Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Ressources - Déclaration - Recours - Procédure - Régularité - Précarité
 

Dossier no 120544

M. X...
Séance du 30 janvier 2014

Décision lue en séance publique le 20 février 2014

    Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 30 mai 2012, présentée par M. X... qui demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o  D’annuler la décision du 21 mars 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de La Réunion a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 1er juillet 2009 par laquelle le président du conseil général de La Réunion a rejeté sa demande de remise de dette relative à un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 14 477,28 euros correspondant à la période du 1er octobre 2006 au 30 avril 2008, d’autre part, à ce que lui soit accordée la décharge ou la remise de cette dette d’allocations de revenu minimum d’insertion ;
    2o  D’annuler la décision du 1er juillet 2009 par laquelle le président du conseil général de La Réunion a rejeté sa demande de remise de dette relative à un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 14 477,28 euros correspondant à la période du 1er octobre 2006 au 30 avril 2008, et de lui accorder la décharge ou la remise de cette dette d’allocations de revenu minimum d’insertion ;
    M. X... soutient qu’il n’a pas pu assister à l’audience de la commission départementale d’aide sociale, devant laquelle il avait été convoqué avec un délai de quinze jours, parce que son véhicule avait été gravement accidenté dans les heures précédant l’audience, qu’il est, de ce fait arrivé en retard et n’a pus’expliquer que très rapidement, à la porte de la salle d’audience ; que son changement de régime fiscal n’est lié qu’au démarrage de l’activité de la SARL S..., le 10 octobre 2006, et n’a rien à voir avec les revenus qu’il percevait comme vendeur à domicile indépendant ; qu’il a effectivement omis de déclarer son changement de régime fiscal à la caisse d’allocations familiales dès le mois d’octobre 2006, mais l’a fait le 16 février 2007, à l’occasion d’un appel de la caisse ; qu’il a cessé ses activités de vendeur à domicile indépendant en 2007 et n’a perçu ses premiers revenus provenant de la SARL S... qu’en 2009 ; qu’il a toujours répondu aux sollicitations des services administratifs et a toujours souhaité s’acquitter correctement de ses obligations déclaratives ; que la caisse d’allocations familiales porte une part de responsabilité dans les difficultés de gestion de son dossier et dans le fait qu’il a continué à percevoir le revenu minimum d’insertion après son changement de régime fiscal ; que son foyer, composé de son épouse, de lui-même et de deux enfants à charge est dans une situation financière difficile, avec des revenus annuels de l’ordre de 2 500 euros, comme en atteste ses avis d’imposition, et un loyer mensuel de plus de 1 100 euros ; que la caisse d’allocations familiales fait une confusion entre le changement de régime fiscal lié au démarrage de l’activité de la SARL S... et les revenus provenant de son activité de vendeur à domicile indépendant ;
    Vu le nouveau mémoire, enregistré le 22 janvier 2013, présenté par M. X..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre qu’il n’a pas les moyens financiers de se rendre à Paris pour assister à l’audience de la commission centrale d’aide sociale ; que son avis d’imposition 2012 indique des revenus annuels un peu inférieurs à 3 900 euros ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil général de La Réunion, qui n’a pas produit de mémoire en défense ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que M. X... s’est acquitté de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts depuis le 1er octobre 2011 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 janvier 2014, M. LABRUNE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt cinq ans (...) et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-41 du même code : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X..., bénéficiaire du revenu minimum d’insertion depuis novembre 2000, s’est vu notifier un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 14 477,28 euros, correspondant à la période du 1er octobre 2006 au 30 avril 2008, au motif qu’il était, depuis le 10 octobre 2006, gérant de la SARL S..., qu’il était, à ce titre, soumis à un régime d’imposition réel, et qu’il ne remplissait donc plus les conditions posées par l’article R. 262-15 du code de l’action sociale et des familles pour pouvoir prétendre au revenu minimum d’insertion ; qu’il a sollicité une remise de cet indu d’allocations de revenu minimum d’insertion auprès du président du conseil général de La Réunion qui, par une décision du 1er juillet 2009, a rejeté sa demande ; qu’il a contesté cette décision et demandé que lui soit accordée la décharge ou la remise de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion devant la commission départementale d’aide sociale de La Réunion qui, par la décision du 21 mars 2012 dont M. X... relève appel, a rejeté son recours ;
        Sur la régularité de la procédure suivie devant la commission départementale d’aide sociale :
    Considérant que M. X... soutient qu’il n’a pas pu assister à l’audience de la commission départementale d’aide sociale parce que son véhicule avait été gravement accidenté dans les heures précédant l’audience, qu’il est, de ce fait, arrivé en retard et n’a pu s’expliquer que très rapidement, à la porte de la salle d’audience ; qu’il est toutefois constant que M. X... avait été régulièrement convoqué à l’audience quinze jours avant celle-ci et que l’audience s’est régulièrement tenue aux jour et heure prévus dans la convocation ; que la circonstance qu’un requérant éprouve des difficultés personnelles à se rendre à l’audience n’est pas de nature à entacher d’un vice la procédure suivie devant une juridiction administrative ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
        Sur le bien-fondé de l’indu :
    Considérant qu’aux termes de l’article R. 262-15 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes relevant de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux peuvent prétendre à l’allocation de revenu minimum d’insertion lorsqu’au cours de l’année de la demande et depuis l’année correspondant au dernier bénéfice connu elles n’ont employé aucun salarié et ont été soumises aux régimes d’imposition prévus aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts et qu’en outre le dernier chiffre d’affaires annuel connu actualisé, le cas échéant, n’excède pas, selon la nature de l’activité exercée, les montants fixés auxdits articles (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-16 de ce même code : « Lorsque les conditions fixées aux articles R. 262-14 et R. 262-15 ne sont pas satisfaites, le président du conseil général peut, à titre dérogatoire et pour tenir compte de situations exceptionnelles, décider que les droits de l’intéressé à l’allocation de revenu minimum d’insertion seront examinés » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté, que, du 10 octobre 2006 au 30 avril 2008, M. X..., alors gérant non salarié de la SARL S..., relevait de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et était soumis à un régime réel d’imposition ; qu’il n’était donc pas soumis aux régimes d’imposition prévus aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts et, par suite, ne remplissait pas les conditions prévues par l’article R. 262-15 précité pour pouvoir prétendre à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; qu’en outre il ne résulte pas de l’instruction qu’il se trouvait dans une situation exceptionnelle justifiant que ses droits à l’allocation de revenu minimum d’insertion soient examinés à titre dérogatoire ; que, par suite, il ne pouvait se voir ouvrir les droits au revenu minimum d’insertion sur la période litigieuse ; qu’il suit de là que l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion mis à sa charge est bien fondé ; que la bonne foi de M. X..., la circonstance qu’il n’ait perçu ses premiers revenus provenant de la SARL S... qu’en 2009, et la circonstance que l’organisme payeur ait continué à lui verser le revenu minimum d’insertion après qu’il lui avait déclaré, le 16 février 2007, son changement de régime fiscal, sont sans incidence sur le bien-fondé de cet indu ;
        Sur la remise de dette au regard de la précarité de la situation du débiteur :
    Considérant qu’en vertu du premier alinéa de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, tout paiement indu de l’allocation de revenu minimum d’insertion doit normalement donner lieu à récupération ; que, si le dernier alinéa de cet article permet au président du conseil général, en cas de précarité de la situation du débiteur, de réduire la créance du département ou d’en accorder la remise, il résulte des dispositions ajoutées à cet alinéa par la loi no 2006-339 du 23 mars 2006, entrées en vigueur le 25 mars suivant, que cette faculté de réduction ou de remise est toutefois exclue en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de l’intéressé ; qu’en décidant ainsi de priver les allocataires se livrant à des manœuvres frauduleuses ou à de fausses déclarations de toute possibilité de réduction ou de remise, le législateur a entendu sanctionner ces agissements et empêcher leur réitération ; que ces dispositions ne sont par suite applicables qu’aux seuls faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;
    Considérant que la notion de fausse déclaration au sens de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, notion au demeurant applicable aux seuls faits commis postérieurement au 25 mars 2006, doit s’entendre comme visant les inexactitudes ou omissions délibérément commises par l’allocataire dans l’exercice de son obligation déclarative ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté, que si M. X... a oublié de déclarer son changement de régime fiscal dès le 10 octobre 2006, il en a avisé la caisse d’allocations familiales dès le 16 février 2007 ; qu’il a, durant la période litigieuse, correctement déclaré ses ressources dans ses déclarations trimestrielles de ressources ; qu’eu égard, notamment, à ces circonstances, il ne saurait être soutenu que M. X... aurait commis une manœuvre frauduleuse ou une fausse déclaration ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas sérieusement contesté, que M. X..., dispose de ressources annuelles imposables de l’ordre de 3 900 euros ; que son loyer mensuel est de plus de 1 100 euros ; que son épouse et lui-même ont deux enfants à charge ; que, par suite, le remboursement par M. X... de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion pourrait porter une atteinte irréversible à l’équilibre financier précaire de son foyer au regard des ressources dont il dispose et des dépenses auxquelles il doit faire face ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation de cette situation en lui accordant une remise de 80 % de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du 1er juillet 2009 du président du conseil général de La Réunion, qui refusait à M. X... toute remise de dette, doit être annulée ; que M. X... est fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de La Réunion a, par sa décision attaquée du 21 mars 2012, rejeté sa demande ;
    Considérant au surplus que si M. X... rencontre des difficultés à s’acquitter immédiatement de la créance restant à sa charge, il lui appartiendra de solliciter du payeur départemental un échéancier de paiement,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 1er juillet 2009 du président du conseil général de La Réunion, ensemble la décision du 21 mars 2012 de la commission départementale d’aide sociale de La Réunion, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il est accordé à M. X... une remise de 80 % de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à M. X..., au conseil général de La Réunion, au préfet de La Réunion. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 janvier 2014 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 février 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet