Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Commission départementale d’aide sociale (CDAS) - Composition de la formation de jugement
 

Dossier no 120444

M. X...
Séance du 22 novembre 2012

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012

    Vu, enregistrée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Dordogne le 28 février 2012, la requête présentée par la Fondation F... dont le siège est en corrèze, agissant par son directeur général adjoint, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne du 30 décembre 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Dordogne du 2 février 2011 refusant d’admettre M. X... à l’aide sociale à l’hébergement et à l’entretien des personnes handicapées pour la prise en charge des frais exposés au foyer F... du 26 avril 2010 au 14 septembre 2010 par les moyens que dès le 20 avril 2010, six jours avant l’entrée de M. X... au foyer, le directeur de l’établissement a adressé un courrier au foyer de D... où M. X... était accueilli antérieurement afin de constituer le dossier de demande d’aide sociale ; qu’il a alors été informé par une éducatrice du foyer que les parents de M. X... avaient déposé un dossier au centre communal d’action sociale de son domicile de secours ; que le 29 avril 2010, la secrétaire du centre H... de D... a contacté par téléphone le conseil général de la Dordogne qui l’a informée être toujours en attente du dossier ; que les services du centre H... de D... ont alors contacté les parents de M. X... qui ont affirmé avoir bien remis le dossier de demande d’aide sociale de leur fils à la mairie puisque quelques jours après l’adjointe au maire et vice-présidente du CCAS de la Dordogne leur a confirmé la réception dudit dossier et son envoi au conseil général de la Dordogne le 12 mai 2010, ce qui est confirmé par l’attestation de celle-ci ; que quelques jours plus tard, suite à un contact téléphonique, le conseil général de la Dordogne a maintenu ne pas être en possession du dossier et a demandé que la procédure soit renouvelée ; que le 19 mai 2010, le directeur du foyer a donc adressé un courrier aux parents de M. X... en leur demandant de déposer un nouveau dossier ; que le 30 août 2010, malgré toutes les démarches accomplies et toujours sans nouvelle du dépôt du dossier le directeur du foyer a contacté l’adjointe au maire qui lui a conseillé de constituer le dossier et de le lui transmettre, ce qui a été fait le 15 septembre 2010 ; qu’il apporte, d’une part, la preuve lui-même du dépôt du dossier avant le 12 mai 2010 et de sa transmission par le CCAS aux services du conseil général de la Dordogne dans les délais réglementaires et, d’autre part, des démarches complémentaires effectuées par les services du foyer pour répondre à la demande du conseil général de la Dordogne et pallier ainsi à la perte du dossier dont ni M. X..., ni le foyer ne peuvent être tenus pour responsables ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 12 juin 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne tendant au rejet de la requête par les motifs que le foyer de D... n’avait pas à pourvoir à la demande d’aide sociale ; que rien ne prouve le dépôt du dossier par les parents de M. X... ; que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Dordogne n’est en rien concernée par ce dossier ; que le centre communal d’action sociale n’a jamais reçu ledit dossier qui, en fait, a été adressé le 15 septembre 2010 ; que de telles erreurs et errements sont difficilement compréhensibles de la part d’un établissement qui accueille régulièrement des personnes adultes handicapées ; que l’impossibilité de joindre toutes les pièces dès le dépôt du dossier n’a pas d’incidence sur la date de prise en charge ; que le requérant n’est pas fondé à demander la rétroactivité de l’admission ; que le bénéfice de l’aide sociale ne peut prendre effet qu’à compter du dépôt de la première demande régulière et complète en date en l’espèce du 10 septembre 2010 et reçue le 28 septembre 2010 ; qu’il a été fait ainsi une exacte application de l’article L. 131-4 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu, enregistré le 3 juillet 2012, le mémoire en réplique de la Fondation F... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’est contestée la décision du 28 janvier 2011 et non celle du 2 février 2011 ; qu’il ne peut être reproché au centre H... d’avoir transmis un nouveau dossier identique au CCAS le 15 septembre 2010, puisque c’est à la demande du conseil général de la Dordogne qui affirmait ne pas avoir reçu le premier dossier, non plus que le défaut éventuel de réception dudit dossier par le conseil général, dès lors que la preuve du dépôt de ce dossier dans les délais réglementaires est apportée ; que le 2e alinéa de l’article R. 131-2 du code de l’action sociale et des familles est bien applicable ;
    Vu, enregistré le 18 juillet 2012, le mémoire en duplique du président du conseil général de la Dordogne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs qu’il n’est produit aucun accusé réception de l’envoi en recommandé, aucun justificatif du bordereau d’envoi joint au courrier de l’adjointe au maire, aucun courrier des services départementaux permettant de supputer une instruction de ce dossier à compter du 12 mai 2010 ; que malgré les recherches effectuées dans les différents services concernés du conseil général, ce dossier n’est pas enregistré à cette date ;
    Vu, enregistré le 7 août 2012, le nouveau mémoire de la Fondation F... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que, sauf à mettre en doute les termes de l’attestation de l’adjointe au maire et vice-présidente du CCAS du 23 février 2012, la Fondation apporte par cette attestation la preuve du dépôt de la demande d’aide sociale au CCAS avant le 12 mai 2010 ; que l’éventuel défaut de réception par le conseil général de la Dordogne dans les délais réglementaires ne peut être opposé ni au centre H... ni à M. X... ;
    Vu, enregistré le 3 septembre 2012, le nouveau mémoire du président du conseil général de la Dordogne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que le requérant s’obstine à justifier « le retard » du dépôt de la demande d’aide sociale par l’attestation d’un élu datée du 23 février 2012 ; qu’il pourrait également produire une attestation dans le sens contraire ; que, toutefois, dans le cadre d’une approche purement juridique, l’application de l’article L. 131-4 s’impose ;
    Vu, enregistré le 14 septembre 2012, le nouveau mémoire de Fondation F... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’il n’appartient ni à la Fondation F..., ni à M. X... de démontrer que le conseil général de la Dordogne a bien reçu le dossier dans les délais et qu’il n’a d’ailleurs jamais affirmé le contraire ; que l’éventuel défaut de réception ne peut toutefois leur être opposé ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 novembre 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte des mentions de la décision attaquée qu’elle a été rendue par le président de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne siégeant comme « président et rapporteur » ;
    Considérant que s’appliquent à la commission départementale d’aide sociale les dispositions de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles dans leur rédaction résultant de l’abrogation par le conseil constitutionnel dans sa décision du 25 mars 2011 des alinéas 2 et 3 de cet article ; qu’aux termes de ces dispositions « la commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. En cas d’égal partage des voix, la voix du président est prépondérante. Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs. Le secrétaire et les rapporteurs sont nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet. Ils ont voix délibérative sur les affaires qu’ils rapportent. Le secrétaire, les rapporteurs et les commissaires du Gouvernement sont choisis parmi les fonctionnaires ou les magistrats en activité ou à la retraite » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que, même s’il est un magistrat, le rapporteur doit avoir été nommé par le président de la commission parmi les personnes inscrites sur la liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet ; que ces dispositions ne permettent pas explicitement, ni même implicitement, que le président de la commission puisse se nommer lui-même alors qu’elles prévoient que ledit président a voix prépondérante en cas d’égal partage des voix et qu’ainsi seulement est respecté le principe du secret du délibéré, s’agissant d’une juridiction, qui n’est pas par l’effet de la décision du conseil constitutionnel dorénavant une juridiction statuant par un juge unique auquel cas le principe dont s’agit ne peut trouver application ; qu’il s’ensuit que la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne qui a statué par un juge unique ne pouvait statuer par un « président et rapporteur », juge unique ; que d’ailleurs il n’est même pas allégué que le président de la commission se serait nommé lui-même comme rapporteur sur la liste présentée conjointement par le président du conseil général et le préfet... ;
    Considérant qu’il suit de là que la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a, pour rendre la décision attaquée, siégé dans une composition irrégulière ; qu’il y a lieu d’annuler sa décision et d’évoquer la demande ;
    Considérant qu’aucune régularisation n’a été faite en tout état de cause pour faire signer la requête par le directeur du centre H... ; qu’il y a lieu en cet état de considérer que ladite requête émane bien en toute hypothèse de « l’établissement (...) qui fournit les prestations au sens de l’article L. 134-4 du code de l’action sociale et des familles » bien qu’elle soit signée pour la fondation F... par le directeur général adjoint de celle-ci ;
    Considérant que pour l’application des dispositions de l’article R. 131-2 litigieuse la seule question posée par le dossier, nonobstant les développements surabondants des parties dans diverses pièces de celui-ci, est celle de savoir si la demande d’aide sociale peut être regardée comme ayant été déposée dans les délais au centre communal d’action sociale (Dordogne), bien que ce dépôt n’ait pas été effectué par lettre recommandée avec accusé de réception, alors que l’expérience de la commission centrale d’aide sociale suggère que, notamment dans les petites communes rurales, le dossier est souvent déposé directement auprès du centre sans que pour autant celui-ci ne délivre nécessairement un accusé réception ;
    Considérant que la preuve du dépôt incombe au demandeur et en l’espèce à l’établissement qui conteste le refus de prise en charge devant le juge de l’aide sociale ; que certes les parents de l’assisté auraient été bien inspirés soit de formuler la demande par lettre recommandée avec accusé de réception, soit de se faire remettre une attestation de dépôt par le centre communal d’action sociale ; que, toutefois, non seulement dans les éléments non contestés de la requête figurent des attestations d’une éducatrice du foyer où M. X... avait été antérieurement accueilli ainsi que des parent de celui-ci auxquels il revenait de déposer la demande dans leur commune de résidence et qui indiquent l’avoir fait début mai 2010, alors que M. X... était entré au centre H... le 26 avril 2010, mais encore, et surtout, figure au dossier une attestation de l’adjointe au maire, vice présidente du centre communal d’action sociale, selon laquelle le dossier a été adressé dès le 12 mai 2010 par ce centre au conseil général par bordereau d’envoi à l’attention d’un fonctionnaire nommément identifié ; que la circonstance que ce dossier n’ait été accompagné de l’ensemble des pièces qui devaient lui être annexées qu’ultérieurement demeure sans incidence sur la date de son dépôt pour l’application des dispositions de l’article R. 131-2 du code de l’action sociale et des familles ; que, certes, ici encore, l’attestation serait d’autant plus crédible que copie du bordereau d’envoi au conseil général serait jointe ; que, toutefois, la question est de savoir si la commission centrale d’aide sociale peut suspecter une attestation établie par l’adjoint au maire de la commune en charge de l’aide et de l’action sociale d’avoir été établie « pour les besoins de la cause » lorsqu’elle a été produite devant elle en affirmant sciemment ou même de bonne foi une contre vérité ; que la commission centrale d’aide sociale en l’état des éléments du dossier ne parvient pas à se forger une telle conviction ; que, certes, comme il a été dit, la preuve du dépôt incombe au demandeur et en l’espèce à l’établissement mais que dans l’administration de cette preuve il peut fournir des éléments qui présument de celle-ci et peuvent être raisonnablement pris en compte si l’administration n’apporte pas de son côté d’éléments suffisants de nature à les mettre en doute ; qu’en l’espèce, en se bornant à faire valoir que la copie du bordereau d’envoi au conseil général n’est pas produite, l’administration n’apporte pour sa part aucun élément positif de nature à conduire la commission centrale d’aide sociale à écarter l’attestation de l’adjointe au maire ; que dans ces conditions il sera considéré que le requérant apporte la preuve, dont il a la charge, que la demande a bien été déposée avant l’expiration du délai prévu au 2e alinéa de l’article R. 131-2 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que si dans son mémoire, enregistré le 3 septembre 2012, le président du conseil général de la Dordogne expose qu’il « pourrait également produire une attestation dans le sens contraire » de celle de Mme S..., adjointe au maire, force est de constater qu’il ne produit aucune pièce de la sorte ; que s’il fait valoir que l’absence d’une telle production procède « d’une approche purement juridique (...) », la question qui se pose à la commission centrale d’aide sociale pour l’application de l’article L. 131-4 du code de l’action sociale et des familles de l’appréciation par le juge de l’administration de la preuve dont la Fondation F... à la charge initiale est bien la « question juridique » qui lui est posée dans la présente instance et qu’il y a lieu d’apprécier si la Fondation administre ladite preuve en fonction des éléments successivement versés au dossier par les deux parties ; que dans l’exercice d’une telle appréciation la commission centrale d’aide sociale conclut en l’espèce, par les motifs sus explicités, que la requérante administre bien la preuve dont elle a la charge et qu’en conséquence la décision du 29 janvier 2011 sera annulée,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne en date du 30 décembre 2011 est annulée.
    Art. 2.  -  La décision du président du conseil général de la Dordogne du 28 janvier 2011 est annulée.
    Art. 3.  -  M. X... est admis à l’aide sociale à l’hébergement et à l’entretien des adultes handicapés pour la prise en charge de ses frais d’admission au centre H... (Corrèze) du 26 avril 2010 au 14 septembre 2010.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 novembre 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer