Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Récupération sur succession - Modération
 

Dossier no 120448

Mme X...
Séance du 14 décembre 2012

Décision lue en séance publique le 17 janvier 2013

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 11 mai 2012, l’appel par lequel Mme Y..., demeurant dans l’Aude, demande à la juridiction de céans, en sa qualité d’héritière, d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire en date du 16 février 2012 confirmant celle du président du conseil général de Maine-et-Loire du 26 septembre 2011 d’exercer un recours sur la succession de Mme X..., sa sœur, décédée le 5 août 2009 après avoir été prise en charge de son vivant au titre de l’aide sociale, à hauteur de 76 567,06 euros, pour couvrir une partie de ses frais d’hébergement et d’entretien au foyer de vie « C... », et ce par le moyen qu’elle n’a « jamais en aucun cas délaissé (sa) sœur (...) malgré (...) un parcours de vie très chaotique. » ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré, comme ci-dessus, le 23 juillet 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de Maine-et-Loire tendant au rejet des conclusions de l’appel susvisé au motif qu’en l’espèce « l’effectivité et la constance de l’engagement (n’ont pas été) suffisamment justifiés par la personne qui souhaite bénéficier de l’exonération (...) » ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 14 décembre 2012, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles sont exemptés du recours sur la succession, prévu à l’article L. 132-8, le « conjoint, (les) enfants, (les) parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé » décédé, admis au bénéfice de l’aide sociale pour couvrir une partie de ses frais d’hébergement et d’entretien ; que la charge de la personne handicapée est constante lorsqu’elle a été assumée durant une période de temps suffisante ; qu’elle est effective dès lors, notamment, qu’elle se traduit par une prise de responsabilités à l’endroit de l’assisté et se manifeste, notamment, par des visites fréquentes à l’établissement, l’accueil au domicile en fin de semaine ou pendant les vacances ainsi qu’à l’occasion des fêtes ; qu’il appartient d’une façon générale à la personne qui entend bénéficier de l’exonération du recours sur la succession, à défaut d’en être exemptée de plein droit, de justifier suffisamment de son implication dans la prise en charge de la personne handicapée ;
    Considérant en l’espèce que Mme X... a séjourné au foyer de vie « C... », du 13 novembre 2006 au 5 août 2009, date de son décès ; que le département de Maine-et-Loire a pris en charge une partie de ses frais d’hébergement et d’entretien pour un montant total de 76 567,06 euros ; que sa succession, à laquelle viennent seulement Mme M..., sa mère, et Mme Y..., sa sœur, dès lors que ses sœur et frère utérins, Mme F... et l’enfant mineur V... y ont renoncé, se compose d’un actif net de 39 384,79 euros, réparti à raison de 51/128 en faveur de la première héritière et 77/128 au profit de la seconde ;
    Considérant que Mme Y... réside dans le département de l’Aude, distant de plusieurs centaines de kilomètres du foyer « C... » (Maine-et-Loire) ; qu’elle [se borne à faire] fait valoir qu’elle a fourni un appareil audiovisuel ainsi que des jeux vidéo à sa sœur, Mme X... ; qu’elle indique aussi qu’elle lui tenait compagnie quelques après-midi au domicile de sa grand-mère ou dans l’établissement, durant les vacances scolaires ; qu’en réalité l’éloignement géographique n’a pas permis en l’espèce à Mme Y... d’assumer la charge effective et constante de Mme X... au sens de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles, ce qui ne signifie pas qu’elle ne portait pas une attention et une affection profondes à sa sœur ; que, par ailleurs, si durant la scolarité de Mme X... dans sa jeunesse, la requérante lui a apporté un soutien et une protection sans lesquels la scolarisation en milieu ordinaire aurait été compromise, cet apport, pour important qu’il ait pu être, ne peut être regardé comme constituant dans le chef de Mme Y... la charge effective et constante de la personne handicapée qui appartenait alors à la grand-mère paternelle de Mme X... qui l’a élevée et au père de celle-ci ; que la production d’une lettre de Mme X... faisant état des égards qu’avait le compagnon de Mme Y... envers elle est sans incidence sur la qualification des relations nouées entre Mme Y... et sa sœur ; que, de même, la circonstance que Mme M..., leur mère, ait manifesté peu d’intérêt envers ses filles et que Mme Y... ait connu un « parcours de vie très chaotique » est également sans emport sur la qualification juridique de l’aide apportée par Mme Y... à sa sœur, même s’il est très compréhensible que celle-ci soit choquée par une situation où en définitive la mère de l’assistée qui n’a été que peu présente auprès d’elle durant sa vie sera la seule à bénéficier de sa succession alors qu’elle-même, qui l’a été davantage, n’en bénéficiera pas, alors, toutefois, qu’une telle situation ne peut être résolue dans le cadre des dispositions législatives relatives à l’aide sociale dont fait application le juge de l’aide sociale mais seulement, le cas échéant, par l’application des règles du droit civil relatives aux successions dans leur ensemble par l’autorité judiciaire ;
    Considérant par suite que le président du conseil général de Maine-et-Loire et les premiers juges ont fait une exacte application de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles,

Décide

    Art. 1er.  -  L’appel de Mme Y... est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 14 décembre 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme AOUAR, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 17 janvier 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer