Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3200
 
  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Compétence juridictionnelle - Réfugié
 

Dossier no 120373 bis

M. X...
Séance du 8 novembre 2013

Décision lue en séance publique le 26 novembre 2013

    Vu la requête enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 19 mars 2012, présentée pour M. X... par Maître Jean-Baudouin KAKELA SHIBABA, demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o  D’annuler la décision du 10 mai 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Rhône a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite par laquelle le président du conseil général du Rhône a rejeté sa demande du 17 mai 2010 tendant à ce qu’il puisse bénéficier rétroactivement du droit au revenu minimum d’insertion, à compter de la date de son entrée en France, d’autre part à ce que lui soit accordé le bénéfice rétroactif du droit au revenu minimum d’insertion, à compter de la date de son entrée en France, le 16 mai 2005 ;
    2o  D’annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général du Rhône a rejeté sa demande du 17 mai 2010 tendant à ce qu’il puisse bénéficier rétroactivement du droit au revenu minimum d’insertion, à compter de la date de son entrée en France et de lui accorder le bénéfice rétroactif du droit au revenu minimum d’insertion, à compter de la date de son entrée en France ;
    3o  D’enjoindre au président du conseil général du Rhône d’exécuter la décision à venir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
    4o  De mettre à la charge du président du conseil général du Rhône la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme demandée en première instance, à verser à Maître Jean-Baudouin KAKELA SHIBABA, à condition que celui-ci renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle et de condamner aux dépens le président du conseil général ;
    M. X... soutient que la décision lui refusant le bénéfice rétroactif du droit au revenu minimum d’insertion à la date de son entrée en France n’est pas motivée et a été prise par une autorité incompétente ; qu’il avait soulevé ces deux moyens devant la commission départementale d’aide sociale qui a omis d’y répondre ; que cette dernière, suivant ainsi l’argumentation du président du conseil général, s’est fondé sur les dispositions de l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles alors que ces dispositions ne le concernent pas ; que la différence de situation entre les réfugiés et les ressortissants nationaux impose de ne pas leur appliquer de la même façon l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles sous peine de méconnaître l’article 1er de la Constitution, qui consacre l’égalité devant la loi ; que le conseil général ne l’a pas informé de ses droits en méconnaissance de l’article 5 de la directive no 2003/9 du 27 janvier 2003 ; qu’on ne saurait lui opposer une prescription, sous peine de méconnaître l’article 3 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 ; que le statut de réfugié est recognitif ; que l’article 24 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés stipule que les réfugiés doivent bénéficier des mêmes droits que les travailleurs français ; que la loi nationale viole l’article 55 de la Constitution, qui consacre la supériorité des traités et accords régulièrement ratifiés sur les lois internes ; que durant la période pour laquelle il demande à bénéficier du droit au revenu minimum d’insertion, il remplissait toutes les conditions de ressources et de régularité du séjour pour que lui soient ouverts les droits à cette allocation ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces dont il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil général du Rhône, qui n’a pas produit de mémoire ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que M. X... s’est vu accorder l’aide juridictionnelle par décision du bureau d’aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Lyon en date du 16 septembre 2011 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la décision du 13 novembre 2012 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a, d’une part, refusé de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X... en tant qu’elle porte sur l’article R. 262-39 du code de l’action sociale et des familles et sur l’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale, d’autre part, renvoyé au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X... en tant qu’elle porte sur l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure au 1er juin 2009 ;
    Vu la décision nos 363928, 363929, 363930, 363931 du 13 février 2013 par laquelle le Conseil d’Etat a statué sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X... en tant qu’elle porte sur l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure au 1er juin 2009 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 8 novembre 2013, M. LABRUNE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... est entré sur le territoire français le 15 août 2005 ; qu’il s’est vu reconnaître la qualité de réfugié le 22 septembre 2005 ; qu’il a déposé une demande de revenu minimum d’insertion le 2 novembre 2005 ; qu’il a bénéficié du droit au revenu minimum d’insertion à compter du 1er novembre 2005 ; qu’il a demandé à bénéficier rétroactivement du droit au revenu minimum d’insertion à compter de son entrée en France ; que le président du conseil général du Rhône a rejeté implicitement cette demande ; que M. X... a contesté cette décision devant la commission départementale d’aide sociale du Rhône qui a rejeté sa demande par une décision du 10 mai 2011, dont M. X... relève appel ;
    Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 13 novembre 2012, la commission centrale d’aide sociale a refusé de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X... en tant qu’elle porte sur l’article R. 262-39 du code de l’action sociale et des familles et sur l’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale ; en deuxième lieu que, par la décision nos 363928, 363929, 363930, 363931 du 13 février 2013, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X... en tant qu’elle porte sur l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure au 1er juin 2009 ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que les articles L. 262-7 et R. 262-39 du code de l’action sociale et des familles, dans leur rédaction antérieure au 1er juin 2009, et L. 553-1 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
    Considérant que, si M. X... soutient dans sa requête que les dispositions de la loi nationale qui lui sont applicables, notamment l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, violent l’article 1er de la Constitution, qui garantit le principe d’égalité devant la loi, ainsi que l’article 55 de la Constitution, qui consacre la supériorité des traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés sur les lois, ces moyens ne sont pas de nature à être utilement soulevés devant le juge administratif hors du cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité ;
    Considérant que lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne à l’allocation de revenu minimum d’insertion, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette prestation d’aide sociale qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé sur lesquels l’administration s’est prononcée, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction ; qu’au vu de ces éléments il appartient au juge administratif d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de l’intéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, s’il ne peut y procéder, de renvoyer l’intéressé devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement ; qu’il en résulte, qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale de se prononcer directement sur les droits de M. X... à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que sont à cet égard sans incidence la circonstance que la décision attaquée du président du conseil général aurait été prise par une autorité incompétente ou qu’elle serait insuffisamment motivée ; que, dès lors que les moyens tirés de l’incompétence et du défaut de motivation de la décision attaquée du président du conseil général du Rhône étaient inopérants, la commission départementale d’aide sociale n’était pas tenue d’y répondre ;
    Considérant que si M. X... soutient que le conseil général du Rhône ne l’a pas informé de ses droits, en méconnaissance de l’article 5 de la directive no 2003/9 du 27 janvier 2003, il n’articule, au soutien de ses allégations, aucun commencement de preuve ; que le moyen doit par suite être écarté ;
    Considérant que si M. X... soutient que la commission départementale d’aide sociale du Rhône, comme le président du conseil général, lui a fait application, alors qu’il se situe hors de leur champ, des dispositions de l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles, il se réfère, en soulevant ce moyen, aux dispositions de l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles dans leur rédaction postérieure au 1er juin 2009, lesquelles ne sont pas applicables au litige, et non pas aux dispositions de l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles dans leur rédaction antérieure au 1er juin 2009, lesquelles sont bien applicables au litige ; que le moyen est, par suite, inopérant ;
    Considérant que si M. X... soutient qu’on ne saurait lui opposer une prescription, sous peine de méconnaître l’article 3 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968, ce moyen est inopérant dès lors qu’aucune prescription d’aucune sorte ne lui est opposée ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans (...) et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-7 de ce même code : « Si les conditions mentionnées à l’article L. 262-1 sont remplies, le droit à l’allocation est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande » ; qu’aux termes de l’article R. 262-39 de ce même code : « L’allocation est due à compter du premier jour du mois civil au cours duquel la demande (...) a été déposée auprès de l’organisme mentionné à l’article L. 262-14 (...) » ;
    Considérant que le statut de réfugié qui a été accordé le 22 septembre 2005 à M. X... et dont il bénéficie rétroactivement depuis le 15 août 2005 lui donne droit au bénéfice de l’aide sociale dans les mêmes conditions que les ressortissants français, conformément aux stipulations conventionnelles relatives aux réfugiés, mais ne permet pas de déroger aux dispositions qui régissent l’allocation de revenu minimum d’insertion ; qu’il résulte des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles que le droit au bénéfice du revenu minimum d’insertion, qui n’est pas une prestation familiale et n’est pas régi par le code de la sécurité sociale, est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande de revenu minimum d’insertion ; que M. X... ne peut donc bénéficier du droit au revenu minimum d’insertion antérieurement au 1er novembre 2005, puisqu’il n’a déposé une demande de revenu minimum d’insertion que le 2 novembre 2005 ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale du Rhône a rejeté sa demande ; que sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction, ses conclusions à fin d’astreinte, ses conclusions relatives aux dépens et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. X... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 8 novembre 2013 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 26 novembre 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet