Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Condition d’octroi - Hypothèque - Donation
 

Dossier no 120454

M. X...
Séance du 15 mars 2013

Décision lue en séance publique le 26 avril 2013     Vu, enregistrée à la direction départementale de la cohésion sociale du Puy-de-Dôme le 6 février 2012 et au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 7 mai 2012, la requête présentée par l’Association Tutélaire de Lozère, pour M. X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 22 novembre 2011 relative à la demande de main levée d’hypothèque sur les biens de M. X... par les moyens que sur la base légale de l’article L. 132-8, le conseil général demande le versement de 90 % des fruits de la vente pour procéder à la main levée de l’hypothèque visée par les biens vendus alors que le bénéficiaire est en situation de handicap et bénéficie de l’aide sociale à l’hébergement pour son foyer de vie ; que le conseil général indique que la main levée d’hypothèque viderait de sa substance l’article L. 132-9 du code de l’action sociale et des familles ; que les dispositions de cet article sont destinées à garantir les recours en récupération prévus à l’article L. 132-8, qui prévoit que les recours sont exercés selon le cas, par l’État ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune (dont le conseil général précise dans son courrier en date du 19 janvier 2011 que ce n’était pas ce type de recours qu’il exerce, ce recours ayant par ailleurs été supprimé par la loi du 4 mars 2002 pour les personnes en situation de handicap) ou contre la succession du bénéficiaire (M. X... n’est pas décédé) ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (M. X... n’est pas donataire) ; 3o Contre le légataire. (M. X... n’est pas légataire) ; qu’en conséquence aucune des situations prévues n’est applicable au cas d’espèce et l’article L. 132-9 n’est donc pas vidé de sa substance mais non avenu ; qu’il ressort de la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale, notamment sa décision du 27 août 2010 prise en sa séance du 25 juin 2010 dossier 100078 Mlle C/conseil général du Puy-de-Dôme applicable en tous points à l’espèce, que « si l’inscription hypothécaire légale prévue à l’article L. 132-9 peut intervenir pour la garantie du recouvrement d’une créance qui sera éventuellement détenue ultérieurement par le département, elle ne saurait avoir par elle-même pour effet de rendre le bénéficiaire des prestations d’aide sociale débiteur de cette créance ; que les dispositions de l’article R. 132-16 doivent dès lors être entendues comme ne subordonnant la main levée de l’hypothèque à la présentation des pièces justificatives de la remise ou du remboursement de la créance que lorsque cette créance revêt un caractère exigible susceptible de fonder légalement l’exercice de l’un des recours en récupération ouverts aux départements ; qu’en conséquence la récupération ne sera possible qu’après le décès de M. X... dans les conditions, en outre, restrictives ; que la commission départementale d’aide sociale dans sa décision du 22 novembre 2011 confirme que la demande de reversement n’est basée sur aucune base légale prévue à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; qu’elle interprète de façon erronée l’article R. 132-16 en estimant que le remboursement de la créance départementale n’est que la contre partie de la garantie par l’hypothèque légale ; qu’il ressort encore de la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale dans sa décision du 27 août 2010 précitée applicable en l’espèce que l’article R. 132-16 doit être entendu comme ne subordonnant la main levée de l’hypothèque à la présentation des pièces justificatives de la remise ou du remboursement de la créance que lorsque cette créance revêt un caractère exigible susceptible de fonder légalement l’exercice de l’un des recours en récupération ouverts aux départements ; que la créance départementale n’est pas exigible du vivant de M. X... ; qu’aucun fondement légal n’existe pour le département pour exercer l’un des recours en récupération comme cela ressort de la décision de la commission départementale d’aide sociale dans la décision contestée ; que c’est donc à juste titre que M. X..., représenté par l’association Tutélaire de Lozère es qualité de tuteur, a demandé la main levée pure et simple de l’hypothèque grevant les parcelles de terre de M. X... que le conseil général ne pouvait subordonner à la récupération d’une partie de l’aide sociale versée au titre de l’hébergement d’une personne en situation de handicap ; qu’il s’agira de constater que la créance des frais d’hébergement avancés au titre de l’aide sociale n’est pas certaine et exigible et donc non récupérable avant le décès de M. X... ; qu’il conviendra d’annuler la décision du président du conseil général en ce qu’il soumet la main levée de l’hypothèque légale sur les parcelles de biens de M. X... au versement de 90 % du fruit de la vente, souhaitant récupérer ainsi sans base légale une partie de l’aide sociale à l’hébergement versée au profit de M. X..., ainsi que la décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 22 novembre 2011 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 7 mai 2012, le mémoire en défense du président du conseil général du Puy-de-Dôme tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il a requis le 8 juillet 2008 l’inscription d’une hypothèque légale sur les biens immobiliers appartenant à M. X... en garantie des sommes avancées au titre de l’aide sociale ; que les juridictions de l’aide sociale n’ont pas compétence pour statuer sur l’inscription, la non inscription ou la main levée de l’hypothèque (CCAS du 1er juillet 1988 département du Pas-de-Calais) ; que les dispositions de l’article R. 132-16 du code de l’action sociale et des familles vont dans le même sens à savoir la main levée des inscriptions prises en conformité des articles R. 132-13 et R. 132-15 est donnée soit d’office, soit à la requête du débiteur par décision du conseil général ou du préfet, cette décision intervenant au vu des pièces justificatives soit du remboursement de la créance, soit d’une remise ; qu’en l’espèce les sommes avancées au titre de l’aide sociale étaient au 30 juin 2011 de 578 083,83 euros ; que le département du Puy-de-Dôme ne récupère que sur la base des sommes avancées au titre de l’aide sociale ; que le remboursement des sommes avancées au titre de l’aide sociale n’est que la contrepartie de la perte de garantie représentée par l’hypothèque ; que selon cette disposition, le bénéficiaire de l’aide sociale a toute possibilité, soit il rembourse, soit il conserve son bien. En cas de vente, l’hypothèque créée un droit de suite sur le bien car il s’agit d’une sureté réelle, par conséquent, le président du conseil général ne peut être contraint à autoriser la main levée d’une hypothèque en cas de vente d’un bien (l’hypothèque étant prise pour la garantie des sommes avancées) ; qu’un des arguments avancés par l’association Tutélaire de Lozère est d’énoncer que l’article L. 132-9 du code de l’action sociale et des familles garantit le recours prévus à l’article L. 132-8 du même code et que la créance du département n’est pas exigible ; que cependant dans l’hypothèse d’une personne âgée placée en établissement et ne relevant pas des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles et qui aurait consenti une donation, le recours contre donataire pourrait être exercé immédiatement ; que dans cette hypothèse, la créance est exigible ;
    Vu, enregistré le 19 novembre 2012, le mémoire en réplique de l’association Tutélaire de Lozère qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que la prise d’hypothèque par le conseil général a été faite suite au décès de la mère de M. X... à l’occasion duquel il s’est enrichi de ses droits, cet évènement constituant un retour à meilleure fortune sur la base duquel aucun recours ne peut plus être effectué sur le patrimoine de la personne en situation de handicap ; que la juridiction d’aide sociale est saisie sur l’absence de base légale pour récupérer une partie de l’avance de l’aide sociale versée au titre de l’hébergement d’une personne en situation de handicap ; que le conseil général lui-même a indiqué à plusieurs reprises que l’article R. 132-16 du code de l’action sociale et des familles n’est pas un fondement de leur démarche, puisqu’il concerne les récupérations sur le patrimoine des personnes en situation de handicap qui sont ouverts exclusivement qu’en cas de donation et de décès de la personne en situation de handicap ; que le conseil général dans sa position transmise indique bien qu’il s’agit d’une récupération ; que l’absence d’exigibilité de la créance de M. X... n’est pas un argument d’une partie, mais l’application conforme de la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale ; que le conseil général souhaite orienter le débat de façon erronée et biaisée en souhaitant appliquer le statut de personne âgée à une personne handicapée ; que ce statut a été sciemment distingué par le législateur notamment depuis la loi de 2005 sur l’égalité des chances en favorisant les personnes handicapées afin qu’elles puissent bénéficier de leur patrimoine ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 15 mars 2013, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale est compétent pour connaître de l’ensemble des contestations nées du recouvrement des créances de l’aide sociale, notamment, comme en l’espèce, d’une décision de refus de main levée d’une hypothèque légale inscrite pour la garantie de l’avance de l’aide sociale ; que le président du conseil général du Puy-de-Dôme n’est pas fondé à invoquer l’incompétence de cette juridiction ;
    Considérant qu’aucun des refus successifs avant celui litigieux ne comportait l’indication des voies et délais de recours ;
    Considérant que les articles L. 132-9 et R. 132-15 du code de l’action sociale et des familles permettent l’inscription d’une hypothèque sur les biens immobiliers du bénéficiaire de l’aide sociale pour garantir le recouvrement des avances intervenues lorsque la créance qu’elles déterminent sera exigible compte tenu de la survenance de son fait générateur ; que l’article R. 132-16 du même code n’a pas pour objet et ne peut pas avoir eu pour effet de permettre de subordonner la main levée de l’hypothèque en cas de vente du bien antérieurement à la survenance du fait générateur et de l’exigibilité de la créance à la condition que l’assisté rembourse préalablement à la collectivité d’aide sociale les sommes avancées par celle-ci, dès lors qu’à la date de la vente le fait générateur de la créance dont l’hypothèque garantit le recouvrement n’est pas intervenu et que la créance constituée par l’avance de l’aide sociale n’est donc pas exigible ; que l’avance de l’aide sociale emporte bien au profit de celle-ci une créance qui ne peut être récupérée qu’après la survenance du fait générateur à compter de laquelle elle devient exigible ; que le président du conseil général du Puy-de-Dôme n’est pas fondé à soutenir que le remboursement sollicité ne procèderait pas d’une créance mais d’une avance des sommes exposées dans le cas d’espèce de 578.083,83 euros, et que le remboursement litigieux ne serait que la contrepartie de la perte de la garantie représentée par l’hypothèque susceptible d’être réclamée indépendamment de l’exigibilité de la créance « à la date de la vente » ;
    Considérant que dans son mémoire en défense le président du conseil général du Puy-de-Dôme, qui ne saurait ignorer, comme la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme - et n’ignore pas - que sa position est contraire à la jurisprudence, non seulement de la commission centrale d’aide sociale, mais encore du Conseil d’État, alors qu’il s’abstient de déférer les décisions qui confirment cette jurisprudence audit Conseil, soulève néanmoins un nouveau moyen en défense dont à vrai dire la commission centrale d’aide sociale peine à percevoir le sens et la portée juridiques ; qu’il soutient dorénavant, outre son argumentation initiale, que « dans l’hypothèse (souligné par la CCAS) où une personne âgée placée en établissement et ne relevant pas des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles et qui aurait consenti une donation, le recours contre donataire pourrait être exercé immédiatement. » (sic) « Dans cette hypothèse la créance est exigible » ; qu’il soulève ainsi une hypothèse, dont la caractéristique essentielle est de n’être pas avérée et qui juridiquement est inopérante, puisque justement, lorsqu’il y a donation, la créance est bien exigible à la date du fait générateur de cette donation et que justement, encore, il n’y aura pas de possibilité de recours contre le donataire handicapé puisque ce recours a été supprimé, sans que pour autant, l’administration ne puisse, comme elle le fait en l’espèce, refuser une main levée d’hypothèque, alors qu’il n’est pas contesté qu’en ladite espèce à la date du refus la créance de l’aide sociale n’est pas exigible et d’ailleurs ne pourra ultérieurement jamais être récupérée contre le donataire mais uniquement au décès de l’assisté contre les personnes autres que les descendants, les parents et celles ayant assumé la charge effective et constante de l’assisté ; que, sauf si la commission centrale d’aide sociale a erré dans la compréhension du nouveau moyen de défense de l’administration, une telle argumentation a pour seul objet de remettre en cause la jurisprudence clairement énoncée par la commission centrale d’aide sociale puis par le Conseil d’État en invoquant une situation qui en toute hypothèse n’est pas avérée à la date de la décision attaquée et au surplus ne le sera, en ce qui concerne les personnes handicapées dans la situation de M. X..., jamais ; qu’ainsi le moyen ci-dessus cité ne peut également qu’être rejeté ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 22 novembre 2011, ensemble la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme en date du 28 février 2011 sont annulées.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 mars 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 avril 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer