Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours (DOS) - Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Recours - Décision - Motivation - Erreur
 

Conseil d’Etat statuant au contentieux
Dossier no 355835

M. D... et M. B...

Lecture du 17 juin 2014

    Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 27 février 2012 au secrétariat du contentieux du conseil d’Etat, présentés pour le département de l’Orne, représenté par le président du conseil général ; le département requérant demande au Conseil d’Etat :
    1o D’annuler la décision no 110176-110177 du 19 juillet 2011 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a, à la demande du département de la Sarthe, décidé que, pour la prise en charge des frais entraînés pour l’aide sociale par l’accueil de M. D... et de M. B... dans la structure dénommée La Croix d’Or située au Mans, le domicile de secours des deux intéressés demeurait fixé dans le département de l’Orne ;
    2o Réglant l’affaire au fond, de fixer dans la Sarthe le domicile de secours des deux intéressés ;
    3o De mettre à la charge du département de la Sarthe la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de justice administrative,
    Après avoir entendu en audience publique :
            -  le rapport de Mme Julia Beurton, auditeur ;
            -  les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
    La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Vincent, Ohl, avocat du département de l’Orne, et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du département de la Sarthe ;
    1.  Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 122-1 du code de l’action sociale et des familles : « Les dépenses d’aide sociale prévues à l’article L. 121-1 sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 122-2 de ce code : « Nonobstant les dispositions des articles 102 à 111 du code civil, le domicile de secours s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux (...), qui conservent le domicile de secours qu’elles avaient acquis avant leur entrée dans l’établissement (...). Le séjour dans ces établissements (...) est sans effet sur le domicile de secours » ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 122-3 du même code, le domicile de secours se perd soit par une absence ininterrompue de trois mois, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social, soit par l’acquisition d’un autre domicile de secours ;
    2.  Considérant que, pour l’application de ces dispositions, seuls l’admission et le séjour dans un établissement sanitaire ou social relevant de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et autorisé sur le fondement de l’article L. 313-1 du même code, dans lequel l’intéressé est hébergé effectivement, sont sans effet sur le domicile de secours antérieurement acquis par le bénéficiaire de l’aide sociale ;
    3.  Considérant que, pour se prononcer sur le domicile de secours de M. A... D... et de M. C... B..., admis dans le service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés La Croix d’Or que l’association départementale des infirmes moteurs cérébraux de la Sarthe a été autorisée à créer au Mans par un arrêté du 3 août 2004, la commission centrale d’aide sociale a relevé que l’aide sociale légale prenait en charge, en vertu de l’habilitation du service à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale, des dépenses étrangères à la mission de soins et d’accompagnement assignée à un tel service par le code de l’action sociale et des familles, telles que le financement d’un poste de veilleur de nuit et de divers mobiliers et matériels « normalement afférents au fonctionnement d’un établissement en internat » ; qu’elle en a déduit, alors même que M. D... et M. B... n’étaient pas hébergés par le service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés mais résidaient dans une résidence gérée par le foyer Manceau, qu’il y avait lieu, pour l’application des articles L. 122-2 et L. 122-3 du code de l’action sociale et des familles, de regarder ce service comme un établissement et que, dès lors, l’admission de M. D... et de M. B... était sans incidence sur leur domicile de secours, qui demeurait fixé dans le département de l’Orne, où ils demeuraient auparavant ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ;
    4.  Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, le département de l’Orne est fondé à demander l’annulation de la décision qu’il attaque ;
    5.  Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
    6.  Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, M. D... et M. B... ont été admis dans le service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés La Croix d’Or, géré par l’association départementale des infirmes moteurs cérébraux de la Sarthe en vertu d’une autorisation donnée, pour un tel service, par un arrêté du préfet et du président du conseil général de la Sarthe du 3 août 2004 ; que si cet arrêté désigne également le service par le terme d’ « établissement », il n’a pas eu pour objet d’autoriser le service créé à héberger les personnes qu’il prend en charge ; qu’ainsi, l’admission de M. D... et de M. B... dans ce service n’était pas de nature à faire obstacle à l’acquisition de leur domicile de secours dans le département de la Sarthe ; qu’il résulte de l’instruction que les deux intéressés résidaient dans la résidence La Croix d’Or, gérée par le foyer Manceau, dont il n’est pas allégué qu’elle aurait le caractère d’établissement sanitaire ou social autorisé ; qu’aux dates respectivement du 1er janvier 2009 et du 1er juillet 2010, début des périodes pour lesquelles l’admission à l’aide sociale a été demandée, M. D... et M. B... comptaient plus de trois mois de résidence habituelle dans le département de la Sarthe et y avaient ainsi acquis leur domicile de secours ; que, par suite, et sans préjudice de l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 122-4 du code de l’action sociale et des familles relatives à la charge des frais engagés en cas de notification tardive de la décision d’admission à l’aide sociale au département compétent, le département de l’Orne est fondé à demander que les domiciles de secours de M. D... et de M. B... soient fixés dans le département de la Sarthe ;
    7. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du département de l’Orne, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département de la Sarthe le versement de la somme de 3 000 euros au département de l’Orne sur le fondement des mêmes dispositions,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission centrale d’aide sociale du 19 juillet 2011 est annulée.
    Art. 2.  -  Les domiciles de secours de M. B... et de M. D... sont fixés dans le département de la Sarthe.
    Art. 3.  -  Le département de la Sarthe versera la somme de 3 000 euros au département de l’Orne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Art. 4.  -  Les conclusions du département de la Sarthe présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
    Art. 5.  -  La présente décision sera notifiée au département de l’Orne et au département de la Sarthe.