Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Versement - Suspension
 

Dossier no 120457

M. X...
Séance du 14 décembre 2012

Décision lue en séance publique le 17 janvier 2013

    Vu, enregistré au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 23 avril 2012, l’appel par lequel M. X..., demeurant dans le Val-de-Marne, demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne en date du 15 septembre 2011 confirmant celle du président du conseil général du Val-de-Marne du 31 janvier 2011 de suspendre, à compter du 31 décembre 2010, le versement de la prestation de compensation du handicap au titre de l’élément « aides humaines » allouée à l’intéressé pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2013 par le moyen que sa mère, Mme Y..., est bien un aidant familial susceptible d’être rémunérée au titre de l’aide humaine dès lors qu’elle a cessé toute activité professionnelle pour s’occuper de son fils dès son plus jeune âge et renoncé à faire valoir ses droits à la retraite, conformément à l’article D. 245-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré comme ci-dessus le 30 juillet 2012, le mémoire en défense du président du conseil général du Val-de-Marne tendant au rejet des conclusions de l’appel au motif notamment que la mère de M. X..., Mme Y..., n’a pas établi qu’elle n’exerçait pas d’autre activité professionnelle et perçoit, en tout état de cause, une pension de réversion ;
    Vu, enregistré comme ci-dessus le 31 août 2012, le mémoire de M. X... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et joignant deux attestations de MmesJ... et S... ;
    Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 novembre 2012, un mémoire complémentaire du président du conseil général du Val-de-Marne tendant aux mêmes fins que le précédent ;
    Vu, enregistré comme ci-dessus le 23 novembre 2012, le nouveau mémoire de M. X... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et précisant qu’ « il entend limiter la période pendant laquelle il sollicite le versement de cette prestation. En effet, il vit depuis le 1er juillet 2012 avec sa compagne qui est devenue sa salariée » ; qu’en conséquence il sollicite le versement de la prestation au profit de Mme Y... du 1er janvier 2011 au 30 juin 2012 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 14 décembre 2012, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 245-5 du code de l’action sociale et des familles : « Le service de la prestation de compensation peut être suspendu ou interrompu lorsqu’il est établi, au regard du plan personnalisé de compensation et dans des conditions fixées par décret, que son bénéficiaire n’a pas consacré cette prestation à la compensation des charges pour lesquelles elle lui a été attribuée. » ; qu’à ceux de l’article D. 245-70 : « Le versement de la prestation de compensation ou d’un ou plusieurs de ses éléments peut être suspendu par le président du conseil général en cas de manquement du bénéficiaire à ses obligations déclaratives, (...) » ; qu’à ceux de l’article R. 245-71 : « Lorsqu’il estime que la personne handicapée cesse de remplir les conditions au vu desquelles le bénéfice de la prestation de compensation lui a été attribué, le président du conseil général saisit la commission des droit et de l’autonomie des personnes handicapées aux fins de réexamen du droit à la prestation et lui transmet toutes informations portées à sa connaissance relatives à l’établissement des droits de l’intéressé à cette prestation. La commission statue sans délai. » ;
    Considérant que par décision du 23 mars 2009, prise en exécution de la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne, elle-même intervenue au vu du plan de compensation accepté par M. X..., le président du conseil général du Val-de-Marne a accordé la prestation de compensation du handicap pour 173 heures d’emploi direct et 242 heures d’emplois d’aidants familiaux, alors qu’antérieurement l’emploi direct était assumé par Mme W..., alors compagne de M. X..., situation au vu de laquelle il apparait que le plan de compensation ait été établi ; que toutefois, à une date non précisée et pour l’exécution de la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, M. X... a employé à titre d’emploi direct salarié, sa mère, Mme Y... ; que par décision du 31 janvier 2011, le président du conseil général a modifié les modalités d’attribution de la prestation en supprimant la prise en compte de 173 heures d’emploi direct et en limitant la prise en charge à 242 heures d’aidant familial, au motif que Mme Y... ne justifiait pas de la condition requise, de manière générale dans le cas d’un tel emploi par l’article D. 245-8, que le membre de la famille salarié « n’ait pas fait valoir ses droits à la retraite et qu’il ait cessé ou renoncé totalement ou partiellement à une activité professionnelle pour être employé par la personne handicapée (...) » ;
    Considérant que M. X... ne conteste pas que, comme les autres membres de la famille employés en emploi direct, les ascendants ou descendants susceptibles seulement d’être employés lorsque la lourdeur du handicap requiert une assistance intensive et constante doivent remplir les conditions de renonciation à une activité professionnelle et d’absence d’admission à la retraite prévues par l’article D. 245-8 expressément seulement en ce qui concerne les membres de la famille salariés autres que les ascendants et descendants directs ; que d’ailleurs il résulte des dispositions de l’article D. 245-8, même si elles n’ont pas rappelé les conditions exigées en règle générale pour les personnes visées à la première phrase du 1er alinéa en ce qui concerne les personnes (ascendants et descendants directs) concernées par la dérogation prévue à la deuxième phrase dudit alinéa que dans, tous les cas, l’aidant ne doit pas avoir fait valoir ses droits à la retraite et avoir cessé ou renoncé totalement ou partiellement à une activité professionnelle autre ; qu’il soutient seulement qu’il est établi que Mme Y... a renoncé à une activité professionnelle pour s’occuper de M. X... et qu’il est également établi qu’elle a bien renoncé à faire valoir ses droits à la retraite, la perception d’une pension de réversion au titre de son époux n’étant pas, par contre, de nature selon les textes applicables à interdire au bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap de salarier sa mère dans les conditions prévues par les dispositions susrappelées ;
    Mais considérant que pour justifier de ce que Mme Y... a renoncé totalement ou partiellement à une activité professionnelle pour s’occuper exclusivement de M. X... dont l’état, ce qui n’est nullement contesté, le justifiait alors, le requérant se borne à produire une attestation médicale en date du 4 janvier 1983 aux termes de laquelle M. X... était atteint d’une affection l’ « obligeant à recourir à l’aide d’une tierce personne et le rendant incapable pour l’instant de subvenir à ses besoins » et deux attestations de MmesJ... et S..., respectivement cousine et sœur de Mme Y..., selon lesquelles celle-ci « qui était assistante maternelle a dû cesser toute activité dès que la maladie de son fils, M. X..., a été déclarée dans le courant de l’année 1971 » (attestation Mme S...) ou « gardait des enfants à son domicile jusqu’au jour où elle a eu connaissance de la myopathie de M. X..., ce qui l’a obligée à se consacrer entièrement à son fils » (attestation Mme J...) ; que ces attestations, émanant d’ailleurs de membres de la famille de Mme Y... et en admettant même que cette dernière circonstance ne soit pas de nature à interdire de les considérer comme probantes si elles le sont par ailleurs, ne fournissent aucune précision sur les modalités, la régularité, et l’intensité de l’activité de garde d’enfants alléguée qui n’est pas ailleurs justifiée par aucune pièce faisant état d’une activité professionnelle déclarée ; qu’il n’est pas davantage établi qu’au moment où elle a dû assumer la charge de son enfant, Mme Y... envisageait d’exercer une telle activité professionnelle ; que d’ailleurs, en réalité, préalablement et en toute hypothèse, la « cessation » ou la « renonciation » à l’activité professionnelle prévue par les dispositions de l’article D. 245-8 doit être intervenue « pour être employé par la personne handicapée », ce qui n’est pas le cas de la « cessation » ou « renonciation » (selon respectivement les attestations produites) revendiquées, qui est intervenue dans l’enfance de M. X..., alors que celui-ci n’était pas en situation d’employer sa mère ; que dans ces conditions, et en admettant même, ainsi que le soutient M. X..., que le bénéfice d’une pension de réversion ne soit pas de nature à interdire l’emploi salarié d’un aidant familial tel Mme Y..., M. X... ne serait pas fondé à se plaindre du rejet de sa demande par la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne au regard de l’appréciation portée sur les conditions de possibilité du salariat d’un aidant familial par l’assisté ;
    Considérant toutefois qu’il résulte des dispositions citées ci-dessus que le président du conseil général, en l’état des dispositions réglementaires intervenues pour l’application de l’article L. 245-5 du code de l’action sociale et des familles, ne peut suspendre pour l’avenir le versement de la prestation qu’en cas de « manquement du bénéficiaire à ses obligations déclaratives » et selon la procédure décrite à l’article R. 245-70 qui n’a pas été respectée ; que, nonobstant la rédaction de l’article R. 245-69 qui prévoit que « lorsque le président du conseil général suspend ou interrompt le versement (...) en application des articles R. 245-70 à R. 245-72 » (l’article R. 245-72 concerne la répétition et non la suspension), « il en informe la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées », les articles R. 245-70 et R. 245-71 qui sont des dispositions précises et spéciales qui priment sur la disposition générale de l’article R. 245-69, alors que l’article L. 245-5 n’est pas pour le surplus applicable sans intervention de dispositions réglementaires d’application, ne prévoit pas l’interruption ou la suspension de la prestation dans des cas autres que ceux qu’elles énoncent et ne permettent pas au président du conseil général dans les autres que le défaut de respect des obligations déclaratives de suspendre ou d’interrompre lui-même le versement de la prestation pour l’avenir, étant observé que dans l’état actuel de leur rédaction les textes réglementaires d’application de l’article L. 245-5 aux articles R. 245-69 à R. 245-72 paraissent à la compréhension peut être insuffisante de la présente formation de jugement, d’une rationalité incertaine non seulement en ce qui concerne les liens entre la suspension et l’interruption, mais encore ceux entre la cessation du versement pour l’avenir et la répétition de celui-ci pour le passé, question qui ne semble pas se poser dans le présent dossier, même si elle s’est posée de fait dans de nombreux dossiers qui lui sont soumis ;
    Considérant dans ces conditions, alors que le moyen tiré de ce que c’est à tort que le président du conseil général a décidé d’une interruption (jusqu’à la fin de la période sur laquelle avait statué la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) - et non d’une suspension - du versement de la prestation concerne dans sa réalité non une inexacte application de la loi, mais la méconnaissance du champ d’application de celle-ci et/ou l’incompétence de l’auteur de l’acte pour procéder à l’interruption du versement litigieuse, qu’il y a lieu d’annuler les décisions attaquées en tant qu’elles portent sur la période du 1er janvier 2011 au 1er juillet 2012, M. X... vivant à nouveau, depuis cette dernière date, avec une compagne qu’il emploie depuis cette date - et non plus Mme Y... - comme salariée ;
    Considérant que le remboursement du droit de timbre n’est pas sollicité et qu’en l’état de la jurisprudence du Conseil d’État, il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale d’ordonner un tel remboursement alors même que le droit de timbre est partie des dépens ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne en date du 15 septembre 2011 est annulée.
    Art. 2.-  M. X... est admis au bénéfice de la prestation de compensation du handicap du 1er janvier 2011 au 1er juillet 2012, au titre de 173 heures d’emploi direct à Mme Y....
    Art. 3.  -  La décision du président du conseil général du Val-de-Marne en date du 31 janvier 2011 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 14 décembre 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme AOUAR, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 17 janvier 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer