Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Radiation - Recours - Procédure - Date d’effet - Délai - Compétence juridictionnelle - Prescription - Modalités de calcul - Précarité
Dossier no 120049

Mme X...
Séance du 23 mai 2014

Décision lue en séance publique le 4 juillet 2014

    Vu le recours formé le 10 décembre 2011 par Mme X... à l’encontre de la décision du 24 janvier 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône s’est déclarée incompétente pour traiter sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 14 décembre 2009, ne figurant pas au dossier, lui refusant toute remise gracieuse sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion et de solidarité active d’un montant total de 37 886,28 euros au titre d’une période non précisée dans le dossier mais débutant au 1er janvier 1999, au motif d’une part que « l’allocataire, interrogée par courriers du 9 juin 2010 et 20 octobre 2010 afin de compléter son dossier, a répondu mais n’a pas fourni la décision de rejet de la demande de remise de dette prise par le conseil général », d’autre part que l’intéressée devait préalablement saisir le président du conseil général, seul compétent pour statuer en première instance sur un litige relatif à une remise d’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion ;
    Mme X... sollicite une remise de la dette qui lui a été assignée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 9 avril 2013 invitant la requérante à régulariser sa contribution pour l’aide juridique de 35 euros sous peine de voir sa requête rejetée car irrecevable ;
    Vu les timbres fiscaux d’un montant de 30 euros et 5 euros acquittés par la requérante au titre de la contribution pour l’aide juridique ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 23 mai 2014, Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article L. 262-40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;
    Considérant d’autre part, qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;
    Considérant que le dossier ne fait pas apparaître à quelle date Mme X... est entrée dans le dispositif du revenu minimum d’insertion ; qu’il révèle seulement qu’à la suite d’un contrôle effectué auprès de Pôle emploi, par une décision en date du 14 décembre 2009, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a radié Mme X... du dispositif du revenu minimum d’insertion à compter de novembre 2004, au motif qu’elle exerçait une activité non déclarée depuis de nombreuses années ; que par une notification de droits et paiements en date du 14 décembre 2009, il a été assigné à l’allocataire un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion et de solidarité active d’un montant total de 37 886,28 euros ; que par une décision en date du 24 janvier 2011, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône s’est déclarée incompétente pour traiter la demande de la requérante tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 14 décembre 2009 au motif d’une part que « l’allocataire, interrogée par courriers du 9 juin 2010 et 20 octobre 2010 afin de compléter son dossier, a répondu mais n’a pas fourni la décision de rejet de la demande de remise de dette, prise par le conseil général », d’autre part que l’intéressée devait préalablement saisir le président du conseil général, seul compétent pour statuer en première instance sur un litige relatif à une remise d’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion ;
    Considérant que lorsqu’un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion adresse à la caisse d’allocations familiales, au président du conseil général, ou à la commission départementale d’aide sociale, une requête portant simultanément contestation du bien-fondé de l’indu et demande de remise gracieuse pour précarité, il y a lieu de la transmettre simultanément aux autorités compétentes pour statuer sur le bien-fondé de l’indu et sur la remise gracieuse ; que même si tel n’a pas été le cas, il appartient à la commission départementale d’aide sociale de se prononcer sur les deux terrains dès lors que le délai dont disposait le président du conseil général pour statuer sur la demande de remise gracieuse est expiré ; que telle est la situation en l’espèce ; que la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône ne s’est pas prononcée sur le recours de l’allocataire dans les conditions susmentionnées ; que sa décision, par suite, doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de Mme X... ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions précitées de l’article L. 262-40 du codede l’action sociale et des familles, l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que la commission centrale d’aide sociale a demandé au président du conseil général des Bouches-du-Rhône, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 février 2012, reçue dans les services du conseil général le 13 février 2012, de lui transmettre le dossier complet de l’intéressée, les justificatifs, la période et le mode de calcul de l’indu détecté de 37 886,28 euros, les déclarations trimestrielles de ressources signées par l’allocataire durant toute la période litigieuse, les courriers adressés à l’intéressée les 9 juin et 20 octobre 2010 ainsi que sa décision datée du 14 décembre 2009 ; qu’en dépit de cette correspondance, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône n’a fait parvenir aucune pièce ; que la commission centrale d’aide sociale a également demandé à la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 novembre 2013, reçue dans les services de ladite caisse le 21 novembre 2013, de lui faire connaître, justificatifs à l’appui, la période et le mode de calcul de l’indu détecté d’un montant total de 37 886,28 euros, ainsi que la part de l’indu correspondant à l’allocation de revenu minimum d’insertion au titre de la période correspondante ; qu’aucune réponse n’a été apportée à ce courrier ; que de surcroît, le dossier ne permet pas de préciser dans quelle mesure le recours porte sur le revenu minimum d’insertion pour lequel les juridictions d’aide sociale sont compétentes et sur le revenu de solidarité active dont le contentieux a été dévolu aux juridictions administratives de droit commun ; qu’il a lieu d’évaluer à 30 000 euros la part du trop-perçu réclamé à Mme X... au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion, antérieurement à la modification introduite le 1er juin 2009 dans l’ordre des compétences ;
    Considérant que Mme X... ne conteste pas formellement l’indu porté à son débit ; que cependant, le dossier ne permet pas de s’assurer que celui-ci a été calculé conformément au droit applicable ; qu’il n’est pas établi qu’une plainte pour fraude au revenu minimum d’insertion aurait été déposée ni, si cela avait été le cas, qu’elle aurait donné lieu à une décision de la juridiction pénale ou du parquet ; que la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône méconnaît les délais de prescription fixés par les dispositions précitées de l’article L. 262-40 du code de l’action sociale et des familles ; que la requérante sollicite une remise de dette pour précarité affirmant avoir trois enfants à sa charge, nés en 1994, 1999 et 2009, avec pour seules ressources les prestations sociales ; qu’il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en limitant l’indu d’un montant de 30 000 euros porté au débit de l’allocataire à la somme de 3 000 euros ; qu’il appartiendra à cette dernière, si elle s’y estime fondée, de solliciter un échelonnement de remboursement du reliquat de sa dette auprès du payeur départemental ;
    Considérant en outre, qu’il résulte du dossier que nonobstant le caractère suspensif conformément aux dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles sus-rappelé, du recours formé par Mme X..., il a été procédé sur ses prestations sociales à des prélèvements en vue du remboursement de l’indu ; que par suite, il y a lieu de lui restituer les sommes qui auraient été indûment récupérées ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 24 janvier 2011, ensemble la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône ne figurant pas au dossier, en date du 14 décembre 2009, sont annulées.
    Art. 2.  -  La répétition de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 30 000 euros assigné à Mme X... est limitée à 3 000 euros.
    Art. 3.  -  Les sommes illégalement prélevées viendront en déduction du reliquat de 3 000 euros dont Mme X... est finalement redevable.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de Mme X... est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera notifiée à Mme X..., au président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la Commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 mai 2014 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 juillet 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C.  Rieubernet