Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Recours sur donation - Assurance vie - Tuteur
 

Dossier no 101179

Mme X...
Séance du 14 mai 2013
Décision lue en séance publique le 21 mai 2013
     Vu 1o, le recours en date du 6 septembre 2010, présenté par Monsieur le président du conseil général de l’Hérault, tendant à l’annulation de la décision du 18 juin 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a annulé la décision du 27 juillet 2009 par laquelle le président du conseil général de l’Hérault a prononcé la récupération d’une somme de 15 306,90 euros à l’encontre de Mmes F... et B..., en tant que donataires de Mme X..., bénéficiaire de l’aide sociale du 16 avril 1998 au 16 février 2005 ;
    Le requérant soutient que le contrat d’assurance-vie souscrit par le tuteur de Mme X... au profit de ses filles Mmes F... et B... n’est pas un produit d’épargne classique en matière de gestion patrimoniale pour autrui mais un contrat soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances ; que la souscription de contrats d’assurance-vie est proscrite pour les personnes bénéficiant de l’aide sociale ; que la requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte est fondée, eu égard à l’âge très avancé de Mme X... à la date de la souscription du contrat et à l’importance de la prime versée, qui caractérisent une intention libérale ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, présenté par Maître Jean-Charles TEISSEDRE pour le compte de Mmes F... et B... le 29 novembre 2012, qui conclut au rejet du recours ; il soutient que le recours du président du conseil général de l’Hérault est tardif, la décision de la commission départementale d’aide sociale attaquée ayant été notifiée le jour même ; que l’intention libérale de Mme X... n’est pas caractérisée, dès lors que le contrat d’assurance-vie a été souscrit par la tutrice de Mme X..., après autorisation du juge des tutelles, que le rapport entre la prime d’assurance-vie et l’actif net successoral n’est pas disproportionné et que la souscription de ce contrat répond à une nécessité ; que les ressources de Mmes F... et B... ne leur permettent pas de restituer la somme réclamée par le président du conseil général dans sa décision du 27 juillet 2009 ;
    Vu 2o, le recours en date du 18 mars 2010, présenté par Maître Jean-Charles TEISSEDRE pour le compte de Mmes F... et B..., qui tend au maintien de la décision du 18 juin 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a annulé la décision du 27 juillet 2009 par laquelle le président du conseil général de l’Hérault a prononcé la récupération d’une somme de 15 306,90 euros à l’encontre de Mmes F... et B..., en tant que donataires de Mme X..., bénéficiaire de l’aide sociale du 16 avril 1998 au 16 février 2005 ;
    Le requérant soutient que l’intention libérale de Mme X... n’est pas caractérisée, dès lors que le contrat d’assurance-vie a été souscrit par la tutrice de Mme X..., après autorisation du juge des tutelles et que le rapport entre la prime d’assurance-vie et l’actif net successoral n’est pas disproportionné ; que les ressources de Mmes F... et B... ne leur permettent pas de restituer la somme réclamée par le président du conseil général dans sa décision du 27 juillet 2009 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 14 mai 2013 Mme Sophie ROUSSEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
        Sur le recours présenté pour Mmes F... et B... :
    Considérant que le dispositif de la décision du 18 juin 2010 attaquée, par lequel la commission départementale d’aide sociale a annulé la décision du président du conseil général du 27 juillet 2009, fait droit à l’intégralité des conclusions présentées par Mmes F... et B... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ; que, par suite, ces dernières ne sont pas recevables à relever appel de cette décision ; que leur recours ne peut qu’être rejeté ;
        Sur le recours présenté par le président du conseil général de l’Hérault :
    Considérant, en premier lieu, que Mmes F... et B... font valoir que le recours présenté par le président du conseil général de l’Hérault a été présenté après l’expiration du délai de recours d’une durée deux mois à compter de la notification de la décision prévu à l’article R. 134-10 du code de l’action sociale et des familles et rappelé dans la décision attaquée ; que, toutefois, le document produit au soutien de leur fin de non recevoir ne permet pas d’établir la date de la notification de la décision attaquée au président du conseil général de l’Hérault ; que la fin de non-recevoir opposée par Mmes F... et B... ne peut par suite qu’être rejetée ;
    Considérant, en deuxième lieu, que, d’une part, en vertu des dispositions du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b)  contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale (...) » ; que, d’autre part, aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte. » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans leur version applicable au présent litige, dans lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ; que, toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit qu’a l’administration de l’aide sociale de rétablir, s’il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de l’aide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, d’une question préjudicielle ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation après que le bénéficiaire a donné son acceptation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ; que l’intention libérale est établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’ importance des primes versées par rapport à son patrimoine, doit être regardé, en réalité, comme s’étant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire à raison du droit de créance détenu sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X..., décédée le 16 février 2005, a bénéficié du 16 avril 1998 au 16 février 2005 de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en maison de retraite pour un montant total de 15 306,90 euros ; que, par un jugement du juge des tutelles du tribunal d’instance de l’Hérault du 24 juin 1998, Mme X... a été mise sous tutelle et Mme G... a été désignée en qualité de gérant de tutelle ; que, par une ordonnance du 23 juillet 2003, le juge des tutelles du même tribunal a autorisé Mme G..., gérante de tutelle de Mme X..., à accepter purement et simplement la succession de M. Y... et à vendre à l’amiable l’ensemble immobilier moyennant le prix de 48 783 euros ; que, par une ordonnance du 2 février 2004, le juge des tutelles du même tribunal a notamment autorisé Mme G..., gérante de tutelle de Mme X..., à souscrire un contrat d’assurance-vie Sogécappour un montant de 20 000 euros au taux de 4,50 %, que, compte tenu de l’âge de Mme X..., âgée de 96 ans à la date de souscription du contrat et bénéficiaire de l’aide sociale depuis près de six ans ainsi que de l’importance des primes versées au regard de son patrimoine, la souscription de ce contrat doit être regardée comme procédant d’une intention libérale, sans que fasse obstacle à cette requalification la circonstance que Mme X... fît l’objet à la date de souscription du contrat d’une mesure de tutelle ; que si le juge des tutelles a autorisé le placement des fonds, le gérant de tutelle conservait un pouvoir d’appréciation propre ; qu’ainsi, la décision du président du conseil général du 27 avril 2009 prononçant la récupération de l’intégralité de la créance d’aide sociale de Mme X... à l’encontre de Mmes F... et B... en tant que donataire de Mme X... doit être rétablie ;
    Considérant que si Mmes F... et B... soutiennent que leurs ressources ne leur permettent pas de s’acquitter de la somme due, elles n’assortissent pas ce moyen de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que si elles rencontrent des difficultés à s’acquitter immédiatement de la créance à leur charge, il leur appartient de solliciter du payeur départemental un échéancier de paiement ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le président du conseil général de l’Hérault est fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale a annulé sa décision du 27 avril 2009,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours de Mmes F... et B... est rejeté.
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du 18 juin 2010 est annulée.
    Art. 3.  -  La décision du président du conseil général du 27 avril 2009 est rétablie.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 14 mai 2013 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme ROUSSEL, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 21 mai 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général, par intérim,
de la commission centrale d’aide sociale,
G. Janvier