Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Allocation de compensation tierce personne (ACTP) - Conditions administratives - Régularité - Rétroactivité - Compétence juridictionnelle
Dossier no 130223

Mme X...
Séance du 26 juin 2014

Décision lue en séance publique le 26 juin 2014, à 19 heures

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale du Rhône le 26 décembre 2011 et au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 21 mars 2013, la requête présentée pour Mme X..., demeurant dans le Rhône, par Maître BRACQ, avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision du 16 mars 2010, notifiée par lettre du 27 octobre 2011, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Rhône a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 22 décembre 2008 du président du conseil général du Rhône lui refusant le bénéfice de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) pour la période du 1er mai 2006 au 1er novembre 2010, sur laquelle avait statué la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de l’Ain le 18 mars 2006, et condamner le département du Rhône à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles par les moyens que la décision de la commission départementale d’aide sociale est entachée de défaut de motivation ; que le moyen soulevé ne doit pas être éludé par le juge au moyen de sa dénaturation ; qu’elle soulevait le moyen tiré de l’application rétroactive du décret no 2005-1588 du 19 décembre 2005 ; que la commission départementale d’aide sociale n’a pas répondu à ce moyen qui ne portait pas sur la possibilité de sa « faculté d’anticiper la formulation de sa demande d’une prestation de compensation du handicap » mais sur l’application rétroactive illégale d’un texte réglementaire ; que la commission départementale d’aide sociale a commis une erreur de droit en considérant que la délégation de signature du président du conseil général du Rhône à Mme M..., responsable territoriale, était parfaitement légale, alors que l’article L. 3321-3 du code général des collectivités territoriales ne permet la délégation qu’aux responsables des services, ce que n’est pas nécessairement un responsable territorial attaché à un service du département et que n’était pas la signataire de la décision attaquée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 26 septembre 2013, le mémoire en défense du président du conseil général du Rhône tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il n’est pas de sa compétence de répondre à la question de savoir si la commission départementale d’aide sociale a répondu au moyen de droit soulevé tiré de la rétroactivité illégale, ce qui relève du domaine exclusif de la juridiction d’appel ; que son arrêté du 31 mars 2008 donnait délégation de signature et donc compétence pour signer à Mme M... responsable territoriale en charge des missions relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées, laquelle était ainsi juridiquement fondée à signer l’arrêté du 22 décembre 2008 refusant le bénéfice de l’ACTP à Mme X... ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu à prise en charge par le département du Rhône des honoraires d’avocat ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu, à l’audience publique du 26 juin 2014, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la motivation de la décision attaquée en ce qu’elle comporterait une réponse insuffisante et entachée de « dénaturation » au moyen soulevé par Mme X... devant la commission départementale d’aide sociale du Rhône tiré de la rétroactivité illégale de la décision attaquée ;
    Considérant que, contrairement à ce que soutient le président du conseil général du Rhône, il appartient à la partie défenderesse devant le juge d’appel de répondre à l’ensemble des moyens de l’appelant, y compris ceux tirés de l’irrégularité de la décision du premier juge ; que, pour autant, il appartient à la commission centrale d’aide sociale de statuer sur les moyens soulevés par Mme X... au vu dossier qui lui est soumis ;
    Considérant que, saisie d’une demande d’allocation compensatrice pour tierce personne en date du 16 novembre 2005, la commission des droits et de l’autonomie des personne handicapées de l’Ain y a statué par décision du 18 juin 2006 en accordant l’allocation à compter du 1er mai 2006 sous réserve de vérifications par le président du conseil général de la « situation administrative permettant le versement » ; que, par décision du 22 décembre 2008, le président du conseil général du Rhône a refusé l’attribution de l’allocation au motif que la demanderesse ne remplissait pas les conditions administratives dès lors « qu’elle n’avait pas le critère d’âge minimum requis, soit 20 ans, avant le 1er janvier 2006 » ; que la requérante soutenait devant la commission départementale d’aide sociale du Rhône par l’un des deux moyens soulevés que la décision attaquée avait « fait une application rétroactive du décret no 2005-1588 du 19 décembre 2005 afin d’appliquer les dispositions de la loi du 11 février 2005 à la situation de Mme X... en méconnaissance du principe de non-rétroactivité » ; qu’elle se borne en appel à faire valoir qu’en se bornant à répondre à ce moyen qu’« est, en outre, sans incidence sur les droits revendiqués le fait que la parution tardive des décrets d’application ait pu priver pour partie la requérante de la faculté d’anticiper la formulation de sa demande d’une prestation de compensation du handicap », alors que ledit moyen ne portait pas sur une telle faculté mais sur l’application rétroactive illégale d’un texte réglementaire qui n’avait pas une telle portée rétroactive, la décision attaquée est entachée d’omission à statuer sur le moyen réellement soulevé et de dénaturation dudit moyen ;
    Mais considérant que la commission départementale d’aide sociale a motivé sa décision en relevant que « Mlle X... ne peut prétendre au bénéfice d’une prestation » (l’allocation compensatrice pour tierce personne) « disparue avant la date à laquelle elle pouvait y prétendre ; s’il était possible de formuler une demande dans les six mois précédents la date d’ouverture des droits, cette facilité n’est en aucune manière créatrice de droits ; si les dispositions de l’article 95 de la loi (du 11 février 2005) ont prévu des dispositions transitoires spécifiques à cette allocation, elles ne concernent que les droits acquis de bénéficiaires et non les prétendants à une allocation future » ; que, ce faisant et quelle que puisse être la pertinence de sa réponse, le premier juge a suffisamment répondu en la forme au moyen tiré de la rétroactivité illégale de la décision attaquée du président du conseil général du Rhône et qu’ainsi la requérante n’est pas fondée à se prévaloir de ce qu’il aurait omis de répondre au moyen qu’elle aurait préalablement dénaturé tiré de la rétroactivité illégale de la décision du 22 décembre 2008, alors même que la commission départementale d’aide sociale a, par ailleurs, relevé l’absence d’incidence de la circonstance que la « parution tardive des décrets d’application ait pu priver pour partie la requérante de la faculté d’anticiper la formulation de sa demande d’une prestation de compensation du handicap », motivation qui effectivement n’était pas quant à elle de nature à répondre au moyen effectivement soulevé par Mme X... tiré de la rétroactivité illégale de la décision de rejet de l’allocation compensatrice pour tierce personne attaquée ; qu’il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;
    Sur le moyen soulevé en première instance et non repris en appel tiré, indépendamment de la critique de la régularité de la décision attaquée, de la rétroactivité illégale de la décision du président du conseil général du Rhône du 22 décembre 2008 ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale du Rhône a, quelle qu’ait pu être la pertinence de sa réponse, répondu au moyen tiré de la rétroactivité illégale de la décision administrative attaquée, comme d’ailleurs aux autres moyens soulevés en première instance ; que dans sa requête d’appel, la requérante se borne à critiquer, par le moyen auquel il vient d’être répondu, la régularité de la décision attaquée pour défaut de réponse et « dénaturation » du moyen de rétroactivité illégale soulevé en première instance ; qu’à aucun moment elle ne reprend expressément ce moyen en appel devant la commission centrale d’aide sociale statuant, comme il résulte de ce qui précède, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel ; qu’il n’appartient pas au juge d’appel, fut-il de plein contentieux de l’aide sociale, de statuer d’office sur des moyens non expressément repris en appel, indépendamment de la contestation de la régularité de la décision du premier juge, et qui ne présentent pas le caractère de moyen d’ordre public ; que, sans doute, le moyen tiré de la rétroactivité illégale d’une décision réglementaire sur le fondement de laquelle est prise une décision non réglementaire est, quant à lui, d’ordre public, mais, qu’en l’espèce, la requérante ne conteste pas la rétroactivité illégale du décret no 2005-1588 du 19 décembre 2005, dont elle fait valoir au contraire expressément qu’il présente un caractère non rétroactif, mais l’application rétroactive illégale par la décision non réglementaire attaquée dudit décret, alors que le moyen tiré de la rétroactivité illégale d’un acte non réglementaire, moyen soulevé en première instance qui n’est pas, comme il a été dit, repris en appel ne présente pas, quant à lui, le caractère d’un moyen d’ordre public ; que dans ces conditions, il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale, fut-elle juge de plein contentieux, d’y statuer ;
    Sur le moyen tiré de l’erreur de droit commise par la commission départementale d’aide sociale en ce qui concerne la compétence du signataire de la décision du 22 décembre 2008 ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale, statuant sur une décision administrative déterminant en l’espèce, par refus de la demande d’aide sociale, le droit de l’assisté à l’aide sociale, n’est pas, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à son office juridictionnel de juge de plein contentieux, en charge de se prononcer sur les vices propres de légalité externe de la décision attaquée, mais qu’il lui appartient seulement de déterminer, compte tenu des conclusions et des moyens soulevés ou des moyens d’ordre public, le droit du demandeur à l’aide sociale en tenant compte, pour déterminer ce droit, de l’ensemble des éléments de fait résultant de l’instruction ; que dans ces conditions, il n’appartenait pas à la commission départementale d’aide sociale de statuer, en l’espèce, sur le moyen tiré de l’erreur de droit entachant la décision attaquée du président du conseil général du Rhône en ce qui concerne l’application de l’arrêté du 31 mars 2008 portant délégation de signature aux directeurs d’unité territoriale et à certains collaborateurs en ce que ses auteurs ne posséderaient pas la qualité de chef de service et la requérante n’est pas fondée à se plaindre, en appel, des motifs du rejet par le premier juge d’un moyen qu’il ne lui appartenait pas d’examiner, sans qu’il y ait lieu pour la commission centrale d’aide sociale d’annuler préalablement, pour ce motif, la décision attaquée et de statuer en conséquence, non dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, mais dans celui de l’évocation ; qu’il n’appartient pas davantage à la commission centrale d’aide sociale de statuer sur le moyen dont il s’agit ;
    Sur les frais exposés non compris dans les dépens ;
    Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le département du Rhône, qui n’est pas dans la présente instance partie perdante, soit condamné à verser à Mme X... la somme qu’elle demande au titre des frais ainsi exposés ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de Mme X... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée à Mme X..., à Maître BRACQ, pour information, et au président du conseil général du Rhône. copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale du Rhône et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 juin 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme LE MEUR, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 juin 2014, à 19 heures.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C.  Rieubernet