Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Recours sur donation - Recevabilité - Conditions - Délais
 

Dossier no 120825

M. X...
Séance du 18 septembre 2013

Décision lue en séance publique le 30 septembre 2013

    Vu le recours formé le 30 juillet 2012 par Me MOSSER, avocate de Mme Y..., obligée alimentaire de M. et Mme X..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin du 24 mai 2012 confirmant la décision du président du conseil général du Bas-Rhin du 21 juin 2011 qui décide de la récupération partielle sur la donation reçue par Mme Y... des avances consenties au couple X... au titre de l’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées pour la période du 1er juin 2008 au 17 mars 2010 pour M. X... et pour la période du 1er juin 2008 au 31 août 2010 pour Mme X... ;
    La requérante soutient que par application de l’article L. 132-8 du CASF l’administration est autorisée à exercer un recours à l’encontre du donataire qui aurait bénéficié d’une donation de la part des bénéficiaires de l’aide sociale ; que la jurisprudence d’application de cette disposition légale exige cependant que les juridictions amenées à se prononcer sur le bien-fondé de l’action en récupération tiennent compte des circonstances de fait pour apprécier le bien-fondé et l’opportunité de l’action en récupération ; que ce principe a été expressément rappelé par la décision attaquée sans pour autant être concrètement mis en œuvre ; que Mme Y... a bénéficié de la part de ses parents le 20 janvier 2004 d’une donation d’une valeur de 120 000 euros ; que la sœur de cette dernière a aussi reçu une donation assortie de conditions à l’avantage des donateurs, les époux ; que ces conditions n’ont jamais été respectées ; que cette dernière s’est livrée à des violences sur Mme X... ; qu’en cas de maintien de la décision, elle demande que Mme Y... puisse se libérer de son obligation par versements échelonnés ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Bas-Rhin qui conclut au maintien de la décision ; il soutient qu’en vertu de l’article L. 132-8 du CASF, des recours en récupération peuvent être exercés, notamment sur les donations des bénéficiaires de l’aide sociale lorsqu’elles sont intervenues postérieurement à l’admission à l’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé la demande ; que ces récupérations s’opèrent dans la limite des avances consenties et de la valeur de la donation ; que Mme Z..., sœur de la requérante, a bénéficié d’une donation en 1981, donc l’article L. 132-8 du CASF ne peut s’appliquer ; qu’aussi tous les autres moyens soulevés en ce qui concerne l’obligation d’entretien des parents indirectement liés à la donation daté du 17 juillet 1981 sont inopérants ; qu’il appartient à Mme Y... de saisir la juridiction compétente afin de faire valoir ses droits ; que Mme Y... a bénéficié d’une donation d’un montant de 120 000 euros en date du 20 janvier 2004 ; que le département est fondé à procéder à la récupération des avances consenties dans la limite de la valeur de la donation ; que sur la demande de règlement échelonné, il appartient à la requérante de solliciter un échéancier de remboursement directement auprès de Madame le payeur départemental du Bas-Rhin seule compétente ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Vu l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale d’aide sociale depuis le 1er octobre 2011 en application de l’article 1635 bis Q du code général des impôts ;
    Vu la lettre en date du 12 novembre 2012 invitant les parties à faire connaître au greffe de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 18 septembre 2013, Maître MOSSER et Mme SOUCHARD, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o  Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o  Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o  Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ;
    Considérant que s’agissant d’un recours exercé sur la donation d’un bénéficiaire de l’aide sociale, les deux conditions de l’existence de la donation et de l’admission du bénéficiaire à l’aide sociale sont réunies ; qu’une donation, effectuée par les bénéficiaires de l’aide sociale postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande, peut être récupérée par le département ; qu’il s’agit d’un droit dont dispose le département ou l’Etat ; que lorsque le département a connaissance d’une telle donation, il est de son droit d’en demander la récupération à hauteur des sommes effectivement versées au titre de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement à la date de la décision ;
    Considérant que la donation reçue par Mme Y... de 120 000 euros date du 20 janvier 2004 ; que la demande d’aide sociale a été faite en 2009 ; que la donation a eu lieu dans le délai de dix ans postérieurement à la demande d’aide sociale ;
    Considérant que M. X... a bénéficié de l’aide sociale pour la période du 1er juin 2008 au 17 mars 2010 et Mme X... du 1er juin 2008 au 31 août 2010 ; que les sommes avancées par le département au 21 juin 2011, date de la décision du président du conseil général du Bas-Rhin, sont de 42 214,67 euros ;
    Considérant qu’il appartient à la commission d’admission à l’aide sociale, sous contrôle du juge de l’aide sociale, de modérer le montant de la récupération vu l’état d’impécuniosité, la situation sociale ou la santé de l’intéressé ;
    Considérant que l’avocate de Mme Y... avance dans ses conclusions que la donation de 120 000 euros a permis à la requérante d’acquérir son domicile ; que le montant de la récupération ne représente qu’un tiers de la donation ; qu’aucune preuve réelle de l’impécuniosité de Mme Y... n’a été avancée ;
    Considérant que l’avocate invoque la donation reçue par Mme Z..., obligée alimentaire de M. et Mme X..., en date du 17 juillet 1981 ; que cette donation était assortie de conditions ; que la requérante précise que ces conditions n’ont jamais été respectées et que, de plus, Mme Z..., se livrait à des violences sur Mme X... ;
    Considérant que la donation perçue par Mme Z... a eu lieu hors du délai prévu par l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que la donation ne peut donner lieu à récupération par le président du conseil général du Bas-Rhin ; que la commission n’est pas en capacité de statuer sur le non-respect des obligations de Mme Z... ;
    Considérant que Mme Y... dispose de ressources mensuelles à hauteur de 1 500 euros ; qu’elle rembourse un emprunt de 522 euros par mois et a des charges courantes ; que son capital se monte à 55 000 euros ; qu’elle a acheté son habitation principale avec l’aide de la donation ;
    Considérant que compte tenu de la situation de fait et de l’accentuation de l’état de précarité que risquerait Mme Y..., il y a lieu de réduire la somme due à 17 000 euros ;
    Considérant que la requérante demande la possibilité de se libérer de son obligation par versements échelonnés ; qu’il lui appartient d’en faire la demande au payeur départemental qui pourra seul statuer sur cette demande,

Décide

    Art. 1er.  -  Sont annulées les décisions de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin du 24 mai 2012 et la décision du président du conseil général du Bas-Rhin du 21 juin 2011 ;
    Art. 2.  -  Le recours sur la donation perçue par Mme Y... ne porte que sur la somme de 17 000 euros et non sur la dette due dans son intégralité et Mme Y... est renvoyée devant le président du conseil général des Bouches-du-Rhône pour liquidation de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 18 septembre 2013 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme SOUCHARD, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 30 septembre 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet