Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Placement familial - Ressources - Revenus des capitaux
 

Dossier no 120213

Mme X...
Séance du 12 mars 2013

Décision lue en séance publique le 12 avril 2013

    Vu le recours formé le 24 novembre 2011 par l’union départementale des associations familiales de la Charente, tuteur de Mme X..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 17 octobre 2011 confirmant la décision du président du conseil général de la Charente du 24 novembre 2010 qui rejette la demande de révision déposée par l’union départementale des associations familiales de la Charente pour le bénéfice de l’aide sociale pour l’allocation placement familial de Mme X... qui réside en famille d’accueil à titre onéreux depuis le 3 mars 2009 et a interrompu cette allocation à compter du 1er novembre 2010 au motif que l’état de besoin n’est pas prouvé ;
    La requérante soutient que le conseil général de la Charente a pris en compte le capital entier de Mme X... et non les revenus des capitaux ; que la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale du 11 janvier 1995 et du 16 novembre 2001 précise qu’il y a lieu de prendre en compte pour l’appréciation des ressources les revenus du capital placé et non le capital lui-même ; que les ressources de Mme X... n’ont pas évolué depuis la première décision du président du conseil général de la Charente du 24 novembre 2009 ; que la bénéficiaire perçoit une pension de retraite d’un montant de 705,18 euros, une allocation personnalisée d’autonomie de 788,36 euros, une allocation logement d’un montant de 153,58 euros et d’intérêts de ses capitaux de 54,60 euros ; que le coût mensuel de son hébergement en famille d’accueil est de 1 925,54 euros, ce qui signifie qu’il reste 223,82 euros à couvrir ; qu’elle demande l’application de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et de la jurisprudence constante et donc l’attribution de l’allocation placement familial à compter du 1er octobre 2010 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense présenté par le président du conseil général de la Charente qui conclut au maintien de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 17 octobre 2011 et de sa décision ; il soutient que Mme X... dispose de l’entière liberté de décider du sort de son patrimoine et de choisir de l’utiliser pour subvenir à ses besoins ; que le représentant légal devrait, comme le ferait « un bon père de famille », envisager la possibilité pour son protégé de financer seul ses charges, d’autant que le plus souvent le patrimoine a été constitué dans ce but ; que le juge aux affaires familiales adopte la même position dans une affaire où le demandeur possédait un capital de 48 000 euros ; que les textes n’interdisent pas d’utiliser le patrimoine pour financer les charges ; que l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles définit les modalités de calcul du besoin d’aide sans que rien n’interdisse expressément d’utiliser le capital ; qu’il ressort des principes de l’aide sociale que cette dernière est subsidiaire et qu’elle est un droit subjectif donc il faut que le demandeur fasse la preuve de son état de besoin et les instances d’admission disposent d’un pouvoir pour apprécier ce besoin et l’absence de moyens alternatifs d’y pourvoir ; qu’il convient, pour apprécier le besoin d’aide, de se référer à la jurisprudence du juge aux affaires familiales, seul compétent pour définir le besoin d’aide et que les articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l’action sociale et des familles font expressément référence à l’obligation alimentaire et prévoient la saisine du juge aux affaires familiales par la collectivité saisie d’une demande d’aide sociale à l’hébergement, donc le droit de l’aide sociale reconnaît la compétence du juge civil ;
    Vu, enregistré le 3 octobre 2012, le mémoire en réplique de l’UDAF de la Charente qui persiste dans ses conclusions suivant lesquelles le président du conseil général n’a pas à apprécier la légitimité du dépôt de l’aide sociale par le mandataire judiciaire, mais seulement si, au regard des ressources du demandeur d’aide sociale, l’aide peut être attribuée ; qu’il ne lui appartient pas de conseiller le mandataire judiciaire sur la gestion du patrimoine des personnes et encore moins de juger de la bonne ou mauvaise gestion du patrimoine par ce dernier ; l’état de besoin est constitué si le postulant à l’aide sociale n’a pas les revenus suffisants pour couvrir ses charges et s’il ne tire pas de son capital les revenus suffisants ; que l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles exclut par ses termes mêmes la prise en compte du capital ; que Mme X..., comme précisé dans son recours, ne dispose pas des revenus suffisants pour subvenir à ses charges d’hébergement ;
    Vu la loi du 20 juillet 2001 ;
    Vu le décret no 2001-1085 du 20 novembre 2001 ;
    Vu le décret du 17 décembre 1990 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 23 juillet 2012 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 12 mars 2013 Mme SOUCHARD, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement », qu’à cette fin, conformément à l’article L. 132-1 du même code, « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire » ; que l’article R. 132-1 du même code dispose que « les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte pour apprécier les ressources des personnes demandant l’aide sociale des seuls revenus périodiques, tirés notamment d’une activité professionnelle, du bénéfice d’allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; qu’à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’immeuble servant d’usage principal d’habitation, il a prévu d’évaluer fictivement les revenus que l’investissement de ces capitaux seraient susceptibles de procurer au demandeur ; qu’en tout état de cause il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l’estimation de ces ressources ; que les collectivités débitrices de l’aide sociale ne sont fondées à exercer, lorsque des textes spéciaux ne font pas obstacle à l’application des dispositions générales de l’article L. 132-8, qu’un recours sur le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, sur la succession, contre le donataire ou le légataire pour récupérer l’avance de l’aide sociale du vivant de l’assisté ;
    Considérant que Mme X... est hébergée en famille d’accueil à titre onéreux depuis le 3 mars 2009 ; que le conseil général de la Charente lui a attribué par décision du 24 novembre 2009 une allocation placement familial pour régler les frais liés à cet accueil du 3 mai 2009 au 30 avril 2014 ; que, lors de sa demande de révision, du fait de l’augmentation du salaire dû à la famille d’accueil, le président du conseil général de la Charente a, par décision du 24 novembre 2010, rejeté cette demande ; que la commission départementale d’aide sociale de la Charente saisie par l’UDAF a confirmé la décision du président du conseil général au motif que « l’aide sociale comme un droit subsidiaire, la prise en charge par la collectivité publique n’intervient qu’à défaut de ressources du bénéficiaire ou de droits de ce dernier à tout autre type de solidarité conformément à l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles » ; qu’un tel refus est contraire aux dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles tels qu’interprétés par la jurisprudence constante du Conseil d’Etat ; que si le président du conseil général soutient que les articles L. 132-1 et R. 132-1 « ne font pas obligation de solliciter l’aide » lorsqu’un patrimoine existe, ces articles n’interdisent en rien le dépôt d’une telle demande qui doit être examinée conformément aux dispositions précitées ;
    Considérant que si le président du conseil général fait valoir que « le juge aux affaires familiales a estimé que le principe de solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que, dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges », ce moyen est inopérant dans la présente instance ; que, d’ailleurs et pour faire reste de droit lorsqu’il s’agit pour les autorités judiciaires de fixer les obligations des débiteurs d’aliments, la prise en compte des ressources en capital du créancier d’aliments n’a en réalité lieu d’être que lorsque la gestion du patrimoine dudit créancier n’est pas effectuée dans des conditions telles qu’elles produisent les revenus qu’il est normalement susceptible de produire ; qu’ainsi la contradiction que croit pouvoir relever le président du conseil général de la Charente en se fondant sur la seule jurisprudence du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’Angoulême n’est en réalité, abstraction faite même de l’indépendance des législations relatives à l’aide sociale et aux devoirs d’aliments et de secours, pas avérée ;
    Considérant que Mme X... dispose de ressources à hauteur de 1 644,92 euros comprenant une pension de retraite CDC d’un montant de 631,39 euros, une allocation personnalisée d’autonomie de 775,47 euros, d’une allocation logement d’un montant de 159,20 euros et des revenus de capital de 78,86 euros par mois ; que le salaire de la famille d’accueil complété par les charges URSSAF s’avère supérieur atteignant 1 844,01 euros ;
    Considérant par ces motifs qu’il y a lieu d’annuler ensemble les décisions du président du conseil général du 24 novembre 2010 et de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 17 octobre 2011,

Décide

    Art. 1er.  -  Ensemble sont annulées les décisions des 24 novembre 2010 du président du conseil général de la Charente et 17 octobre 2011 de la commission départementale d’aide sociale de la Charente.
    Art. 2.  -  Mme X... est admise au bénéfice de l’aide sociale pour le versement de l’allocation placement familial pour son hébergement en famille d’accueil à compter du 1er novembre 2010 conformément aux motifs de la présente décision et l’UDAF de la Charente est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente pour liquidation de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 12 mars 2013 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme SOUCHARD, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 12 avril 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer