Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3300
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Allocation personnalisée d’autonomie (APA) - Délai - Compétence juridictionnelle - Conditions de ressources
 

Dossier no 110025

M. X...
Séance du 17 mai 2013

Décision lue en séance publique le 31 mai 2013

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 22 décembre 2010, l’appel par lequel le président du conseil général du Nord saisit la juridiction de céans en vue d’annuler la décision du 31 mars 2010 de la commission départementale d’aide sociale du Nord ayant annulé celle du 3 décembre 2007 par laquelle le président du conseil général du Nord a rejeté la demande de remise gracieuse, présentée par M. X..., décédé en janvier 2010, d’une somme de 4 379,85 euros mise en recouvrement au titre de la répétition d’un indu de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour la période du 28 février au 31 octobre 2002 par l’émission d’un titre de perception rendu exécutoire le 15 novembre 2006, et ce par les moyens que :
    1o Les premiers juges auraient commis une erreur de droit en ne respectant pas les termes de la délibération du conseil général du Nord du 2 avril 2007 fixant les conditions d’acceptation des remises gracieuses de dettes en matière d’aide sociale ;
    2o Ils n’étaient pas fondés à invoquer la prescription par deux ans dès lors que tant la demande de remise gracieuse, que le recours introduit devant la commission départementale d’aide sociale par M. X..., ne soulèvent pas ce moyen ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 2 mai 2011, le mémoire en défense de Mme X... qui rappelle que la prescription par deux ans était opposable au département du Nord et que la succession de M. X... était close ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 12 décembre 2011, les écritures complémentaires de Mme X... et les pièces jointes en réponse au supplément d’instruction de la commission centrale d’aide sociale du 28 novembre 2011 ;
    Vu les écritures complémentaires du président du conseil général du Nord en date du 15 décembre 2011 et les pièces jointes en réponse au supplément d’instruction de la commission centrale d’aide sociale du 28 novembre 2011 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code général des collectivités territoriales ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 mai 2013, M. GOUSSOT, rapporteur, Mmes Y... et Z..., pour le département du Nord, en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale du Nord a mentionné dans la décision attaquée qu’elle « décide à l’unanimité l’application de la déchéance biennale » ; qu’elle a, en motivant ainsi sa décision, méconnu le principe du respect du secret du délibéré qui s’impose aux juridictions administratives ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que par lettre du 19 février 2007 M. Z..., conseiller général du Nord, a demandé la « remise gracieuse adaptée »... ? ! des arrérages forfaitaires d’allocation personnalisée d’autonomie versée à M. X... durant la période mentionnée au 6e alinéa de l’article L. 232-14 du code de l’action sociale et des familles à l’issue de laquelle les droits à l’allocation n’ont pas été ouverts compte tenu du classement en GIR-5-6 de l’intéressé ; que cette demande est regardée comme ayant été formulée au nom et pour le compte de M. X... ; que, d’ailleurs, non seulement l’administration ne l’a pas contesté mais encore l’a entendu ainsi puisqu’elle l’a rejetée par lettre du 3 décembre 2007 adressée à ce dernier ;
    Considérant en premier lieu, que la décision non datée de répétition d’indu, comme le titre de perception rendu exécutoire par le président du conseil général du Nord pour pourvoir au recouvrement de celui-ci, n’ont pas été contestés ; qu’à l’appui de ses conclusions dirigées contre la décision de rejet de remise gracieuse M. X... ne peut, comme Mme X... - en tout état de cause - ainsi qu’elle le fait dans son mémoire en défense devant la commission centrale d’aide sociale, soulever des moyens de nature contentieuse ; que, dès lors, le moyen tiré de la prescription biennale, qui avait été à tort accueilli par la commission départementale d’aide sociale, ne peut être utilement soulevé, alors même que le juge d’appel statue dans le cadre de l’évocation ;
    Considérant en deuxième lieu, qu’en admettant que la décision attaquée rejetant une demande de remise gracieuse présentée postérieurement aux décisions de répétition et de recouvrement de l’indu répété qui n’ont pas été contestées ne pouvait être compétemment prise par le président du conseil général, mais seulement par le conseil général ou sa commission permanente, en l’absence de toute disposition législative permettant la délégation pour statuer sur les demandes de remise gracieuse de l’allocation dont s’agit de la compétence du conseil général au président de celui-ci, il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat (qu’il appartient à la présente juridiction d’appliquer et qu’il n’y a pas lieu d’écarter pour l’examen de requêtes portant sur des décisions de refus de remise gracieuse sur lesquelles le juge de plein contentieux de l’aide sociale exerce un contrôle nullement limité à « l’erreur manifeste d’appréciation » mais le contrôle entier inhérent à l’examen des requêtes de plein contentieux) qu’il revient à ce juge, non de statuer sur les vices propres de la décision administrative attaquée au nombre desquels celui tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte, mais exclusivement sur les droits de l’assisté ; qu’il n’en va autrement que dans le cas où est contestée la décision de répétition d’indu elle-même où il appartient au juge d’examiner les vices dont s’agit et s’il en retient un de se borner à annuler la décision critiquée ; que quelle qu’ait pu être la position de la commission centrale d’aide sociale antérieurement à cette jurisprudence, intervenue en matière de RSA/RMI, puis confirmée de manière particulièrement concise et ce faisant impérative en matière de recours contre les décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) relevant de la compétence des juridictions administratives, il appartient au juge du fond d’appliquer la jurisprudence de la juridiction supérieure compte tenu de son caractère récent de la formation qui l’a rendue et de sa confirmation en forme d’affirmation à portée générale, alors même que dans le cadre du « dialogue des juges » qui concerne également les relations entre juridictions subordonnées et juridictions supérieures la commission centrale d’aide sociale se croit fondée à relever qu’il n’était pas irrationnel et illégitime, compte tenu de la nature de recours de plein contentieux objectif des recours en matière d’aide sociale, qu’ils relèvent du juge administratif de droit commun ou de la juridiction spécialisée, que le juge se prononce à la fois sur la légalité externe de la décision attaquée et sur les droits de l’assisté ; qu’en outre, compte tenu des erreurs des services en ce qui concerne les modalités d’intervention de ces décisions, procédant moins d’une intention délibérée que d’une méconnaissance des règles de procédure, il n’était pas inopportun que, comme elle l’avait toujours fait, la commission centrale d’aide sociale « encadre » l’action de l’administration pour que ses décisions interviennent dans les formes requises, qui conditionnent, tout autant que le respect des règles de fond, la garantie des droits respectifs des assistés et de leurs ayants droit ou ayants cause ; que quoiqu’il en soit, et nonobstant l’explicitation qui précède, il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale de sanctionner l’incompétence qui selon elle (ce point n’est pas jugé par le Conseil d’Etat en matière d’aide sociale générale où aucun texte, à la différence du RSA/RMI, ne donne compétence au président du conseil général pour statuer sur les demandes de remise gracieuse) entache la décision attaquée ;
    Considérant en troisième lieu, que pour refuser toute remise ou même modération de la créance, l’administration a fait application de la délibération du conseil général prescrivant qu’en cas de dépassement d’une « moyenne économique » journalière de 6,00 euros il n’y avait lieu à remise et même à modération ; que le juge de plein contentieux de l’aide sociale a, comme il a été dit, nécessairement un entier contrôle sur l’application par l’administration d’une délibération qui d’ailleurs ne présente pas dans sa rédaction même un caractère impératif et irréfragable et peut être par exception écartée, compte tenu des circonstances qu’a invoquées la délibération lesquelles ne présentent pas au surplus pour le juge un caractère limitatif ; qu’en toute hypothèse, la délibération dont il s’agit n’est pas présentée comme une directive mais comme une règle impérative et que l’intimée est fondée, comme elle le fait, implicitement mais nécessairement à en contester la légalité en tant qu’elle interdirait en règle générale toute remise ou modération, dès lors que la « moyenne économique » dont s’agit excèderait 6,00 euros ; qu’il appartient au juge de l’aide sociale dans chaque cas d’espèce d’apprécier si, au regard, d’une part, des revenus et des charges de l’assisté ou de son ayant cause, d’autre part, des autres circonstances avérées par le dossier notamment des modalités d’apparition et de constatation de l’indu par l’administration, il y a lieu ou non d’accorder remise ou modération ; que cette appréciation s’effectue à la date à laquelle statue le juge de plein contentieux et qu’en l’espèce, à la date de la présente décision, M. X... étant décédé et l’indu répété étant réclamé, dès lors, à ses héritiers, même si aucune décision de récupération de l’article L. 132-8 1o n’est intervenue, il y a lieu de prendre en compte la situation de ceux-ci ;
    Considérant qu’il résulte des éléments fournis par Mme X..., en réponse au supplément d’instruction formulé par la commission centrale d’aide sociale le 28 novembre 2011, qu’elle-même est sans emploi et non imposable ; que ses deux enfants sont également sans emploi ; qu’il ne ressort pas du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que la situation des intéressés se soit modifiée à la date de la présente décision ; que si les indications fournies le sont en termes généraux, elles ne sont pas contestées par le président du conseil général du Nord et il ne ressort pas des éléments de calcul ayant servi à la détermination de la « moyenne économique » appliquée par l’administration que la situation des héritiers de M. X... ne justifie pas, à la date de la présente décision et dans les circonstances de l’espèce, de la remise des arrérages litigieux, alors d’ailleurs, au surplus, que l’administration s’est abstenue de prendre la décision de répétition dans le délai de deux mois prévu à l’article L. 232-14 alinéa 5, l’instruction de la demande et du dossier complet ayant été de l’ordre de huit mois ;
    Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, dès lors, d’accorder à Mme X... et, en tant que de besoin, à ses enfants venant aux droits de leur époux et père la remise gracieuse de la somme de 4 379,85 euros, correspondant aux arrérages d’allocation personnalisée d’autonomie versés à M. X... du 28 février au 31 octobre 2002,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Nord en date du 31 mars 2010 est annulée.
    Art. 2.  -  Il est accordé remise à Mme veuve X... de la somme de 4 379,85 euros correspondant aux arrérages de l’allocation personnalisée d’autonomie versés à M. X... pour la période du 28 février 2002 au 31 octobre 2002.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 mai 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme LE MEUR, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 31 mai 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général, par intérim,
de la commission centrale d’aide sociale,
G. Janvier