Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Juridictions de l’aide sociale et juridictions judiciaires
 

Dossier no 120148

Mme X...
Séance du 22 novembre 2012

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012

    Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 7 décembre 2011, la requête présentée par l’Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Charente, pour sa protégée Mme X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 17 octobre 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Charente du 16 novembre 2010 rejetant la demande de prise en charge des frais d’hébergement à l’EHPAD E... à compter du 1er novembre 2010 par les moyens que Mme X... réside à l’EHPAD E... depuis le 24 janvier 2010, alors que depuis son entrée en maison de retraite le 27 novembre 2000, le conseil général de la Charente lui a attribué et renouvelé l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement jusqu’au 31 janvier 2010 ; que par décision du 16 novembre 2010 modifiée par celle du 21 avril 2011, le conseil général, considérant les ressources et le patrimoine de Mme X..., lui attribue l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement du 1er février 2010 au 31 octobre 2010, mais dans cette même décision, alors que les ressources et le patrimoine de Mme X... n’ont pas évolué, il refuse de lui attribuer l’aide sociale à compter du 1er novembre 2010 aux motifs que l’état de besoin n’est pas avéré ; que le conseil général de la Charente a pris en compte pour motiver sa décision l’intégralité du patrimoine financier de Mme X... et non les revenus de ses capitaux ; que c’est à ce titre qu’ils ont interjeté appel de cette décision en s’appuyant sur l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et la jurisprudence constante par lesquels il y a lieu de prendre en compte pour l’appréciation des ressources de Mme X..., les revenus du capital placé et non le capital lui-même ; que par décision du 17 octobre 2011, la commission départementale d’aide sociale rejette le recours et confirme la décision du président du conseil général du 21 avril 2011 aux motifs que l’état de besoin n’est pas avéré et que l’aide sociale est un droit subsidiaire ; que la situation de Mme X... n’a pas évolué entre les périodes précitées ; qu’elle perçoit l’allocation aux adultes handicapés de 743,62 euros, une allocation compensatrice de 74,21 euros et une allocation logement de 215,15 euros ; que les intérêts des capitaux lui rapportent 98,29 euros ; que le coût mensuel de son hébergement est de 1 934,09 euros ; que son budget mensuel est déficitaire de 1 080,67 euros ; qu’ils contestent la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 17 octobre 2011, demandent l’application de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et la prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’hébergement à compter du 1er novembre 2010 ;
    Vu la décision attaquée ;     Vu, enregistré le 6 août 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente qui conclut au rejet de la requête par les motifs que le tuteur de Mme X... reproche au département d’avoir considéré que l’état de besoin n’existait pas alors que les ressources ne sont pas suffisantes pour financer les charges ; que contrairement à ce que pense le représentant légal la question n’est pas de savoir si les ressources permettent ou non de régler les charges ; qu’il convient de se demander si l’aide sociale devait être sollicitée ; que le tuteur n’a nullement l’obligation de demander l’aide sociale à l’hébergement ; que lorsqu’il s’interroge sur les moyens de financement des frais d’hébergement, en raison du caractère subsidiaire de l’aide sociale, il doit comme le ferait « un bon père de famille », étudier toutes les solutions qui se présentent à lui pour permettre à sa protégée de faire face à ses charges ; qu’en ce qui concerne Mme X..., il s’avère que son état justifie l’attribution d’une allocation compensatrice pour tierce personne depuis 1981 ; qu’à compter d’octobre 2001 et jusqu’au 30 septembre 2016, il s’agit d’une allocation compensatrice pour tierce personne au taux de 70 % d’un montant de 726,85 euros au 1er novembre 2010 et de 70 euros au 1er avril 2012 ; que cette somme, si elle avait été versée, permettrait à Mme X... de financer une partie de ses frais d’hébergement et aurait réduit le besoin d’aide ; que le tuteur devrait considérer l’allocation compensatrice pour tierce personne ; qu’en ne le faisant pas, il prive sa protégée d’une possibilité de financement sans conséquence pour les éventuels héritiers, puisque l’allocation compensatrice pour tierce personne a un statut juridique beaucoup plus favorable que l’aide sociale à l’hébergement ; qu’elle n’est pas récupérable sur la succession ; que par ailleurs, comme tout un chacun, la personne protégée dispose de l’entière liberté de décider du sort de son patrimoine ; que comme le ferait « un bon père de famille », le tuteur devrait, avant de décider de demander l’aide sociale, envisager la possibilité pour sa protégée de financer seul ses charges, d’autant que le plus souvent le patrimoine a été constitué dans ce but ; que la position quasi systématique de certains tuteurs de recourir à l’aide publique pour se protéger d’un hypothétique reproche d’un éventuel membre de la famille ou héritier du demandeur crée une inégalité flagrante entre leurs protégés et toutes les autres personne qui, considérant que l’aide sociale est subsidiaire, choisissent de n’y faire appel qu’en l’absence d’autres moyens de financement ; que contrairement à ce que semble penser le tuteur de Mme X..., les textes ne font pas obligation de solliciter l’aide sociale ; que l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles définit les modalités de calcul du besoin d’aide ; qu’il pose les principes : « il est tenu compte pour l’appréciation des revenus des postulants à l’aide sociale des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenus (...) » ; que ce texte énumère les revenus pris en considération et ne pouvant établir une liste exhaustive, prévoit et « autres » ; que cette expression englobe l’ensemble des moyens de financement non énumérés par l’alinéa 1 de ce texte et entre autre le patrimoine de toute nature dont peut être propriétaire le demandeur d’aide sociale ; que par ailleurs, l’article R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles définit une simple règle de calcul des revenus des capitaux non productifs de revenus, mais n’exclut pas la possibilité d’utiliser ce capital ; qu’il n’interdit pas de valoriser le capital par sa liquidation ; que si l’on considère, comme certains le font, que le législateur n’a souhaité intégrer que les ressources et qu’il ne s’est pas prononcé sur la question de l’utilisation du capital du vivant du postulant à l’aide, il n’en demeure pas moins que les règles de l’aide sociale y font expressément référence puisqu’elles retiennent le principe de recours sur succession ; que rien n’interdit expressément d’utiliser le capital ; que ceci serait contraire à la liberté de chacun de déterminer lui-même du sort de ses biens ; qu’il ressort des principes de l’aide sociale que cette dernière est subsidiaire et qu’elle est un droit subjectif ; qu’il faut que le demandeur fasse la preuve de son état de besoin, et les instances d’admission disposent d’un pouvoir d’appréciation de ce besoin et l’absence de moyens alternatifs d’y pourvoir ; que selon les éléments du dossier Mme X... dispose d’un patrimoine mobilier de 21 032,76 euros qui lui permet de faire face à ses charges pendant plusieurs années ; qu’il convient pour apprécier ce besoin d’aide de se référer à la jurisprudence du juge aux affaires familiales, seul compétent pour définir le besoin d’aide ; que les articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l’action sociale et des familles font expressément référence à l’obligation alimentaire et prévoit la saisine du juge aux affaires familiales par la collectivité saisie d’une demande d’aide sociale à l’hébergement ; que ce faisant, le droit de l’aide sociale reconnaît la compétence du juge civil et se soumet aux règles du droit civil ; que ce magistrat ne s’y trompe pas, à plusieurs reprises, il a jugé que le besoin d’aide n’était pas prouvé lorsque le demandeur disposait d’un capital qui lui permettait de subvenir à ses besoins et à ses charges ; que dans un souci d’égalité, il convient que le besoin d’aide soit apprécié de la même façon que le demandeur d’aide sociale ait ou non des obligés alimentaires ;     Vu, enregistré le 20 août 2012, le mémoire en réplique de l’UDAF de la Charente qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’en ce qui concerne la légitimité de l’UDAF de la Charente à faire valoir les droits à l’aide sociale de Mme X..., et au regard du mandat qu’ils exercent, ils sont tenus de faire valoir les droits et intérêts de la personne sous mesure de protection ; que depuis son entrée en maison de retraite le 27 novembre 2000 au regard de ses ressources, le conseil général de la Charente lui a attribué et renouvelé l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement jusqu’au 31 janvier 2010 ; que dans son mémoire en défense le conseil général indique que le tuteur considère la demande d’aide sociale comme une obligation ; que le rôle de l’UDAF est de faire valoir les droits des personnes sous protection dans la mesure où leur situation répond aux critères et conditions pour en bénéficier ; que l’appréciation relève donc de la compétence du mandataire judiciaire de la personne dans la mesure du possible ; qu’en effet, le conseil général n’a pas à apprécier la légitimité du dépôt d’une demande d’aide sociale ; qu’il doit apprécier si au regard des ressources du demandeur l’aide sociale peut être attribuée ; qu’en l’espèce, l’UDAF de la Charente, au regard des ressources et de la situation de Mme X... a estimé qu’elle remplissait les conditions pour faire valoir son droit à l’aide sociale ; que sur la prise en charge par la collectivité de l’aide sociale, l’aide sociale est un droit subsidiaire qui n’intervient qu’à défaut des ressources du bénéficiaire ou de son droit à tout autre type de solidarité ; que sur l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles, celui-ci énonce les revenus devant être pris en compte pour l’appréciation des ressources ; que cet article exclut par ses termes mêmes, la prise en compte du capital des postulants à l’aide sociale ; que de plus la jurisprudence constante en la matière précise que « pour l’appréciation des ressources de l’intéressé, il y a lieu de prendre en compte les revenus du capital placé et non le capital lui-même » ; qu’en contrepartie, le code de l’action social et des familles prévoit dans son article L. 132-8, la possibilité pour la collectivité de récupérer le patrimoine du bénéficiaire à son décès ou en cas de retour à meilleure fortune ; que le conseil général, en évoquant que le patrimoine mobilier de Mme X... lui aurait permis de financer son hébergement en maison de retraite pendant plusieurs années, ne fait pas une stricte application de l’article L. 132-1 et de la jurisprudence constante en la matière en prenant en compte pour l’appréciation des ressources de Mme X..., l’intégralité de son capital et non les revenus de son capital ; qu’en ce qui concerne son allocation compensatrice pour tierce personne, ils ont fait la demande de régularisation auprès de la MDPH ; qu’ils perçoivent donc depuis le mois de mai 2010 la somme de 726,85 euros et depuis le 12 avril 2012, la somme de 757,40 euros et non 70 euros ; que cependant même avec la régularisation de son allocation compensatrice pour tierce personne, les ressources de Mme X... sont insuffisantes pour couvrir ses frais d’hébergement ; que sur la gestion en « bon père de famille » par l’UDAF de la Charente, ils rappellent au conseil général qu’il ne lui appartient pas de conseiller le mandataire judiciaire sur la gestion du patrimoine des personnes et encore moins de juger de la bonne ou mauvaise gestion du patrimoine par ce dernier ; que le mandataire judiciaire rend compte de sa gestion tous les ans au juge des tutelles qui seul a autorité pour approuver ou non cette gestion ; que par ailleurs, l’état de besoin est constitué si le postulant à l’aide sociale n’a pas les revenus suffisants pour couvrir ses charges et s’il ne tire pas de son capital les revenus suffisants à la condition qu’il le gère utilement ; qu’en l’espèce, une autre gestion du capital de Mme X... ne serait pas susceptible de lui procurer des revenus supérieurs tels que la demande d’aide sociale serait alors infondée ; qu’en l’espèce Mme X... perçoit en 2012 une allocation adulte handicapée de 759,98 euros, une allocation logement de 217,35 euros, une allocation compensatrice de 757,50 euros ; que les revenus de son capital s’élèvent 92,25 euros par mois ; que le coût mensuel de son hébergement s’élève à 1 992 euros ; que son budget est donc mensuellement déficitaire de 461,22 euros ; que par ailleurs hormis la modification de son allocation compensatrice tierce personne, les ressources de Mme X... n’ont pas changé depuis son entrée en établissement le 27 novembre 2000 ; que ses ressources restent insuffisantes pour couvrir ses frais d’hébergement ; qu’il est donc étonnant que le conseil général, au regard des ressources de Mme X..., refuse de lui attribuer l’aide sociale à compter du 1er novembre 2010 alors que pour les périodes antérieures il avait décidé de lui attribuer cette aide ; que le conseil général aurait dû, conformément à l’article L. 132-1 et à la jurisprudence constante en la matière, retenir pour l’appréciation des revenus de Mme X..., ses ressources et les revenus de son capital et ainsi faire droit à sa demande ; qu’il est surprenant de constater que le conseil général de la Charente se prévaut dans son argumentaire de la jurisprudence émanant de décisions du juge aux affaires familiales alors que, nous le rappelons, Mme X... n’a ni ascendant vivant, ni descendant ; que la saisine du juge aux affaires familiales au titre de l’article 205 du code civil n’est possible que dans la mesure où la personne a dans son entourage des descendants et des ascendants, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que, par ailleurs, n’ayant pu en l’espèce mettre en œuvre la solidarité familiale et ayant fait valoir ses droits à tout autre type de solidarité et prestations, le dépôt d’aide sociale au bénéfice de Mme X..., prend tout son intérêt ; qu’ils contestent la décision de la commission départementale du 17 octobre 2011, demandent l’application de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et de la jurisprudence constante, ainsi que le remboursement des timbres fiscaux pour les frais de procédure ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 novembre 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la commission centrale d’aide sociale relève in limine que la position du président du conseil général de la Charente et /ou de ses services est choquante quant au respect du juge par l’administration dans un Etat de droit dans la mesure où, s’abstenant - et (peut être... ? !) pour cause - de déférer les décisions du juge du fond écartant sa position au juge de cassation, il refuse néanmoins d’en faire application à des cas identiques moyennant, le cas échéant, l’invocation de nouveaux arguments au soutien de ses moyens de défense quels qu’en puissent être les mérites ; que ce faisant, en outre, le département de la Charente génère des dépenses inutiles tant pour les services tutélaires que pour l’Etat en charge du fonctionnement des juridictions d’aide sociale et surtout par le temps nécessaire pour une juridiction dépourvue de moyens à l’examen des dossiers répétitifs qui lui sont soumis compte tenu du refus également constant et délibéré du premier juge d’appliquer la jurisprudence du conseil d’Etat telle qu’interprétée par la présente juridiction il retarde nécessairement l’examen d’autres dossiers en attente qui eux justifient qu’une solution soit apportée à un « vrai » litige en l’état du droit ; que la juridiction ne peut que constater qu’elle est sans moyen pour pallier une telle attitude mais se doit de la souligner ; qu’en cet état, il lui appartient dans la présente instance de répondre à l’ensemble des moyens de défense du président du conseil général de la Charente qui entend voir écartée la jurisprudence excluant les ressources en capital de celles prises en compte pour l’admission à l’aide sociale, la décision du premier juge à peine motivée sur le caractère subsidiaire de l’aide sociale étant quant à elle « transparente » dans la relation directe qui s’établit de fait par son intermédiaire entre l’administration et le juge d’appel ;
    Considérant qu’il n’appartient pas à l’administration et au juge d’examiner « l’opportunité » des demandes d’aide sociale mais uniquement d’apprécier si elles sont légalement justifiées en application de la loi et de la jurisprudence ;
    Considérant que le tuteur a bien l’obligation légale de gérer au mieux dans l’intérêt de son protégé les ressources de celui-ci ; que s’il apparait que ce dernier a droit à une prestation d’aide sociale de nature à atténuer ses charges, il appartient bien à l’organisme en charge de la mesure de protection de pourvoir à une telle demande et, d’ailleurs, il a nécessairement obligation de la formuler ;
    Considérant que si de manière d’ailleurs contradictoire avec ses autres moyens et/ou arguments le président du conseil général reproche au tuteur de n’avoir pas sollicité l’allocation compensatrice pour tierce personne, qui, au demeurant, était également à la charge du département en privant ainsi, selon lui, Mme X... (personne handicapée admise en dérogation d’âge en EHPAD) de la dispense du recours contre la succession prévue par les textes régissant sa situation, il résulte de l’instruction que l’assistée bénéficie après demande de régularisation du tuteur de ladite allocation depuis mai 2010 et donc pour la période courant du 1er novembre 2010 litigieuse ; qu’il a appartenu ou appartiendra à l’administration de tirer les conséquences de cette situation pour la liquidation des droits de l’assistée à la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien seuls litigieux dans la présente instance mais que le moyen tiré de ce que le tuteur aurait négligé de solliciter l’allocation compensatrice pour tierce personne manque en toute hypothèse, en fait pour la période seule litigieuse ;
    Considérant que l’inégalité « flagrante » entre protégés de tuteurs qui font ou ne font pas appel à l’aide sociale pour financer une prestation dans la situation où les ressources en revenus de leur protégé justifient la demande d’aide mais où celui-ci dispose d’un patrimoine que le département de la Charente entend voir « vider » avant d’accorder l’aide sociale est à nouveau sans aucune incidence sur le droit, voire l’obligation, de l’organisme en charge de la mesure de protection de Mme X... de solliciter la prestation à laquelle elle a légalement droit ;
    Considérant que le président du conseil général soutient que l’article L. 132-1 aux termes duquel « il est tenu compte pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale des revenus professionnels et autres » (souligné par la commission centrale d’aide sociale) « et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu qui est évaluée dans les conditions fixées par voie règlementaire » inclut au nombre des ressources qu’il prend en compte les ressources en capital pour l’entier montant de celui-ci ; qu’il résulte toutefois des dispositions mêmes de cet article que, d’une part, il prend en compte les revenus professionnels et les autres revenus (le terme « et autres » ne pouvant ainsi se référer contrairement à ce que croit devoir soutenir le président du conseil général de la Charente aux ressources en capital pour leur entier montant) et, d’autre part, la valeur en capital des biens non productifs de revenus, évaluée dans les conditions fixées à l’article R. 132-1, laquelle constitue ainsi un revenu forfaitairement déterminé de la non utilisation de la ressource en capital mais n’implique nullement que puisse être prise en compte, lorsque le capital est productif de revenus, la valeur même du capital dont il s’agit ; qu’il n’est pas contesté que Mme X... prend en compte pour formuler ses demandes d’aide sociale les revenus qu’elle tire des capitaux mobiliers dont elle dispose ;
    Considérant que le président du conseil général croit devoir soutenir que l’article R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles « n’interdit pas de valoriser le capital par sa liquidation » ; que la commission centrale d’aide sociale n’étant pas apte à percevoir le contenu d’une telle « valorisation » par la liquidation du bien valorisé, le moyen - ou l’argument ? - du président du conseil général sera en cet état rejeté ;
    Considérant que le principe de subsidiarité de l’aide sociale ne trouve application que dans la mesure où des dispositions législatives et réglementaires contraires n’y font pas exception ; qu’il résulte de ce qui précède que tels qu’interprétés par la jurisprudence du conseil d’Etat les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles ont pour objet et pour effet de limiter dans les conditions qu’ils déterminent l’application du principe de subsidiarité invoqué par le défendeur ;
    Considérant enfin, que le président du conseil général de la Charente invoque, à nouveau, la « jurisprudence » du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d’Angoulême en faisant valoir qu’il serait contradictoire que ce dernier pour l’appréciation de la créance alimentaire du créancier d’aliments et de l’obligation concomitante de ses débiteurs tienne compte des capitaux possédés par celui là pour déterminer ses ressources et en conséquence les obligations de ceux-ci et que le juge de l’aide sociale ne statue pas de la même façon ; qu’il ne peut qu’être rappelé à l’administration que d’une part, Mme X... étant célibataire et sans enfants aucune décision du juge aux affaires familiales n’étant par conséquent intervenue en ce qui la concerne, les décisions de ce magistrat de l’ordre judiciaire intervenues dans d’autres instances pour apprécier l’existence et le montant des créances alimentaires n’ont pas autorité de chose jugée à l’égard du juge administratif statuant à l’égard d’un tiers par rapport à ces décisions sur la détermination des ressources personnelles du demandeur d’aide sociale ; d’autre part, d’ailleurs, que selon la compréhension de la présente juridiction la jurisprudence de la cour de cassation est en ce sens que les ressources en capital ne sont prises en compte que pour autant que celui qui en dispose n’en fait pas un usage raisonnable générateur de revenus correspondant à une utilisation normale des biens ; qu’en l’espèce, il n’est ni établi, ni même allégué, compte tenu du montant des intérêts perçus par Mme X... et du montant du capital placé, que la gestion de celui-ci ne soit pas de nature à lui procurer les revenus qu’elle peut raisonnablement attendre d’en percevoir ; qu’ainsi, même si ce moyen de défense est inopérant, il apparait utile de rappeler, pour la moralité des débats, que, selon la présente juridiction, il n’existe aucune contradiction entre la jurisprudence judiciaire en matière de fixation des créances alimentaires, sinon celle du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d’Angoulême, et la jurisprudence dont croit faire application en la présente instance la présente juridiction ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des moyens de défense du président du conseil général de la Charente devant être écartés, il y a lieu de faire droit à l’appel de l’UDAF de la Charente pour Mme X... ;
    Considérant, à toutes fins utiles, qu’il y a lieu d’observer que la décision attaquée, dernier considérant, « annule et remplace », c’est-à-dire retire une décision du 16 novembre 2010 qui pour la même période avait admis Mme X... à l’aide sociale sans que les éléments dont disposait alors l’administration aient été modifiés ; qu’à supposer qu’une telle décision soit intervenue hors du délai de rétractation, ce qui suffirait à l’entacher d’irrégularité sans qu’il soit besoin pour le juge de pourvoir à l’examen de l’ensemble des moyens auxquels il a été ci-dessus répondu, un tel moyen qui n’est pas d’ordre public n’est pas soulevé et ainsi il n’appartient pas, en toute hypothèse, à la commission centrale d’aide sociale de fonder sa décision en l’espèce sur ce moyen mais qu’il est de son office dans ses relations avec l’administration d’appeler l’attention de celle-ci sur la nécessité, en toute hypothèse, de respecter les règles applicables au retrait d’un acte administratif intervenu en l’espèce sur demande d’un administré ;
    Considérant que l’association requérante sollicite la condamnation du département aux dépens constitués par l’acquit du droit de timbre,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 17 octobre 2011, ensemble la décision du président du conseil général de la Charente du 16 novembre 2010 sont annulées.
    Art. 2.  -  l’UDAF de la Charente, pour Mme X..., est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente afin que la participation de l’aide sociale à ses frais d’hébergement et d’entretien à l’EHPAD de confolens à compter du 1er novembre 2010 soit fixée conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  Les dépens de l’instance constitués par l’acquit du droit de timbre de 35 euros sont à la charge du département de la Charente.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 novembre 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer