Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3300
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Allocation personnalisée d’autonomie (APA) - Indu - Recours - Compétence - Motivation
 

Dossier no 110019

Mme X...
Séance du 17 mai 2013

Décision lue en séance publique le 31 mai 2013

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 20 décembre 2010, l’appel par lequel le président du conseil général du Nord saisit la juridiction de céans en vue d’annuler la décision du 31 mars 2010 de la commission départementale d’aide sociale du Nord ayant annulé celle du 3 janvier 2008 par laquelle le président du conseil général du Nord a rejeté la demande de remise gracieuse présentée par Mme X... d’une somme de 5 236,76 euros mise en recouvrement au titre de la répétition d’un indu de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour la période du 16 octobre 2002 au 31 juillet 2003 par l’émission d’un titre de perception rendu exécutoire le 4 octobre 2007, et ce par les moyens que :
    1o « Aucune disposition tant législative que réglementaire n’impose à M. le président du conseil général d’accorder des remises de dettes en matière d’APA. » ;
    2o « Aucune disposition tant législative que réglementaire n’impose au département d’effectuer un contrôle d’effectivité sur les sommes allouées au titre de l’APA forfaitaire. » ;
    3o « Ces sommes constituant des indus, les dispositions des articles L. 232-7 et R. 232-16 du code de l’action sociale et des familles, qui établissent une procédure de suspension de l’APA, ne sont pas applicables. » ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 mai 2013, M. GOUSSOT, rapporteur, Mmes Y... et Z..., pour le département du Nord, en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la nature du recours administratif de Mme X... et de la demande à la commission départementale d’aide sociale du Nord ;
    Considérant qu’en matière d’allocation personnalisée d’autonomie comme de prestation de compensation du handicap, aucune disposition ne prévoit en ce qui concerne la remise gracieuse une décision distincte de celle de répétition de l’indu, cette dernière n’étant elle-même pas soumise au recours administratif obligatoire ; qu’en cet état, la présente formation de jugement a constamment jugé en matière de prestation de compensation du handicap (sans que le Conseil d’Etat ait été saisi et/ou ait statué sur cette question) et juge ici en matière d’allocation personnalisée d’autonomie que lorsqu’un recours préalable facultatif est formulé à l’encontre de la décision même de répétition d’indu, que l’administration était légalement tenue de prendre en compte, aucun moyen de nature gracieuse ne peut être formulé à l’appui de ce recours, non plus qu’à celui de la demande contentieuse dirigée contre son rejet ; que pour autant il appartient à l’assisté, alors même qu’il ne conteste pas la légalité et le bien-fondé de la décision même de répétition d’indu, de formuler, s’il s’y croit fondé, une demande de remise gracieuse ; que la compétence pour statuer sur une telle demande, en l’absence de toute disposition législative prévoyant en matière de remise gracieuse, soit la compétence du président du conseil général (comme en matière de RSA/RMI), soit la possibilité de délégation du conseil général à son président de la décision statuant sur une demande de la sorte, incombe au conseil général ou à la commission permanente par délégation (ce qui est la pratique d’ailleurs pour un grand nombre de départements sur les dossiers desquels la commission est amenée à statuer) ; que dans le cadre de l’examen d’une demande dirigée contre un refus de remise gracieuse et non contre la décision même de répétition d’indu, le juge de l’aide sociale est compétent, bien qu’à la lettre les dispositions applicables ne prévoient sa compétence que s’agissant des décisions du président du conseil général et ne la prévoient pas expressément en matière de remise gracieuse, alors que l’étroite imbrication des litiges relatifs à la répétition et de ceux relatifs à la remise n’apparaît pas permettre de prévoir, en ce qui concerne cette dernière, une compétence du juge administratif de droit commun ; que la présente formation de jugement a reconnu sa compétence pour connaître des recours dirigés contre les décisions du conseil général ou de la commission permanente statuant sur les demandes de remise gracieuse et a examiné ces recours dans l’exercice de son entier contrôle de juge de plein contentieux ; qu’il n’y a pas lieu d’expliciter ici la motivation de cette position dès lors que, comme il va être dit, la présente requête sera regardée comme dirigée en réalité, nonobstant sa formulation, contre la décision de répétition d’indu elle-même ;
    Considérant, en effet, qu’il y a lieu, préalablement à l’examen des requêtes de la sorte, de déterminer quelle est en réalité leur nature : s’agit-il effectivement conformément à l’intitulé même d’une demande exclusivement dirigée contre la décision prise sur une demande (postérieure à une décision de répétition d’indu non contestée et définitive) de remise gracieuse ? auquel cas les moyens de nature contentieuse ne peuvent être formulés à son soutien ou s’agit-il en réalité d’une demande présentant au moins partiellement le caractère d’une demande contentieuse qu’il s’agisse de la demande à l’administration ou de celle au juge ? auquel cas, nonobstant son intitulé, s’agissant de requérants non seulement juridiquement autodidactes, mais dans les cas soumis par les appels du département du Nord dans la présente série de dossiers particulièrement démunis et vulnérables, en recevant plusieurs années après le versement des arrérages d’APA au titre de l’APA forfaitaire et alors du reste que la notification de la décision de rejet de ladite allocation n’est pas établie des décisions de répétition d’indu pour des montants importants et sans rapport avec leurs modestes ressources essentiellement de pensions ; qu’il y a lieu pour le juge, non de s’en tenir à l’objet littéralement formulé et à l’analyse purement littérale des motifs de la demande, mais de rechercher si, en substance, le requérant entend en réalité admettre la légalité de la décision de répétition d’indu ou par la nature des moyens formulés y compris au soutien d’une demande qu’il intitule, à la suite des indications fournies par l’administration elle-même d’ailleurs, de « remise gracieuse » que la répétition non seulement est sans rapport avec ses ressources et sa situation humaine et sociale, mais encore en outre n’est pas légalement fondée ;
    Considérant dans le présent dossier que, dans sa demande au président du conseil général d’« octroyer un recours gracieux, la situation ayant un caractère exceptionnel » du 29 octobre 2007, Mme X... formulait certes des moyens de nature gracieuse, mais en outre indiquait qu’elle demandait qu’il lui soit « [fait grâce de ce gros coup dur réclamé environ cinq ans après] » (encadré par la requérante et souligné par la CCAS) et ajoutait « je ne comprends pas (souligné par la requérante) ; que compte tenu de la situation de la requérante isolée à la réception d’une décision de répétition notifiée plus de quatre ans après et d’une décision de rejet dont la notification n’est elle-même pas établie, les éléments suscités de la demande sont interprétés par le juge comme un moyen de nature contentieuse mettant en cause la prescription de la créance revendiquée par l’administration ; que dans sa demande à la commission départementale d’aide sociale en date du 25 janvier 2008 contre la décision de rejet du 3 janvier 2008 Mme X..., maintenant sa contestation, indiquait « je trouve très dur (...) que l’on me dise que c’est un trop perçu de voilà cinq ans (...) j’ai demandé de l’aide et on m’a accordée une somme dont pour eux j’avais droit. Ce n’est pas moi qui est fixée ce montant et ayant fait cinq ans de plus on me redemande (...) je ne me sens pas responsable (...) pour moi je conteste ne rien devoir » (souligné par la requérante elle-même) ; qu’il résulte d’une telle motivation que Mme X... entendait non seulement solliciter que l’administration prenne en compte pour accorder une remise gracieuse sa situation humaine et sociale, mais encore contestait « dans son langage » très clairement le principe de la dette (elle estimait ne rien devoir) et revendiquait la prescription en toute hypothèse de la créance de l’administration ; que les termes de sa demande qui « éclairent... ! » rétrospectivement ceux de sa lettre du 29 octobre 2007 au président du conseil général du Nord conduisent à considérer cette lettre comme un recours administratif préalable (« gracieux » certes mais non au sens de « remise gracieuse ») et sa demande au premier juge comme une demande contentieuse assortie d’une part, de moyens inopérants de nature gracieuse et, d’autre part, comme elle l’avait soulevé dès l’origine de sa réclamation préalable, de moyens de nature contentieuse ces derniers opérants et, comme il va être établi ci après, fondés ;
    Considérant dès lors, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 232-14 du code de l’action sociale et des familles, comme l’a d’ailleurs estimé pour sa part la note d’information établie par le ministère en charge des affaires sociales dès la parution de la loi dont l’interprétation n’a pas à être modifiée en fonction de l’intervention postérieure de la loi du 31 mars 2003 qui demeure sans incidence sur la solution qu’elle retient, que les arrérages versés au taux forfaitaire dans la période séparant la date (à l’époque du litige) de constitution du dossier complet et la date de notification d’une décision expresse (non établie en l’espèce), notamment, comme en l’espèce, de rejet à la suite d’une décision qu’elle soit implicite ou expresse d’attribution de l’allocation à titre provisoire au taux forfaitaire, ne sont pas « récupérables » (formulation de l’administration qu’il y a lieu de remplacer pour la clarté des termes employés par « répétibles ») notamment, lorsque la décision de rejet intervient en fonction du classement du demandeur en GIR-5-6 et que ces sommes sont ainsi acquises définitivement au demandeur jusqu’à l’intervention de la décision explicite et ce, comme le relève également l’administration, « sous réserve du contrôle d’effectivité de l’aide apportée à l’intéressé », contrôle que le président du conseil général entend expressément ne pas revendiquer et considère comme non applicable en l’espèce ; qu’il suit de là, qu’aucun indu répétible n’ayant été constitué, la décision de répétition ne pouvait de ce premier chef légalement intervenir, alors que Mme X... dans sa formulation juridiquement autodidacte a bien, en tout état de cause, soulevé le moyen en estimant « ne rien devoir » ;
    Considérant en deuxième lieu, et en toute hypothèse, que les arrérages de l’allocation ayant été versés d’octobre 2002 à juillet 2003 et aucune fraude ou fausse déclaration n’étant imputable à Mme X..., la prescription biennale prévue au 2e alinéa de l’article L. 232-25 était encourue ; que l’administration ne le conteste du reste pas, mais soutient que, notamment par les termes de sa demande du 29 octobre 2007, Mme X... aurait reconnu l’existence de la créance administrative et dès lors renoncé au bénéfice de la prescription ; que, toutefois, il résulte de l’analyse qui précède des termes de cette lettre qu’elle ne saurait constituer la reconnaissance explicite ou même implicite et, en toute hypothèse, sans équivoque de l’existence et de la justification légale de la créance de l’administration et qu’aucune autre pièce du dossier ne permet de retenir une telle acceptation dépourvue de toute équivoque de l’intimée ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, dès lors qu’il y a bien lieu dans le cadre de la présente instance d’examiner des moyens de légalité formulés par la demanderesse de première instance à l’encontre de la décision même de répétition d’indu, qui au vu du dossier lui a été notifiée au plus tôt le 29 octobre 2007 (la solution ne serait pas différente si elle devait être regardée lui avoir été notifiée dès le 4 octobre, ce que les termes de sa lettre ne permettent pas de déterminer avec certitude), les moyens du président du conseil général du Nord dirigés contre la motivation des premiers juges qui se sont pour l’essentiel, voire exclusivement, situés non sur le terrain de la légalité de la répétition d’indu, mais sur celui de l’absence de possibilité pour l’administration, en application même de la décision réglementaire du conseil général prise pour l’instruction des demandes de remise gracieuse, de rejeter une telle remise sont inopérants, étant au surplus et enfin observé que le juge d’appel est fondé à requalifier d’office (alors même que Mme X..., intimée et non appelante..., n’a pas contestée la motivation des premiers juges en s’abstenant de produire un mémoire en défense) la nature et les moyens de la demande formulée devant la commission départementale d’aide sociale ainsi que celle et ceux de la demande préalablement adressée à l’administration qui, compte tenu des développements de celle-ci dans la demande contentieuse, est regardée par la présente décision comme présentant le caractère, non d’une demande de remise gracieuse de l’indu répété par la décision du 4 octobre 2007, mais comme dirigée contre cette décision de répétition elle-même ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’appelant n’est pas fondé à se plaindre que, par la décision attaquée, les premiers juges aient annulé sa décision du 3 janvier 2008 statuant sur la demande du 29 octobre 2007 de Mme X... relative aux arrérages de l’allocation personnalisée d’autonomie au taux forfaitaire qu’elle a perçus durant la période du 16 octobre 2002 au 31 juillet 2003,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général du Nord est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 mai 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme LE MEUR, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 31 mai 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général, par intérim,
de la commission centrale d’aide sociale,
G. Janvier