Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Hébergement - Frais - Curateur - Tuteur - Régularité - Légalité
 

Dossier no 130349

M. X...
Séance du 24 septembre 2014

Décision lue en séance publique le 26 septembre 2014

    Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale, sous le numéro 130349, la requête présentée par l’Union départementale des associations familiales de la Gironde en date du 25 avril 2013, tuteur de M. X..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne en date du 14 février 2013 confirmant la décision du président du conseil général de la Dordogne en date du 31 janvier 2012 qui rejette M. X... du bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à l’EHPAD du centre hospitalier H... pour la période du 1er novembre 2011 au 31 mai 2012 au motif que ses ressources y compris ses capitaux placés lui permettent de s’acquitter de ses frais de séjour ;
    La requérante soutient que les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles applicables à l’aide sociale à l’hébergement font référence à la notion de ressources et de revenus que certains biens peuvent procurer et non à la notion de capital ; qu’en l’espèce, M. X... justifie de ressources annuelles d’un montant de 11 807 euros pour l’année 2009 et 11 917 euros pour l’année 2010 soit une retraite moyenne de 993,08 euros, soit des ressources mensuelles sur l’année 2010 d’un montant de 1 048,30 euros par mois ; que le tarif hébergement de la maison de retraite étant de 41,29 euros par jour au 12 mai 2011, le coût de l’hébergement en maison de retraite est donc de 1 259,35 euros pour un mois sans prendre en compte le tarif dépendance ; qu’après calcul des ressources, dont les intérêts des capitaux, et des charges, M. X... a perçu comme revenus la somme de 1 059,67 euros par mois ; que, pour caractériser le fait que M. X... n’était pas dans une situation de besoin, le président du conseil général de la Dordogne ainsi que la commission départementale se sont fondés sur une appréciation des ressources de M. X... prenant en compte dans son calcul l’intégralité du capital mobilier de ce dernier ; que la commission départementale méconnaissait alors les dispositions combinés des articles L. 113-1 et L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles ; que la décision devra donc être annulée pour erreur de droit conformément à la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale en la matière ; qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X..., compte tenu de son budget, les frais irrépétibles engendrés par la présente procédure ; que compte tenu de la décision de rejet de prise en charge de l’aide sociale pour la période du 1er novembre 2011 au 31 mai 2012, l’EHPAD de la Gironde a considéré M. X... comme hôte payant et a pu émettre des factures en ce sens et menacer d’utiliser les différentes voies d’exécution possibles pour obtenir le règlement desdites factures ; qu’au vu de ce risque pesant sur M. X..., dans l’intérêt de la personne protégée et compte tenu du non-respect et d’une analyse erronée des textes législatifs et réglementaires étant susceptibles de causer un préjudice financier et moral à la personne hébergée, il est sollicité la condamnation du conseil général de la Dordogne à la somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne qui conclut au maintien de la décision ; il soutient qu’en application de l’article L. 131-2 du code de l’action sociale et des familles, M. X... bénéficie d’une admission à l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement et de dépendance non couverts par l’APA à l’EHPAD de la Gironde, dès son entrée en établissement, à savoir du 7 novembre 2007, au 31 octobre 2009 et du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2011, sous réserve du reversement des 9/10e des ressources, un montant minimum d’argent de poche fixé par la loi restera à la disposition de l’intéressé, reversement de l’intégralité de l’allocation logement et un recours contre donataire pourra être exercé ultérieurement ; que le 31 janvier 2012 une décision de rejet intervient pour la période du 1er novembre 2011 au 31 mai 2012 car les ressources de M. X..., y compris les capitaux placés, permettent d’acquitter les frais de séjour en EHPAD sans recourir à l’aide sociale qui présente un caractère subsidiaire ; que cette décision est motivée par la capacité financière du demandeur de subvenir à ses frais d’hébergement à cette date ; que, selon l’UDAF, le relevé de compte du demandeur à la date du renouvellement présente des ressources mensuelles de 1 019,66 euros comprenant des pensions de retraite MSA et CAMARCA pour un montant de 1 001,15 euros, des intérêts des capitaux de 18,16 euros et une allocation logement de 55,50 euros ; qu’un minimum légal d’argent de poche soit 101,97 euros est laissé à la disposition de l’hébergé, soit un revenu disponible de 973,19 euros ; que les frais d’hébergement en EHPAD s’élèvent en moyenne mensuellement à 1 266,23 euros soit un manque à recouvrer de 293,04 euros ; que M. X... détient des capitaux pour un montant de 7 264,54 euros qui lui permettent alors d’acquitter ses frais de séjour en EHPAD pendant deux ans sans recourir à l’aide de la collectivité ; qu’en application de l’article 205 du code civil, M. X... a pu solliciter l’aide de ses obligés alimentaires ; qu’au surplus, par acte du 31 mai 2005, M. a fait donation à son petit-fils, Christophe X..., de l’usufruit d’un bien sis à « G... » ; que l’état de besoin du demandeur n’est pas avéré ;
    Vu le mémoire en réplique de l’UDAF de la Gironde du 10 juillet 2013 ; il soutient que dans son mémoire, le défendeur reprend la démonstration du demandeur sur les ressources de M. X... et constate que le budget de la personne protégée est bien en déficit chronique ; que cependant, dans son argumentation, le conseil général de la Dordogne prend à la fois en compte le montant des revenus des capitaux mobiliers ainsi que leurs valeurs en capital ; que cette double intégration ne demeure pas conforme aux articles L. 132-1 et R. 132-1 et suivants du CASF ainsi qu’à la jurisprudence de la commission centrale ; que dans son mémoire, le défendeur explique que l’état de besoin de M. X... ne serait pas avéré au motif qu’il a pu solliciter l’aide de ses obligés alimentaires et qu’au surplus, par acte du 31 mai 2005, il a fait donation à son petit-fils de l’usufruit d’un bien sis à « G... » ; que la réponse du conseil général est quelque peu surprenante ; qu’en effet, lors de l’instruction des différentes demandes d’aide sociale à l’hébergement, il n’a jamais été objecté à la personne protégée que son état de besoin n’était pas avéré ; qu’ainsi, M. X... a pu être admis au bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement sur des périodes antérieures et postérieures à la décision de rejet ; que l’argument du défendeur ne saurait prospérer ; que dans ses écritures, le défendeur considère que M. X... a un manque à recouvrer de l’ordre de 293,04 euros ; que, pour leur part, le déficit chronique serait plus de l’ordre de 3 338 euros y compris les charges incompressibles que la commission ainsi que le Conseil d’Etat ont pu admettre comme déductible de l’aide sociale comme, par exemple, la cotisation mutuelle, les frais liées à la mesure de protection, le minimum laissé à disposition de la personne hébergée, les impôts... ; qu’enfin, la référence à M. X... les interpelle car lors d’un précédent dossier d’admission à l’aide sociale à l’hébergement, le conseil général avait tenu compte de la donation ;
    Vu le mémoire en réplique du président du conseil général de la Dordogne du 14 août 2013 ; il avance des observations sur la forme ; qu’en effet, la commission centrale a été saisie par un mémoire en date du 24 avril 2013 qui précise en première page qu’il est déposé « pour M. X... assisté de son curateur l’UDAF 33 » ; qu’il n’y a dans le mémoire introductif d’instance devant la commission aucune justification de cette mesure de protection et de sa réalité actuelle ; qu’il ressort des articles 467 à 469 du code civil que, dans le cadre d’une curatelle, le curateur est amené à « assister » son protégé pour certains actes ; que dans le cas d’un acte écrit, cette assistance se manifeste par l’apposition de la signature du curateur à côté de celle du protégé ; que l’action en justice fait partie des actes pour laquelle l’assistance du curateur est requise ; qu’en l’espèce, le département note que le mémoire introductif d’instance du 24 avril 2013 ne porte qu’une seule signature, d’une personne qui se dit « tuteur représentant M. X... » ; que cette mention est contradictoire avec la mention en première page du même mémoire informant de la curatelle de M. X... ; que la tutelle ne se présume pas ; que le département est en droit de douter de la régularité de ce mémoire ; que si tutelle il y a, la preuve n’en est pas apportée ; que si curatelle il y a, il aurait fallu les deux signatures, ce pour prouver l’assistance prévue par l’article 467 du code civil ; que pour que le curateur agisse seul au nom de son protégé, il aurait fallu qu’il y soit habilité par le juge ; qu’il n’y a pas non plus de preuve de cette habilitation ; que le département relève que le vice de forme de ce mémoire compte au nombre des vices régularisables en cours d’instance ; qu’il demande le prononcé de la fin de non-recevoir du mémoire introductif ; qu’il en va de même pour le mémoire en réplique ; que, concernant les observations au fond, il maintient ses écritures du précèdent mémoire ;
    Vu le mémoire en réplique no 2 de l’UDAF de la Gironde du 28 août 2013 ; il avance que par la présente et afin de rectifier l’erreur ayant pu se glisser à la fois dans le mémoire introductif d’instance et dans le mémoire en réplique, il est exposé que M. X..., par décision du tribunal d’instance de Libourne, a fait l’objet d’une aggravation de mesure et ce depuis le 31 août 2012 exercée par l’UDAF de la Gironde ; qu’aucun doute n’est donc permis sur la régularité du mémoire introductif d’instance ainsi que sur celui en réplique ; que lors de la saisine de la commission centrale, M. X... était bien placé sous tutelle de l’UDAF ; que dans son mémoire en réponse, le défendeur indique que M. « semble faire l’objet d’une mesure de protection » ; que cette affirmation peut sembler curieuse puisque de nombreux échanges avec le département ont eu lieu concernant la situation de M. X... ; que, s’il est incontestable qu’une erreur quant à la mesure de protection soit apparue, le doute sur la réalité de la mesure et sur la connaissance de la mesure par le défendeur n’est pas permis ; qu’il est demandé à la juridiction de ne pas prononcer la fin de non-recevoir du mémoire et de déclarer comme valable et recevable la requête ;
    Vu la réponse du président du conseil général de la Dordogne du 30 septembre 2013, qui dispose que le mémoire de l’UDAF n’appelle pas d’observations particulières même si l’UDAF tente de justifier la régularité quant à la mesure de protection exercée au profit de M. X... ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Vu l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale d’aide sociale entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 en application de l’article 1635 bis Q du code général des impôts ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 24 septembre 2014, Mlle SOUCHARD, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement », qu’à cette fin, conformément à l’article L. 132-1 du même code, « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire » ; que l’article R. 132-1 du même code dispose que « les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ;
    Considérant tout d’abord que concernant la régularité du recours introduit par l’UDAF de la Gironde ; que le président du conseil général de la Dordogne a bien établit qu’une erreur avait été faite lors du mémoire introductif et du premier mémoire en réplique de l’UDAF de la Gironde ; que la procédure de saisine de la commission n’est en effet pas la même lorsqu’une personne est placée sous mesure de tutelle ou de curatelle ; que, néanmoins, une erreur matérielle ne permet pas de rendre une procédure irrégulière ; qu’au vu des éléments fournis par l’UDAF de la Gironde, il apparaît que M. X... était sous tutelle lors de l’introduction de la procédure auprès de la commission ; qu’il n’y a pas lieu de déclarer la procédure irrégulière ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte pour apprécier les ressources des personnes demandant l’aide sociale des seuls revenus périodiques, tirés notamment d’une activité professionnelle, du bénéfice d’allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; qu’à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’immeuble servant d’usage principal d’habitation, il a prévu d’évaluer fictivement les revenus que l’investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; qu’en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l’estimation de ces ressources ; que les collectivités débitrices de l’aide sociale ne sont fondées à exercer, lorsque des textes spéciaux ne font pas obstacle à l’application des dispositions générales de l’article L. 132-8, qu’un recours sur le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, sur la succession, contre le donataire ou le légataire pour récupérer l’avance de l’aide sociale du vivant de l’assisté ;
    Considérant que M. X... est hébergé à l’EHPAD du centre hospitalier H... ; qu’il a fait l’objet de deux admissions au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement pour les périodes du 7 novembre 2007 au 31 octobre 2009 et du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2011 ; que lors de la demande de renouvellement, le président du conseil général de la Dordogne a rejeté M. X... du bénéfice de l’aide sociale pour la période du 1er novembre 2011 au 31 mai 2012 au motif que ses ressources y compris ses capitaux placés lui permettent de s’acquitter de ses frais de séjour ; que la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne dans sa décision en date 14 février 2013 a confirmé la décision du président du conseil général ; qu’un tel refus est contraire aux dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles, tels qu’interprétées par la jurisprudence constante du Conseil d’Etat ; que si le président du conseil général soutient que les articles L. 132-1 et R. 132-1 « ne font pas obligation de solliciter l’aide » lorsqu’un patrimoine existe, ces articles n’interdisent en rien le dépôt d’une telle demande qui doit être examinée conformément aux dispositions précitées ;
    Considérant que M. X... dispose de ressources à hauteur de 1 075,16 euros mensuelles comprenant 1 001,50 euros par mois de pensions de retraite, 18,16 euros par mois d’intérêts des capitaux placés et 55,50 euros par mois d’allocation logement ; que les frais d’hébergement s’avèrent supérieurs atteignant la somme de 1 266,23 euros par mois ;
    Considérant par ces motifs qu’il y a lieu d’annuler ensemble les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne en date du 14 février 2013 et du président du conseil général de la Dordogne en date du 31 janvier 2012 ; qu’il est rappelé que seuls les bénéfices du capital placé sont à prendre en compte dans l’analyse de la situation ;

Décide

    Art. 1er.  -  Ensembles sont annulées les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne en date du 14 février 2013 et du président du conseil général de la Dordogne en date du 31 janvier 2012 ;
    Art. 2.  -  M. X... est admis au bénéfice de l’aide sociale à l’EHPAD du centre hospitalier H... à compter du 1er novembre 2011 et l’UDAF de la Gironde est renvoyée devant le président du conseil général de la Dordogne pour liquidation de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à l’Union départementale des associations familiales de la Gironde, au président du conseil général de la Dordogne. Copie en sera adressée au ministre en charge de l’aide sociale.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 septembre 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme SOUCHARD, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 septembre 2014.
    La République mande et ordonne au ministre en charge de l’aide sociale, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C.  Rieubernet