Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2220
 
  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours - Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Hébergement - Foyer
 

Dossier no 120893

Mme X...
Séance du 28 juin 2013

Décision lue en séance publique le 16 juillet 2013

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 23 octobre 2012, la requête présentée par le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale déterminer le domicile de secours de Mme X... pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en EHPAD par les moyens que Mme X... a été domiciliée dans les Pyrénées-Atlantiques ; qu’elle a emménagé dans un appartement de la résidence G... dans l’Essonne (91) le 2 mai 2008 après avoir résidé à la résidence B... dans l’Eure (27) du 1er décembre 1991 au 30 avril 2008 ; qu’elle a intégré l’EHPAD M... dans l’Essonne (91) le 25 novembre 2011 ; qu’à cette occasion, le centre communal d’action sociale de l’Essonne a constitué le dossier de demande d’aide sociale à l’hébergement puis l’a transmis pour instruction au département de l’Essonne le 17 janvier 2012 ; que par courrier du 3 février 2012 le département de l’Essonne a transféré au département des Pyrénées-Atlantiques le dossier au motif que Mme X... avait résidé dans les Pyrénées-Atlantiques sans le justifier par un document officiel ; que par courrier du 13 février 2012 le conseil général des Pyrénées-Atlantiques a renvoyé le dossier au conseil général de l’Essonne pour attribution à compter du 25 novembre 2011 en application de l’article L. 122-2 du code de l’action sociale et des familles ; que par courrier du 13 avril 2012 le département de l’Essonne retourne ce dossier au département des Pyrénées-Atlantiques et refuse la prise en charge financière au motif que la résidence G... s’avère être « un foyer logement, classé dans le type J en 4e catégorie habitation, non acquisitif de domicile de secours » ; qu’en réponse, le 18 avril 2012, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques sollicite du département de l’Essonne l’envoi de l’arrêté d’autorisation de cet établissement conformément aux articles L. 312-1 et L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles afin de s’assurer que la résidence G... relève bien de la réglementation relative aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ; que par courrier daté du 20 septembre 2012 le département de l’Essonne a indiqué qu’il n’était pas en mesure de fournir ce document ; que le département des Pyrénées-Atlantiques maintient son refus d’examen de la demande au motif que la résidence G... dans l’Essonne est bien, pour lui, acquisitive de domicile de secours ; que selon le département de l’Essonne la résidence G... dans l’Essonne est une structure qui accueille des personnes âgées à titre principal, donc un établissement social relevant de l’alinéa 6 de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et ne peut être acquisitive de domicile de secours ; que des renseignements recueillis par téléphone auprès de la résidence et sur internet, il apparaît que cette résidence n’est ni autorisée ni tarifiée par le conseil général, ni habilitée à l’aide sociale ; que les résidents s’acquittent d’un loyer et de la taxe d’habitation ; que toutes ces caractéristiques les amènent à conclure qu’il s’agit d’une structure acquisitive de domicile de secours ;
    Vu, enregistré le 22 février 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de l’Essonne tendant au rejet de la requête par les motifs que conformément à l’article L. 122-2 le domicile de secours s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires et sociaux ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l’aide sociale au domicile d’un particulier agréé ou faisant l’objet d’un placement familial ; que la résidence G... dans l’Essonne est un foyer-logement géré par le centre communal d’action sociale de l’Essonne qui a signé une convention de location avec les 3 F ; que le foyer logement n’est pas acquisitif de domicile de secours ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 juin 2013, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il ressort des éléments du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que la résidence G... dans l’Essonne (91) est un foyer logement recevant des personnes âgées géré par le centre communal d’action sociale de C... et ouvert « dans les années 1980 » ; qu’aucun élément du dossier ne fait apparaître que la création de cet établissement n’a pas été décidé par délibération de l’organe compétent de la collectivité publique compétente ; que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 les établissements gérés par une personne publique n’étaient pas soumis à autorisation ; que les dispositions transitoires de l’article 80 de la loi du 2 janvier 2002 ont permis le maintien en fonctionnement des établissements de la sorte gérés par une personne privée soumis à autorisation de fonctionnement pour une période maximale de 15 ans et que la présente formation de jugement a constamment jugé que le champ d’application de ces dispositions devait être étendu aux établissements publics créés par délibération de l’organe compétent de la personne morale gestionnaire - de même nature que les établissements gérés par des personnes privées - sauf à créer une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la disposition transitoire dont s’agit ; que les foyers logements pour personnes âgées sont des établissements mentionnés au 6o de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et ainsi constituent des établissements sociaux au sens des articles L. 122-2 et 3 du même code ;
    Considérant, il est vrai, que par décision no 348292 du 15 mai 2013, Paris contre Hauts-de-Seine, le Conseil d’Etat a annulé une décision du 30 juin 2010 de la présente juridiction au motif « qu’en jugeant qu’une structure fournissant un logement autonome à des personnes auprès desquelles elle intervient par le biais d’un service socio-éducatif doit être regardée comme un établissement à la seule condition qu’elle soit autorisée et que par suite la location par une personne d’un logement appartenant à l’association gestionnaire du SAVS qui la prend en charge doit être regardée comme un séjour dans un établissement (...) » la présente formation a commis une erreur de droit ; que dans ses conclusions sur cette affaire, le rapporteur public indique que « le degré d’autonomie de la personne logée ou hébergée (...) paraît constituer en l’état de (la) jurisprudence le principal critère distinctif entre le domicile, logement autonome occupé à titre privatif, et l’établissement d’hébergement qui est (selon) l’article L. 312-1 une structure de « prise en charge »(1)*. On est volontiers porté à qualifier de domicile le logement mis à la disposition de la personne par un bail d’habitation de droit commun (...) alors que l’admission dans un établissement d’hébergement entraîne l’obligation de signature d’un contrat de séjour prévu à l’article L. 311-4 dont la Cour de cassation a jugé qu’il était exclusif du régime des baux d’habitation 1er juillet 1998 (...) mais (...) vous ne vous arrêtez pas au régime juridique sous lequel le bailleur a entendu se placer et vous privilégiez une conception concrète et physique de l’autonomie (...) » comme en témoignerait la jurisprudence sur l’ouverture sans autorisation d’établissements qui la retient lorsque « les résidents eu égard à leur état et aux caractéristiques des locaux ne jouissaient peu ou prou d’aucune autonomie ». Dès lors, en affirmant « que le caractère autonome du logement occupé est indifférent à la qualification d’établissement d’hébergement » la présente formation a commis une erreur de droit ;
    Considérant qu’il apparaît toujours à la commission centrale d’aide sociale, jusqu’à confirmation et précision de sa jurisprudence par le Conseil d’Etat, qu’il n’y a pas lieu de considérer que des personnes plus ou moins autonomes ne résideraient pas dans des « établissements sociaux et (sic = ou) médico-sociaux » du seul fait que les personnes accueillies seraient des personnes autonomes ; qu’en effet l’action et l’aide sociales dans des établissements sociaux - et non médico-sociaux - peuvent concerner des personnes de la sorte pour lesquelles il a été néanmoins considéré qu’une intervention sociale certes allégée était souhaitable ; que la liste des établissements énoncés à l’article L. 312-1 comporte toujours les établissements « d’accueil » dénommés (10o ) foyers de jeunes travailleurs et 6o d’accueil des personnes âgées (y compris, sauf erreur, celles ressortant de foyers logement et non d’EHPAD) ; qu’il a été, ainsi, et demeure, considéré par le législateur que pour ces deux catégories de personnes au moins l’autonomie dont elles disposent ne justifiait pas de ne pas les accueillir dans des structures sociales et - évidemment - non médico-sociales ; que la jurisprudence relative à l’ouverture sans autorisation d’un établissement qui prend en compte les caractéristiques relatives au degré de la perte d’autonomie des résidents n’apparaît pas ainsi, au moins pour ces deux catégories d’établissements, la simple « parallèle négative » de la définition purement énumérative qui demeure donnée par le législateur de l’établissement « social », même si, à nouveau, il est évident que ce législateur gagnerait à « remettre sur le métier son ouvrage », alors toutefois, qu’à la différence des nombreuses carences d’adaptation de la loi souvent relevées par la présente juridiction, la présente situation législative n’empêche pas l’interprétation constamment donnée par la commission centrale d’aide sociale dans le prolongement de la jurisprudence antérieure (2) ; qu’en définitive et même si la rédaction de la décision du 10 juin 2012 de la présente formation ne l’affirmait pas clairement compte tenu de l’état habituel d’incomplétude des dossiers qui lui sont soumis, il lui apparaît toujours qu’il n’est pas possible, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat ait confirmé et précisé sa jurisprudence, de considérer qu’une structure autorisée au titre d’établissement et comportant de manière différenciée mais indissoluble, d’une part la fourniture par un service, au sens matériel, mais non spécifiquement et isolément autorisé comme SAVS, de prestations d’accompagnement et la location (et davantage encore la sous location) par l’association gestionnaire et non par un tiers d’un logement partie de l’ensemble intégré constitutif du foyer, ne constitue pas, fut ce lorsque le résident s’acquitte d’un loyer pour le logement, une structure globale matériellement assimilable à un établissement et autorisée comme tel ; qu’en définitive, substantiellement, il y a lieu de continuer, en l’état, à considérer qu’un établissement, quelles qu’en soient les modalités d’organisation, autorisé comme tel et non comme un service distinct des locaux d’hébergement ou d’accueil, demeure un établissement ;
    (1)  Il convient de noter que l’article L. 312-1 se borne, sauf erreur, à disposer « sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services dotés ou non d’une personnalité morale propre énumérés ci-après (...) 6o les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance (...) ». 7o « les établissements et services comportant hébergement,  » ( ?) « qui accueillent des personnes adultes handicapées quel que soit leur degré de handicap (...) » la suite de ce 7o ne paraît pas exiger que la « lourdeur » du handicap et partant l’intensité des prestations dispensées soient particulièrement importantes.
    (2)  La décision département du Tarn du 23 mai 2001, citée par le rapporteur public, ne paraît pas transposable à la situation ayant donné lieu à l’annulation rapportée, non plus du reste et en toute hypothèse à la situation de la présente espèce puisqu’il s’agissait d’une personne handicapée admise en centre d’aide par le travail (CAT) et en foyer et quittant le foyer pour occuper un logement sous-loué par l’association gestionnaire, logement évidemment distinct du CAT qui ne conserve depuis 1985 au moins plus que le travail d’où il suit qu’au regard de la catégorisation comme établissement il n’y avait à prendre en compte que le CAT ce qui n’est pas le cas de la situation de l’espèce Département des Hauts-de-Seine.
    Considérant, à la vérité, que l’ensemble des développements qui précède n’était sans doute pas nécessaire pour apprécier la transposition à la présente espèce de la solution adoptée par le Conseil d’Etat ; que pose par contre, depuis l’intervention de celle-ci, problème le fait que Mme X... s’acquitte dans le foyer logement d’un loyer et d’ailleurs acquitte elle-même la taxe d’habitation, alors même qu’elle n’occupe pas « un appartement indépendant » mais un appartement partie de l’ensemble du foyer logement pour personnes âgées ; que par contre il est très vraisemblable, voire acquis, que le bail souscrit par Mme X... « ne comporte aucune clause permettant d’assimiler la prise en charge (...) à une admission dans un établissement sanitaire ou social » ; que, toutefois, cette circonstance continue à paraître non déterminante en l’espèce ; qu’outre qu’il faudrait faire produire le bail, ce dont on se dispensera, il apparaît en effet que les logements foyer sont des établissements « sociaux qui accueillent des personnes âgées » mentionnés au 6o de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et qui dispensent des prestations « sociales » (et non médico-sociales...) de spécificité et d’intensité souvent modestes certes telles (festivités périodiques du type arbre de Noël voire animations sociales, qui disposent de locaux communs pouvant être aménagés, des locaux de services) ; que ces structures ont survécu en qualité d’établissements sociaux à la création des EHPAD, substitués aux maisons de retraite, qui comportaient déjà des interventions d’une plus grande intensité et déjà, parfois du moins, « médico-sociale » ; que ces foyers connaissent d’ailleurs à l’heure actuelle un certain regain de considération après avoir été critiqués du point de vue « social » et après qu’il ait été envisagé comme d’ailleurs pour les foyers de jeunes travailleurs de ne plus les qualifier d’établissements sociaux aux termes de l’article L. 312-1 ; que s’il est vraisemblable que les résidents d’un logement foyer géré par un centre communal d’action sociale ne signe pas de contrat de séjour (ce point reste à préciser) la présente juridiction n’appliquera pas néanmoins, en l’état de la jurisprudence du Conseil d’Etat, la jurisprudence de la Cour de cassation citée par le rapporteur public selon laquelle « l’admission en établissement d’hébergement entraîne l’obligation du contrat de séjour » ; qu’ainsi, la commission centrale d’aide sociale encore, en l’espèce, considérera qu’un logement foyer entrant dans le champ du 6o du 1 de l’article L. 312-1 continue à constituer un établissement social, notion qui demeure à distinguer de celle d’établissement médico-social dès lors qu’il est autorisé conformément à la loi, peu important l’intensité qualitative et quantitative plus ou moins réduites des prestations « sociales » et a fortiori puisqu’il s’agit de personnes valides « médico-sociales » qui y sont dispensées, comme les clauses du bail pouvant lier l’hébergé à l’organisme gestionnaire ; qu’en conséquence, et compte tenu de ce qui a été jugé ci-dessus en ce qui concerne l’assimilation de la situation des établissements publics à celle des établissements privés, la fréquentation de la résidence G... dans l’Essonne par Mme X... n’a pas été de nature à lui faire acquérir un domicile de secours dans le département de l’Essonne ; que la solution contraire qu’il est loisible au Conseil d’Etat certes de retenir entrainerait, selon la présente juridiction, le juge à modifier de sa propre initiative la liste des établissements sociaux distincts des établissements médico-sociaux (nonobstant l’usage inapproprié du terme « établissements sociaux et médico-sociaux » au lieu de ou) mentionnés à l’article L. 312-1 ce qui selon elle n’appartient pas au juge mais au législateur auquel il revient sur ce point comme sur d’autres de fixer les normes applicables à l’acquisition et à la perte du domicile de secours, voire de s’interroger sur la pertinence du maintien de cette notion comme critère d’imputation financière des dépenses d’aide sociale dans les conditions de la vie contemporaines ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la requête du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques,

Décide

    Art. 1er.  -  Pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien à l’EHPAD de l’Essonne (91), le domicile de secours de Mme X... est fixé dans le département des Pyrénées-Atlantiques.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 juin 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 16 juillet 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet