Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Recours contre succession - Récupération - Hébergement - Effectivité de l’aide
 

Dossier no 120750

Mme X...
Séance du 15 mars 2013

Décision lue en séance publique le 26 avril 2013

    Vu, enregistrée à la direction départementale de la cohésion sociale de la Moselle le 14 mai 2012, la requête présentée par M. Y..., demeurant en Moselle, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Moselle du 15 février 2010 en tant qu’elle décide à son encontre la récupération à hauteur de sa part de l’actif net successoral des prestations avancées par l’aide sociale à Mme X... au titre de son hébergement au foyer F... par les moyens que les motifs de la décision sont en contradiction avec la jurisprudence du Conseil d’État et des positions prises par la commission centrale d’aide sociale dans des cas similaires ; que le fait qu’il n’ait pas été la tierce personne de sa sœur ne l’exclut pas du champ d’application de la dérogation prévue à l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ; qu’en considérant que leur mère pouvait se prévaloir au titre de l’article L. 344-5 comme ayant assumé la charge effective et constante de sa sœur de l’exonération, la commission s’est livrée à une interprétation inexacte des textes les parents bénéficiant de plein droit de la non récupération sans qu’ils n’aient à démontrer avoir assumé la charge effective et constante ; que la circonstance que les héritiers aient signé la déclaration de succession est sans incidence ; que le Conseil d’État a considéré qu’un père tuteur qui pourvoyait au confort matériel et psychologique de la personne handicapée en organisant des séjours en famille à l’occasion des fêtes et en lui rendant de fréquentes visites bénéficiait de la dérogation ; que le fait d’avoir accepté la fonction de tuteur de sa sœur témoigne de son engagement en vue de pourvoir à ses intérêts en assumant tant la protection de ses biens que celle de sa personne, ce qui suppose de fréquentes visites et des contacts permanents avec sa sœur, comme les attestations jointes en témoignent ; que la fonction de tuteur familial n’appelle aucune contrepartie, ce qui témoigne également de son engagement affectif vis-à-vis de sa sœur ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 13 août 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de la Moselle tendant au rejet de la requête par les motifs que la fonction de tierce personne était exercée officiellement par la mère de Mme X..., comme en témoignent les contrôles effectués sur place ; que le rapport des contrôles a précisé que lors de ses retours à domicile l’aide était apportée par sa mère ; que la situation n’est pas similaire à celle jugée par la commission centrale d’aide sociale dans une décision Côte-d’Or du 17 août 2001 invoquée par le requérant puisque Mme Z..., mère et tierce personne reconnue de Mme X..., s’est occupée d’elle jusqu’à son décès ; que M. Y... apparait uniquement comme tuteur et qu’en conséquence il ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ; qu’il n’exerce pas de recours sur la part successorale de Mme Z... ;
    Vu, enregistré le 12 novembre 2012, le mémoire en réplique présenté pour M. Y..., par Maître Laurent COCQUEBERT, avocat, persistant dans ses précédentes conclusions et tendant à la condamnation du département de la Moselle au paiement des dépens et à 1 000,00 euros au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par les mêmes moyens et les moyens que la commission départementale d’aide sociale confond la tierce personne et la personne assumant la charge effective et constante et réduit cette dernière à la satisfaction des besoins matériels de l’assistée ; que le fait qu’il ait signé la déclaration de succession sur laquelle apparait la décision de récupération ne vaut nullement acceptation ; qu’il résulte des attestations qu’il fournit qu’il accueillait régulièrement sa sœur à son domicile, ce qui va bien au-delà des relations habituellement nouées entre un tuteur et son protégé ; qu’il la conduisait régulièrement de l’établissement d’hébergement chez leur mère ; qu’il rendait fréquemment visite à sa sœur pendant toute la durée de son séjour en foyer ; que les nombreuses photos jointes attestent qu’il conviait régulièrement sa sœur à son domicile, notamment à l’occasion des fêtes familiales ; que son engagement actif et continu était largement indépendant de sa qualité de tuteur et en toute hypothèse allait au-delà des missions qui en découlent ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 Juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 15 mars 2013, Mme ERDMANN, rapporteure, Maître COCQUEBERT, avocat, pour M. X..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en assimilant la charge effective et constante de la personne handicapée au sens des dispositions applicables de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles et la qualité de tierce personne, alors que la première est caractérisée par un engagement d’une durée et d’une intensité suffisantes dans les circonstances particulières de chaque espèce auprès de la personne handicapée pour lui apporter le soutien psychologique et moral que son état requiert, la commission départementale d’aide sociale de la Moselle a commis une erreur de droit ; que les autres motifs retenus par le premier juge tirés de ce que le requérant a signé la déclaration de succession sur laquelle figurait la décision prise par le département de la Moselle de pourvoir à la récupération à son encontre et de ce que la seule qualité de tuteur ne peut être assimilée à l’exercice de la charge dont s’agit alors que M. Y... ne se bornait pas à revendiquer une telle qualité ne sont pas davantage de nature à fonder légalement la décision attaquée ; qu’il y a lieu pour la commission centrale d’aide sociale d’examiner dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel les moyens de M. Y... et du département de la Moselle ;
    Considérant que ce dernier se borne à reprendre en appel, les motifs erronés qu’il avait développé en première instance et qui ont été à tort repris par les premiers juges ;
    Considérant toutefois, que pour répondre aux moyens du requérant dont elle est saisie, la commission centrale d’aide sociale n’est pas tenue de se limiter à la seule argumentation de l’administration ; qu’il lui appartient, sans pour autant soulever un moyen d’ordre public, de rechercher si cette argumentation est fondée au regard de l’application des dispositions légales en cause et des circonstances de fait avérées par le dossier quant à l’application de ces dispositions à la situation de l’espèce,
    Considérant d’abord, qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que Mme X..., née en 1957 et accueillie à compter de 2005 en accueil de jour et en centre d’aide par le travail dans une structure occupationnelle dans les années précédant son admission dans le foyer de Sarrebourg en janvier 2009, a été durant la plus grande partie de son existence maintenue au domicile parental et que même si M. Y... en était déjà le tuteur et apportait son concours à sa mère pour l’aider à assumer la charge de Mme X... et d’un autre frère handicapé fréquentant également des structures d’accueil de jour, elle relevait encore depuis 2005 pour l’essentiel d’une charge effective et constante par sa mère même, il est vrai, secondée par M. Y... ;
    Considérant que, durant son séjour au foyer de Sarrebourg de janvier 2009 à son décès en juillet 2010, il n’est pas contesté que Mme X... passait pour l’essentiel ses périodes de sorties du foyer au domicile de sa mère qui en avait alors la charge effective et constante et non seulement la charge de l’assistance de tierce personne ; que s’il est vrai que M. Y..., d’une part conduisait sa mère au foyer, celle-ci ne conduisant pas, lors des visites de celle-ci à sa fille et venait chercher et ramenait l’assistée au foyer lors des sorties chez sa mère, rendait à sa sœur des visites dans le cadre, selon l’attestation de la directrice du foyer, de la gestion de l’ « argent de poche » et recevait Mme X... à son domicile pour des fêtes de famille voire à une occasion selon les photos jointes pour des vacances passées avec elle, les attestations produites si elles attestent de la régularité de ces visites et de ces accueils n’en n’établissent pas la fréquence ; que les éléments fournis ne sont pas suffisants dans ces conditions à établir des interventions non seulement régulières mais d’une fréquence telle que M. X... puisse être, durant les années précédant immédiatement l’entrée au foyer et durant le séjour dans celui-ci, regardé comme assurant seul ou de manière partagée avec leur mère la charge effective et constante de sa sœur au sens et pour l’application de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant par ailleurs que la circonstance que Mme Z... ait été dispensée de la récupération sur la succession en qualité d’ascendante de Mme X... et qu’ainsi il n’y ait pas eu lieu, à ce titre, à rechercher si elle en assumait, par ailleurs, la charge effective et constante n’implique pas qu’il n’y ait pas lieu de rechercher, s’agissant de la situation de M. Y..., qui de sa mère et/ou de lui a assumé tant avant qu’au cours du séjour au foyer la charge dont il s’agit ; qu’il résulte des éléments qui précèdent que Mme Z..., même si elle a été aidée par M. Y... et si celui-ci a manifesté une attention fraternelle à sa sœur, n’en assumait pas moins pour l’essentiel la charge effective et constante de sa fille et que cette charge, eu égard à sa durée et à son intensité, ne peut être regardée comme ayant été partagée par M. Y... avec Mme Z... dans des conditions telles qu’il puisse être considéré comme « la » (en l’occurrence l’une des) personne (s) ayant assumé la charge effective et constante de la personne handicapée justifiant de la dérogation prévue par le texte de la récupération contre la succession à hauteur de la part revenant à la personne ayant assumé cette charge, laquelle à la charge de la preuve, s’agissant d’une dérogation, de ce que tel a bien été effectivement le cas dans les circonstances particulières de chaque espèce ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Y... doit être rejetée et que dans ces conditions, il n’y a lieu à remboursement du droit de timbre et à condamnation du département de la Moselle à payer au requérant la somme qu’il réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. X... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 mars 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 avril 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer