Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2220
 
  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours - Hébergement - Frais - Caractères - Effets
 

Dossier no 130229

Mme X...
Séance du 28 mars 2014, à 9  h  15

Décision lue en séance publique le 28 mars 2014, à 13 heures

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 11 février 2013, la requête présentée par le président du conseil général de la Dordogne tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale fixer le domicile de secours de Mme X... dans le département de la Seine-et-Marne pour la prise en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile (APA) qui lui est servie au titre de l’aide sociale par les moyens que Mme X... a résidé en Dordogne, jusqu’au 12 mars 2006, date à laquelle elle est devenue locataire d’un logement dans la résidence R... dans la Seine-et-Marne ; qu’en l’espèce, elle a acquis un domicile de secours dans le département de la Seine-et-Marne trois mois après ; que la résidence R... correspond à un hébergement, type HLM, composé d’un ensemble d’appartements individuels, autonomes et privatifs assujettis à loyers et charges ; que cette résidence n’est pas habilitée à l’aide sociale ; qu’il n’y a donc pas de prix de journée ; qu’elle ne propose aucune prestation susceptible de pallier l’état de « dépendance » des occupants ; que les résidents ne bénéficient d’aucune assistance médicale ou de prestations dans les actes quotidiens de la vie ; qu’elle ne peut, par conséquent, être considérée comme un établissement social pour personnes âgées, non acquisitif de domicile de secours ; que si le département de la Seine-et-Marne a régularisé la situation d’autorisation d’ouverture par arrêté du 14 août 2012 de la résidence R..., qui fonctionne depuis le 24 septembre 1976, cet arrêté n’a pas d’effet rétroactif sur le statut de ladite résidence qui conserve pour la période antérieure la qualité d’être acquisitive de domicile de secours ; qu’il incombe au département de la Seine-et-Marne de prendre en charge les frais d’APA de Mme X... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 12 septembre 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de la Seine-et-Marne tendant au rejet de la requête par les motifs que, conformément à l’article L. 122-2 du code de l’action sociale et des familles, Mme X... n’a pu acquérir de domicile de secours à la résidence R..., s’agissant d’un établissement sanitaire et social ; que plusieurs documents produits à l’appui du mémoire social établissent le statut d’établissement du foyer résidence « résidence R... » ; qu’il apparaît que Mme X... était propriétaire d’une maison à usage d’habitation en Dordogne où elle résidait avant son entrée à la résidence R... et qu’elle y avait acquis son domicile de secours qu’elle a conservé dans ledit département ; qu’en conséquence il incombe au département de la Dordogne de prendre à sa charge les dépenses d’APA de l’assistée ;
    Vu, enregistré le 21 octobre 2013, le mémoire en réplique du président du conseil général de la Dordogne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que l’arrêté municipal de la commune n’est guère probant ; que l’établissement n’est pas autorisé au titre de l’article L. 313-1 du code l’action sociale et des familles ; que, comme l’atteste le gestionnaire lui-même, Mme X... s’acquitte d’un loyer dans un établissement ne fournissant pas de prestations autres que l’hébergement ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 mars 2014, Mme GUILLARD, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté par le président du conseil général de la Dordogne que Mme X... a acquis un domicile de secours, conformément aux articles L. 122-2 et L. 122-3 du code de l’action sociale et des familles, dans le département de la Dordogne jusqu’au 12 mars 2006 ; que la seule question est de savoir si elle l’a perdu par une résidence habituelle et continue de plus de trois mois postérieurement à cette date à la résidence R... dans la Seine-et-Marne (77) ;
    Considérant que depuis l’entrée en vigueur de l’article 62 modifié de la loi du 2 janvier 2002, codifié à l’article L. 315-2, les structures publiques sont crées par délibération de l’organe compétent de la personne morale gestionnaire et soumises, sauf exception non applicable en l’espèce, à la procédure d’autorisation, dorénavant par « appel d’offres » ; que ces dispositions n’ont toutefois pas de portée rétroactive et, ainsi, n’a pas davantage, en tout état de cause, une telle portée l’arrêté du président du conseil général de la Seine-et-Marne du 14 août 2012 antérieur à la demande d’allocation personnalisée d’autonomie de Mme X... et fixant à 60 places la capacité du logement-foyer « résidence R... » sur demande du maire de Seine-et-Marne du 30 juillet 2012 ; que Mme X... a été admise à la « résidence R... » le 12 mars 2006 et que, si elle y a acquis un domicile de secours en y résidant plus de trois mois avant l’intervention de l’arrêté du 14 août 2012 et sa demande d’APA postérieure à cet arrêté, l’autorisation, sans recours à la procédure d’appel d’offres du 14 août 2012, est en toute hypothèse sans incidence sur la situation du présent litige, dès lors que Mme X... aurait acquis entre mars 2006 et août 2012 un domicile de secours du fait de son séjour en Seine-et-Marne, domicile qu’elle n’aurait pu perdre, en toute hypothèse, ultérieurement à l’autorisation du 14 août 2012 ; qu’en l’espèce, la question est alors de savoir si, compte tenu de sa date de création, du régime juridique applicable alors, et de son évolution jusqu’à l’intervention des dispositions législatives non rétroactives suscitées, le logement-foyer de Seine-et-Marne doit être, dans la présente instance, regardé comme un établissement « social » au sens des dispositions alors successivement applicables du 5o de l’article 3 de la loi no 75-535 du 30 juin 1975, puis du 6o du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, issu de l’article 15 de la loi du 2 janvier 2002 et, ainsi, comme un établissement « sanitaire ou social » pour l’application des articles L. 122-2 et L. 122-3 ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier, dont l’incomplétude habituelle est telle que la question pour le juge est celle de savoir à qui la faire supporter, compte tenu de la charge de la preuve et de son administration, que la « résidence R... » a fait l’objet d’une délibération du conseil municipal de Seine-et-Marne du 24 septembre 1976 qui « approuve la convention d’hébergement et le règlement intérieur de l’établissement (...) » fixe « le montant de la redevance d’hébergement et les prix des repas servis par l’établissement » ; qu’on doit inférer des termes d’une telle délibération que le conseil municipal avait délibéré sur la création de l’établissement antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 3 de la loi no 75-535 du 30 juin 1975, après la publication du décret du 25 août 1976 ; qu’à la date d’une telle délibération, les établissements publics comme privés n’étaient pas soumis à autorisation de création mais à déclaration de police spéciale de la protection des personnes reçues ; que, s’agissant des structures publiques, aucune disposition n’a alors prévu de régime transitoire ; que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002, modifiée par celle du 27 mars 2012, aucune autorisation n’était requise en ce qui concerne les structures publiques ; que, néanmoins, la présente juridiction a considéré (cf. en dernier lieu no 130228 - préfet de l’Ariège du 6 mars 2014) et confirme dans la présente instance que l’intention du législateur n’a pu être, au regard de la conception qu’il se faisait alors des incidences du principe de libre administration des collectivités territoriales et de celui de non-exercice de la tutelle par une collectivité sur une autre sur laquelle il est revenu postérieurement à la loi du 2 janvier 2002, de ne pas considérer comme « des établissement sociaux » (ou éventuellement médico-sociaux) les structures publiques gérées par une collectivité territoriale ou un établissement public ; qu’il suit de ce qui précède que, bien que créé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 1975, le logement-foyer de Seine-et-Marne était, postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, de la nature de ceux mentionnés au 7o de son article 3 puis au 6o de l’article L. 312-1 du code l’action sociale et des familles, issu de l’article 15 de la loi du 2 janvier 2002 ; que, dans ces conditions, par l’effet des dispositions transitoires de l’article 80 de ladite loi du 2 janvier 2002, le logement-foyer de Seine-et-Marne pouvait continuer à fonctionner durant quinze ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi et doit être regardé, dans la présente instance, nonobstant son caractère de structure publique et les conséquences qui s’en sont déduites en ce qui concerne l’autorisation jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002, comme « un établissement sanitaire ou social » au sens et pour l’application des articles L. 122-2 et L. 122-3 du code de l’action sociale et des familles et qu’ainsi, dès à compter de son admission le 14 mars 2006, Mme X... ne pouvait y acquérir un domicile de secours en Seine-et-Marne et perdre le domicile de secours antérieurement acquis dans la Dordogne ;
    Sur les moyens du président du conseil général de la Dordogne ;
    Considérant que dans sa requête (« sur le statut de l’établissement », les développements sur « le domicile de secours » se référant à une situation non contestée), le président du conseil général de la Dordogne soutient que « la résidence R... correspond à un hébergement, type HLM, composé d’un ensemble d’appartements individuels, autonomes et privatifs assujettis à loyers et charges » ; qu’en toute hypothèse, la circonstance que dans un établissement « sanitaire ou social » le résident s’acquitte d’un loyer demeure sans incidence sur la nature « sanitaire ou sociale » d’un établissement, mais qu’en outre, en l’espèce, il résulte, comme il a été relevé ci-dessus, de la délibération du 24 septembre 1976 du conseil municipal de Seine-et-Marne que Mme X... s’y acquitte d’une « redevance d’hébergement », ce que parait confirmer la notice actuellement diffusée de présentation de la résidence précisant « Tarifs. Les tarifs d’hébergement et de repas sont révisés chaque année par arrêté municipal » ;
    Considérant que le président du conseil général de la Dordogne soutient, en outre, que la résidence n’est pas habilitée à l’aide sociale et ne dispose pas d’un prix de journée ; que le caractère d’établissement « social » procède, non de l’habilitation à l’aide sociale, mais de l’autorisation de la structure (comme en tout cas le juge depuis quinze ans la présente juridiction... !) et que, dès lors que celle-ci juge, par ailleurs, que la situation des structures publiques de l’espèce créées antérieurement à la loi du 2 janvier 2002 doit être assimilée à celle des établissements privés autorisés, sauf à subvertir profondément l’équilibre de réseau d’établissements, notamment pour personnes âgées, la circonstance de l’absence d’habilitation à l’aide sociale est sans incidence ;
    Considérant que le président du conseil général de la Dordogne soutient encore que la résidence « ne propose aucune prestation susceptible de pallier l’état de dépendance des occupants » et que « les résidents ne bénéficient d’aucune assistance médicale ou de prestations dans les actes quotidiens de la vie » ; qu’il en déduit qu’elle ne peut être considérée, au sens de l’article L. 312-1 6o du code de l’action sociale et des familles, comme un établissement social pour personnes âgées ; qu’il confond ainsi établissements « sociaux » et « médico-sociaux » ; que la création des EHPAD pour personnes âgées dépendantes n’a pas conduit le législateur à supprimer la mention au 6o de l’article L. 312-1 des « établissements (...) qui accueillent des personnes âgées », ce qui est bien le cas des logements-foyers, comme des EHPAD ;
    Considérant que le président du conseil général de la Dordogne soutient encore que « si le département de Seine-et-Marne a régularisé la situation d’autorisation d’ouverture par arrêté en date du 14 août 2012, ce denier n’a pas d’effet rétroactif sur le statut de ladite résidence » ; que, si cette affirmation est exacte, il résulte de ce qui précède qu’elle est inopérante dans la jurisprudence de la présente formation de jugement qui a, pour les motifs ci-dessus rappelés, constamment assimilé les structures publiques créées par délibération de l’organe compétent de la personne morale gestionnaire avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 1975 aux structures privées autorisées sous l’empire de cette loi et créées avant ou après l’entrée en vigueur de celle-ci, les deux catégories de structure bénéficiant ainsi, en l’état, des dispositions transitoires de l’article 80 de la loi du 2 janvier 2002 ;
    Considérant que le requérant soutient encore en réplique que, non seulement l’établissement ne fournit pas de prestations « dépendances », mais encore qu’il ne fournirait pas de prestations autres que l’hébergement ; que, toutefois, il résulte des pièces versées au dossier, notamment la notice de présentation de l’établissement, que celui-ci « propose régulièrement des animations », qu’il « propose également des déjeuners et des goûters », ainsi qu’ « un système de surveillance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 » ; qu’en réalité, comme tous les logements-foyers pour personnes encore valides (du moins à l’admission...), il propose des prestations « sociales », certes a minima corrélativement à l’état d’autonomie (du moins en principe... !) des résidents, mais que ces prestations ne sont pas d’une vacuité telle qu’elles ne puissent comporter, outre l’hébergement, dispense d’une prise en charge qui, pour légère qu’elle puisse être, est une prise en charge « sociale » continuant à conférer aux logements-foyers pour personnes âgées la nature d’établissements « qui accueillent des personnes âgées » (dans un établissement et non à domicile, situation pour laquelle dorénavant est requise, mais pas pour les services, « une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations, des soins, ou une aide à l’insertion sociale », si du moins le 6o de l’article L. 312-1 est de rédaction compréhensible... !) ; qu’en définitive, il résulte de l’instruction, qu’au regard de son statut, de son organisation, de son mode de financement (par redevance au vu du dossier), ainsi que des prestations collectives, fussent elles minimales, assurées à l’ensemble des résidents de la résidence R... en Seine-et-Marne, celle-ci demeure bien un logement-foyer et donc un établissement « social » et qu’ainsi la seconde branche de l’argumentation du président du conseil général de la Dordogne tirée en réalité de ce que dorénavant les logements-foyers ne seraient plus des établissements « sociaux », doit, comme la première ci-dessus analysée tirée de ce que la structure - publique - n’a jamais fait l’objet d’une autorisation, être écartée ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et quel que puisse être le caractère inopérant d’un certain nombre de moyens ou arguments de défense énoncés par le président du conseil général de la Seine-et-Marne, comme de diverses pièces produites par les parties, que la requête du président du conseil général de la Dordogne doit être rejetée ;

Décide

    Art. 1er.  -  Pour la prise en charge des arrérages de l’allocation personnalisée d’autonomie de Mme X..., le domicile de secours de celle-ci est dans le département de la Dordogne.
    Art. 2.  -  La requête du président du conseil général de la Dordogne est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée au président du conseil général de la Dordogne et au président du conseil général de la Seine-et-Marne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 mars 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme AOUAR, assesseure, Mme GUILLARD, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 28 mars 2014, à 13 heures.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C.  Rieubernet