qu’ainsi quelles que puissent être la nature et la portée des erreurs commises dans le « remplissage » du formulaire de renouvellement de la prestation de compensation du handicap de la requérante desquelles débattent les parties, l’administration était en droit de répéter l’indu dans la limite de cette période sans avoir à justifier de la fraude ou de la fausse déclaration ; que contrairement à ce que soutient le président du conseil général de la Haute-Marne, l’article R. 131-4 selon lequel « lorsque les décisions administratives d’admission ont été prises sur la base de déclarations incomplètes ou erronées, il peut être procédé à leur révision, avec répétition de l’indu » n’est pas applicable à la prestation de compensation du handicap puisqu’il résulte des dispositions législatives suscitées régissant celle ci que la prescription qu’elles comportent en deçà et au-delà de la période biennale qu’elles mentionnent est soumise à des conditions différentes et plus limitatives que celles fixées par les dispositions réglementaires en ce qui concerne la répétition ; qu’il suit de là que l’administration était, sans qu’il soit besoin d’apprécier la nature et la portée des erreurs commises dans sa déclaration de renouvellement par Mme X..., fondée à répéter comme elle l’a fait les arrérages litigieux dans la limite de la période biennale Janvier 2009 décembre 2010 le 11 janvier 2011, date à laquelle les arrérages afférents à janvier 2009 n’avaient pas encore été versés, pour tout motif dès lors que l’indu était effectif ;
    Considérant en troisième lieu, qu’il n’existe aucune contestation de l’administration sur le droit de la requérante à bénéficier des arrérages de la prestation de compensation du handicap qui lui ont été versés pour la période antérieure à janvier 2009 ; qu’ainsi la contestation que de manière au demeurant confuse Mme X... semble vouloir introduire à cet égard est sans objet ;
    Considérant en quatrième lieu, que la responsabilité du groupement d’intérêt public Maison départementale des personnes handicapées de la Haute-Marne que Mme X... invoque n’est pas recherchée dans ses conclusions par la requérante qui se borne à solliciter la condamnation du département de la Haute-Marne à raison du défaut d’information et d’accompagnement des services de la Maison départementale des personnes handicapées ; que dans la mesure où la requérante entendrait mettre en cause la responsabilité du groupement d’intérêt public en charge de l’instruction des dossiers de prestation de compensation du handicap, alors même que dans les décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées la majorité décisoire revient au département, il lui appartiendrait de rechercher, si elle s’y croit fondée, une telle responsabilité devant la juridiction compétente ; qu’à supposer même, compte tenu du degré de précision des écritures de la requérante, ce qui ne paraît d’ailleurs pas le cas, que Mme X... entende rechercher également la responsabilité du département à raison des fautes commises par le service d’aide sociale dans l’instruction et le suivi de son dossier de renouvellement, il n’appartient pas, en toute hypothèse, au juge de l’aide sociale, dans le dernier état, récemment confirmé de la jurisprudence du Conseil d’Etat, de statuer sur des conclusions de la nature de celles effectivement formulées par Mme X... tendant à voir engagée la responsabilité de l’administration et à compenser ainsi tout ou partie de l’indu légalement répété dont la légalité n’est pas en réalité contestée par l’indemnisation du préjudice subi par la requérante à raison des fautes imputées au service d’aide sociale départemental ; qu’ainsi et quelle que puisse être la pertinence en l’instance de l’argumentation de Mme X... qui fait valoir que « l’Etat » ne serait pas un organisme de sécurité sociale, alors qu’antérieurement agent hospitalier, elle relève d’un régime spécial de sécurité sociale géré par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, les conclusions tendant à voir compenser l’indu répété à raison de la faute des services d’aide sociale du département de la Haute-Marne à les supposer même formulées échappent également à la compétence du juge de l’aide sociale ; que quelles que puissent être les incidences sur le plan social et humain de la jurisprudence ci-dessus rappelée déniant la compétence du juge de l’aide sociale en matière de responsabilité et en conséquence, à la différence de la jurisprudence de la cour de cassation pour les prestations de sécurité sociale ou les prestations d’assistance relevant de sa juridiction, la possibilité de compenser le montant de l’indu répété à hauteur du préjudice subi du fait de la faute de l’administration, il n’apparaît pas en l’état raisonnable pour la présente juridiction de revenir sur une jurisprudence récemment réaffirmée du juge régulateur auquel il revient, s’il l’estime opportun, de la réexaminer ;
    Considérant en cinquième lieu, que si Mme X..., en faisant état de sa bonne foi, de la précarité financière de son foyer et des incidences de la procédure mise en œuvre sur son lien matrimonial, formule également des conclusions tendant à la remise ou à la modération de l’indu répété, il est de jurisprudence dorénavant constante de la présente formation de jugement, non infirmée en l’état par le conseil d’Etat, d’une part, qu’en matière d’aide sociale générale il n’appartient pas au juge de l’aide sociale statuant sur la légalité de la répétition de l’indu de remettre ou de modérer celui-ci, d’autre part, qu’il appartient s’il s’y croit fondé à l’assisté de formuler auprès du conseil général, seul compétent en la matière à l’exclusion de son président, une demande de remise gracieuse de l’indu légalement répété tel qu’en l’espèce il est maintenu par la présente décision et de déférer la décision explicite ou implicite de rejet du conseil général de cette demande subséquente à la juridiction compétente que la présente formation a admis être le juge de l’aide sociale pour les raisons abondamment explicitées dans sa jurisprudence antérieure qu’il apparait utile de reprendre ici, solution à nouveau non infirmée en l’état par le Conseil d’Etat qui à la vérité ne semble pas en avoir été saisi ; qu’il suit de là qu’il appartient à Mme X..., après la notification de la présente décision, de solliciter du conseil général de la Haute-Marne la remise ou la modération des arrérages répétés mais que dans la présente instance le juge de l’aide sociale qui confirme la légalité de la répétition ne peut faire droit aux conclusions dont il est saisi tendant à la remise ou à la modération de l’indu répété ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Marne s’est estimée compétente pour statuer sur les conclusions tendant à voir engagée la responsabilité du département de la Haute-Marne dont elle était saisie ; que de ce point de vue sa décision doit être annulée et il est statué par la voie de l’évocation ; que s’agissant des autres conclusions de la requête portant sur la légalité de l’indu et la demande de remise ou de modération, il est statué dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Marne du 6 septembre 2011 est annulée en tant qu’elle statue sur les conclusions en responsabilité formulées par Mme X....
    Art. 2.  -  Lesdites conclusions sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
    Art. 3.  -  A hauteur de la somme de 7 820,74 euros, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme X....
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 novembre 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer