Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Donation - Assurance vie
 

Dossier no 110688

Mme X...
Séance du 15 mai 2013

Décision lue en séance publique le 5 juin 2013

    Vu le recours, enregistré le 30 mai 2011, présenté par Mme Y... et M. Z... contre la décision par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes, lors de sa séance du 26 novembre 2010, a rejeté leur recours contre la décision du 26 février 2010 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a requalifié en donation le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X..., tante des requérants, et prononcé la récupération à l’encontre des deux donataires du montant de 3 436,00 euros perçu à la suite de la liquidation du contrat, soit 1 718,00 euros pour Mme Y... et 1 718,00 euros pour M. Z... ;
    Les requérants soutiennent que le contrat d’assurance-vie ne peut être requalifié en donation, dès lors que les primes versées ne sont pas manifestement excessives au regard des facultés financières de leur tante défunte, et que leur tante n’a pas souscrit ce contrat pour éluder ou pour atténuer des charges fiscales qu’elle aurait dû payer en l’absence de souscription du contrat ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2012, présenté par le président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui conclut au rejet du recours ; il soutient, à titre principal, que le recours est tardif, la décision de la commission départementale d’aide sociale ayant été notifiée le 3 février 2011 aux requérants, et le recours de ces derniers devant la commission centrale d’aide sociale ayant été enregistré le 30 mai 2011, soit après expiration du délai de recours de deux mois ; que le recours de M. Z... n’est pas recevable, Mme Y... n’ayant pas mandat pour agir au nom de son frère ; il soutient, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ; qu’au regard à la fois de l’âge de Mme X... lors de la souscription du contrat d’assurance-vie et du montant des sommes versées sur ce contrat, la requalification de ce contrat en donation est fondée ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 avril 2012, présenté par Mme Y... et M. Z..., qui reprennent les conclusions de leur recours et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que leur recours n’est pas tardif, la décision litigieuse ne leur ayant pas été notifiée le 3 février 2011 mais le 4 avril 2011, comme l’indique le tampon figurant sur la lettre de notification ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 15 mai 2013 M. David GAUDILLERE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur les fins de non-recevoir opposées par le président du conseil général des Alpes-Maritimes :
    Considérant, d’une part, que, contrairement à ce que soutient le président du conseil général des Alpes-Maritimes, la décision litigieuse n’a pas été notifiée aux requérants notifiée le 3 février 2011 mais le 4 avril 2011, comme l’atteste le tampon figurant sur la lettre de notification ; que, par suite, le recours des requérants devant la commission centrale d’aide sociale, enregistré le 30 mai 2011, soit dans le délai de recours de deux mois, n’est pas tardif ;
    Considérant, d’autre part, que M. Z... a donné mandat pour agir à sa sœur Mme Y..., comme l’établissent les pièces du dossier ; que la fin de non-recevoir tirée de ce que le recours de M. Z... n’est pas recevable doit être écartée ;
    Sur le fond du litige :
    Considérant, d’une part, qu’aux termes du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132-11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (...) » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de l’aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X..., née le 2 juillet 1913, a bénéficié de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en maison de retraite du 30 août 2005 au 30 mars 2009, date de son décès ; que les sommes avancées à ce titre par le département des Alpes-Maritimes se sont élevées à 43 416,96 euros ; que, par une décision du 26 février 2010, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a requalifié en donation le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X... et prononcé la récupération à l’encontre des deux donataires du montant de 3 436,00 euros perçu à la suite de la liquidation du contrat, soit 1 718,00 euros pour Mme Y... et 1 718,00 euros pour M. Z..., respectivement nièce et neveu de Mme X... ; que ces derniers ont formé un recours contre cette décision devant la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ; que, par une décision prise lors de sa séance du 26 novembre 2010, la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a rejeté le recours ;
    Considérant que Mme X... a souscrit le 10 février 1998, à l’âge de 84 ans, un contrat d’assurance-vie, sur lequel un montant de primes de 54 503,05 euros a été initialement versé ; qu’elle a désigné comme bénéficiaires en cas de décès sa nièce et son neveu, Mme Y... et M. Z... ; qu’après le décès de Mme X..., ces derniers ont perçu l’intégralité du capital qui demeurait sur ce contrat, soit 1 718 euros chacun ;
    Considérant, d’une part, que si Mme X... a souscrit le contrat d’assurance-vie en cause à un âge élevé, les requérants soutiennent, sans être contredits sur ce point par le département des Alpes-Maritimes, que les éléments médicaux ne permettaient pas de considérer que le décès de Mme X... interviendrait à bref délai à compter de la souscription du contrat ; qu’il est constant qu’elle a été admise au bénéfice de l’aide sociale sept ans après la souscription du contrat et que son décès est intervenu onze ans après cette souscription ;
    Considérant, d’autre part, que, comme le font valoir les requérants, Mme X... bénéficiait d’une faculté de rachat ; qu’elle a usé de cette faculté de rachat partiel afin de contribuer au financement de son placement en maison de retraite à compter de l’année 2002 ; que le capital présent sur le contrat d’assurance-vie est passé de 54 503,05 euros en 1998 à 3 436,00 euros en 2009, date du décès de l’intéressée et de liquidation du contrat ;
    Considérant qu’au regard de ces éléments, l’intention libérale de Mme X... vis-à-vis de sa nièce et de son neveu ne peut être regardée comme établie ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... et M. Z... sont fondés à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a, par la décision attaquée, rejeté leur recours contre la décision du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 26 février 2010, requalifiant en donation le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X... et prononçant la récupération à l’encontre des deux donataires du montant de 3 436,00 euros perçu à la suite de la liquidation du contrat ; que, par suite, ces deux décisions doivent être annulées,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 26 novembre 2010, rejetant le recours de Mme Y... et de M. Z..., est annulée.
    Art. 2.  -  La décision du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 26 février 2010, requalifiant en donation le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X... et prononçant la récupération à l’encontre des deux donataires du montant de 3 436,00 euros perçu à la suite de la liquidation du contrat, est annulée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 mai 2013 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, M. GAUDILLERE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 5 juin 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet