Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours contre succession - Conditions
 

Dossier no 120756

Mme X...
Séance du 15 mars 2013

Décision lue en séance publique le 26 avril 2013

    Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 19 juin 2012 et le 15 octobre 2012, la requête présentée par Mme Y..., demeurant dans les Yvelines et le mémoire présenté, pour elle, par maître Anne BOURGEONNEAU, avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines en date du 28 mars 2012 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général des Yvelines du 17 novembre 2011 décidant d’une récupération de 177 733,68 euros à l’encontre de la succession de Mme X... au titre de l’avance par l’aide sociale de ses frais d’hébergement et d’entretien en foyer, condamner le département des Yvelines à lui verser 2 000,00 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens qu’elle a saisi le 7 janvier 2012 la commission départementale pour faire valoir qu’aucune récupération n’est exercée sur la succession lorsque les héritiers sont les parents en précisant que ses enfants et petits-enfants avaient renoncé à leur part successorale pour permettre à leur mère et grand-mère d’améliorer sa situation financière et de pourvoir aux besoins pouvant découler de la dépendance en raison de son âge sans avoir à les solliciter ; que l’immeuble constituant l’actif de la succession pourrait être source de revenus complémentaires grâce à des locations saisonnières ; que si ses revenus proches de 4 000,00 euros par mois, déduction faite des impôts et des charges courantes, lui permettent de subvenir à ses besoins et éventuellement de régler les frais d’hébergement dans une maison de retraite, ils ne seraient pas suffisants pour assumer le coût d’aides à domicile en cas de dégradation de son état physique alors que son souhait légitime est de continuer à occuper son appartement même en cas de dépendance ; qu’une vente en viager ne peut être envisagée s’agissant d’un bien dont elle est seulement usufruitière de la moitié ; que c’est pourquoi ses enfants et petits-enfants du second lit, ainsi que la fille de son premier mari, ont accepté de renoncer à la succession de Mme X... ; qu’en droit les articles 805 et 806 du code civil disposent que « L’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais hérité » et que « le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession » ; que dès lors, la décision du 5 mars 2001 de la commission centrale d’aide sociale dont se prévaut l’administration contredit ces dispositions du code civil dont il se déduit que l’absence d’obligation aux dettes successorales de l’héritier renonçant a un caractère rétroactif au jour du décès ne pouvant transférer sur la tête des cohéritiers une obligation à laquelle il est réputé n’avoir jamais été tenu d’où il suit pour le conseil général l’impossibilité d’exercer un recours en récupération à l’encontre de la mère du de cujus ayant accepté la succession au prorata de la part dont elle bénéficie par conséquence de la renonciation des cohéritiers ; qu’une réponse ministérielle publiée au JOAN du 20 septembre 1982 et une décision du Conseil d’État département de la Loire-Atlantique du 22 juin 1988 confirment cette solution ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 31 octobre 2012, le mémoire en défense du président du conseil général des Yvelines tendant au rejet de la requête par les motifs que la décision du Conseil d’État invoquée ne s’applique pas au cas d’espèce où la situation est différente, puisque le Conseil d’État n’a pas statué sur l’argumentation présentée à titre subsidiaire par le département de la Loire-Atlantique jugée irrecevable, la question de fond soulevée étant de savoir si la renonciation d’une autre héritière de la personne handicapée aurait été constitutive d’une manœuvre permettant de paralyser le droit du département à exercer sa récupération ; qu’il convient donc bien de retenir et d’appliquer en l’espèce le code de l’action sociale et des familles, ainsi que la jurisprudence du 5 mars 2001 de la commission centrale d’aide sociale, la récupération s’exerçant sur la succession et non sur les héritiers ; que la récupération est limitée aux 3/4 de l’actif net, la requérante percevant librement le quart correspondant à ses droits avant renonciation des autres héritiers ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 15 mars 2013, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en modifiant la loi du 30 juin 1975 pour étendre l’exonération de récupération contre la succession des descendants aux ascendants, le législateur du 11 février 2005 a entendu maintenir pour toutes les autres personnes la limitation du bénéfice de l’exonération à celles seules ayant assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée au sens et pour l’application en l’espèce de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que si l’article 776 du code civil dispose que la renonciation à la succession a un effet rétroactif au jour de l’ouverture de celle-ci et les articles 805 et 806 du même code que « L’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais hérité (...). La part du renonçant échoit à ses représentants, à défaut elle accroit à ses cohéritiers (...). Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession (...) », l’article 783 énonce que « toute cession à titre gratuit (...) faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte l’acceptation pure et simple. » ; que l’article 804 selon lequel « Pour être opposable aux tiers la renonciation (...) doit être faite au tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte », s’il subordonne l’opposabilité, notamment à l’aide sociale, d’une renonciation effectivement intervenue à cette formalité, n’a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle au constat par l’administration sous le contrôle du juge de l’aide sociale moyennant en tant que de besoin seulement renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire de ce que la renonciation exprimée présente en réalité les caractères d’une acceptation pure et simple ;
    Considérant que Mme X..., hébergée en foyer, est décédée le 8 septembre 2009 en laissant pour héritiers sa mère, dispensée de récupération à hauteur de sa part dans la succession, et des frères et sœurs ; que postérieurement à la date d’ouverture de la succession, ces derniers - et leurs enfants par représentation - ont antérieurement à la décision de récupération du 17 novembre 2011, sauf s’agissant des deux enfants de Mme Y... qui l’ont fait postérieurement, renoncé en mars et novembre 2011 à la succession ; que le département a néanmoins entendu récupérer la part correspondant aux droits auxquels avaient renoncé les héritiers autres que Mme Y... et a exonéré celle-ci à hauteur de sa part initialement possédée dans la succession de Mme X... ; que Mme Y..., dans sa demande à la commission départementale d’aide sociale des Yvelines, a exposé que « née en 1927 (...) je ne peux raisonnablement pas éviter de penser que mon état pourrait se dégrader dans le futur. Or je n’ai aucunement l’intention de vivre en maison de retraite si je devenais dépendante et ai au contraire le désir, que j’estime légitime, de continuer à occuper mon appartement jusqu’à la fin de mes jours. Je suis seulement usufruitière d’une moitié de l’appartement que j’occupe (...). Je n’ai donc pas la possibilité d’envisager une vente en viager de ce bien (...). C’est donc pour éviter d’avoir à demander à mes enfants et petits-enfants de me verser directement des sommes me permettant l’emploi de personnel pouvant m’aider chez moi, en cas de nécessité, que j’ai pensé que la maison M... », seul bien de l’actif successoral de Mme X..., « pourrait être une source de revenus complémentaires (...). », qu’elle leur a donc demandé « de renoncer à leurs droits sur cette propriété, ce qu’ils ont tous accepté. » ; qu’elle confirme en appel que « c’est la raison pour laquelle (ses) enfants et petits-enfants, ainsi que la fille de son premier mari ont accepté de renoncer à la succession de Mme X... » ;
    Considérant qu’il résulte des termes mêmes de la demande et des mémoires d’appel qu’en l’espèce la renonciation par les successibles autres que Mme Y... postérieurement à son ouverture à leurs droits dans la succession de Mme X... ouverts après le décès de celle-ci s’analyse comme la cession à titre gratuit à une co-successible de leurs droits successoraux par un acte de disposition de ceux-ci emportant acceptation pure et simple, nonobstant la circonstance que pour la rendre opposable à l’aide sociale cette renonciation ait été formulée dans les conditions de l’article 804 du code civil ; que par suite le département des Yvelines était fondé à limiter, comme il l’a fait, l’application des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles exonérant de récupération les ascendants de la personne handicapée en limitant l’exonération à la part successorale initialement détenue par Mme Y... dans la succession de Mme X... ;
    Considérant que la requérante n’est fondée à se prévaloir ni des termes d’une réponse ministérielle dépourvue de valeur réglementaire et non opposable au département des Yvelines, ni de la décision du Conseil d’État, département de Loire-Atlantique du 22 juin 1988, qui concerne la situation différente de celle de la présente instance de la possibilité ou non de récupération à l’encontre des héritiers de l’assisté exonérés de la récupération contre la succession de ces derniers après la mort desdits héritiers sur la succession de ceux-ci recueillie par leurs propres héritiers ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n’est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges aient rejeté sa demande et que, étant partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 (et non de l’article L. 761-1 du code de justice administrative) font obstacle à ce que le département des Yvelines soit condamné à lui verser la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de Mme Y... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 mars 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 avril 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer