Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Recours - Forclusion - Précarité
 

Dossier no 130108

M. X...
Séance du 30 janvier 2014

Décision lue en séance publique le 20 février 2014

    Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 18 janvier 2013, présentée pour M. X... par Maître Leila M’HATELI qui demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision du 13 décembre 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 15 novembre 2010 par laquelle le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours gracieux dirigé contre l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 3 600,10 euros qui a été mis à sa charge, d’autre part, à ce que lui soit accordé la décharge ou la remise de cet indu ;
    2o D’annuler la décision du 15 novembre 2010 par laquelle le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours gracieux dirigé contre l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 3 600,10 euros qui a été mis à sa charge et de lui accorder la décharge ou la remise de cet indu ;
    3o De mettre à la charge du conseil général des Bouches-du-Rhône la somme de 1 000 euros à verser à Maître Leila M’HATELI, avocat de M. X..., au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
    M. X... soutient que son recours devant la commission départementale d’aide sociale n’était pas forclos, contrairement à ce qu’elle a jugé, dès lors que sa demande d’aide juridictionnelle et sa saisine d’une juridiction incompétente, du fait des indications erronées figurant sur la notification de la décision qu’il attaquait, ont conservé le délai de recours ; que sa situation de précarité ne lui permet pas de faire face à sa dette, dès lors qu’il a pour seul ressource le revenu de solidarité active et qu’il a deux enfants à charge à qui il doit verser une pension alimentaire de 120 euros par mois, sans compter ses deux filles d’un premier mariage, orphelines de mère et habitant en Algérie, qu’il essaie d’aider tant qu’il peut ; que l’indu mis à sa charge provient d’un dysfonctionnement des services chargés de l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil général des Bouches-du-Rhône, qui n’a pas produit de mémoire en défense ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que M. X... a obtenu l’aide juridictionnelle du fait d’une décision du 28 décembre 2012 du président de la cour administrative d’appel de Paris ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 janvier 2014 M. LABRUNE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans (...) et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-41 du même code : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 262-42 du même code : « Le recours mentionné à l’article L. 262-41 et l’appel contre cette décision devant la commission centrale d’aide sociale ont un caractère suspensif. Ont également un caractère suspensif : le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance, la contestation de la décision prise sur cette demande devant la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... s’est vu notifier un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 3 600,10 euros ; qu’il a formé un recours gracieux contre cet indu devant le président du conseil général des Bouches-du-Rhône qui, par une décision du 15 novembre 2010, a rejeté son recours ; qu’il a alors contesté cette décision, et son indu, devant la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône qui, par la décision du 13 décembre 2011 dont M. X... relève appel, a rejeté son recours ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône du 15 novembre 2010 a été notifiée à M. X..., avec mention des voies et délais de recours, le 19 novembre 2010 ; que M. X... a demandé l’aide juridictionnelle au bureau d’aide juridictionnelle de Marseille le 20 décembre 2010 en vue de contester la décision du 15 novembre 2010 du président du conseil général des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif des Bouches-du-Rhône, conformément aux indications portées sur la notification de cette décision ; que cette demande a eu pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux de deux mois qui courait ; que le bureau d’aide juridictionnelle des Bouches-du-Rhône a accordé à M. X... une aide juridictionnelle partielle, par une décision du 17 janvier 2011, pour engager son action devant le tribunal administratif des Bouches-du-Rhône ; que M. X... a alors introduit sa requête au tribunal administratif des Bouches-du-Rhône le 11 février 2011, soit dans le délai de recours contentieux qui avait recommencé à courir ; que le tribunal administratif des Bouches-du-Rhône s’est estimé incompétent pour connaître de la requête de M. X... et a transmis le dossier, par ordonnance du 14 février 2011, à la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône ; que cette circonstance ne saurait entacher de tardiveté la requête de M. X... ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que la Commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône s’est fondée, pour la rejeter, sur la tardiveté de la requête de M. X... ;
    Considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant la commission départementale et devant la commission centrale ;
        Sur le bien-fondé de l’indu :
    Considérant que M. X... soutient qu’il n’est pas coupable du fait qu’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion lui ait été versé et que cet indu provient d’un dysfonctionnement des services chargés de l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que sa bonne foi est toutefois sans incidence sur le bien-fondé de l’indu qui lui est réclamé ;
        Sur la possibilité d’une remise gracieuse eu égard à la situation de précarité :
    Considérant qu’en vertu du premier alinéa de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, tout paiement indu de l’allocation de revenu minimum d’insertion doit normalement donner lieu à récupération ; que, si le dernier alinéa de cet article permet au président du conseil général, en cas de précarité de la situation du débiteur, de réduire la créance du département ou d’en accorder la remise, il résulte des dispositions ajoutées à cet alinéa par la loi no 2006-339 du 23 mars 2006, entrées en vigueur le 25 mars suivant, que cette faculté de réduction ou de remise est toutefois exclue en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de l’intéressé ; qu’en décidant ainsi de priver les allocataires se livrant à des manœuvres frauduleuses ou à de fausses déclarations de toute possibilité de réduction ou de remise, le législateur a entendu sanctionner ces agissements et empêcher leur réitération ; que ces dispositions ne sont par suite applicables qu’ aux seuls faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;
    Considérant que la notion de fausse déclaration au sens de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, notion au demeurant applicable aux seuls faits commis postérieurement au 25 mars 2006, doit s’entendre comme visant les inexactitudes ou omissions délibérément commises par l’allocataire dans l’exercice de son obligation déclarative ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté en défense, que M. X... n’a pas volontairement manqué à ses obligations déclaratives au titre du revenu minimum d’insertion ; que, par suite, les erreurs et omissions commises par M. X... doivent être regardées comme non délibérées et dépourvues de toute intention de fraude, qu’elles soient survenues avant ou après le 25 mars 2006 ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté, que M. X... a pour seul ressource le revenu de solidarité active, a deux enfants à charge à qui il doit verser une pension alimentaire de 120 euros par mois, et tente d’aider tant qu’il peut ses deux filles d’un premier mariage, orphelines de mère et habitant à l’étranger ; que, par suite, le remboursement par M. X... de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion pourrait porter une atteinte irréversible à l’équilibre financier précaire de son foyer ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation de cette situation en lui accordant une remise de 90 % de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du 15 novembre 2010 du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, qui refusait à M. X... toute remise de dette, doit être annulée ; que ce dernier est fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a, par sa décision attaquée du 13 décembre 2011, rejeté sa demande ; que cette décision de la commission départementale d’aide sociale doit donc être annulée ;
    Considérant au surplus que si M. X... rencontre des difficultés à s’acquitter immédiatement de la créance restant à sa charge, il lui appartiendra de solliciter du payeur départemental un échéancier de paiement ;
    Considérant que M. X... a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Maître Leila M’HATELI, avocat de M. X..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge du conseil général des Bouches-du-Rhône le versement à Maître Leila M’HATELI de la somme de 1 000 euros,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 13 décembre 2011 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, ensemble la décision du 15 novembre 2010 du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il est accordé à M. X... une remise de 90 % de sa dette d’allocations de revenu minimum d’insertion.
    Art. 3.  -  Le conseil général des Bouches-du-Rhône versera à Maître Leila M’HATELI une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Maître Leila M’HATELI renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à M. X..., à Maître Leila M’HATELI, au conseil général des Bouches-du-Rhône, au préfet des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 janvier 2014 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 février 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet