Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Participation financière - Règlement - Ressources - Question prioritaire de constitutionnalité - Régularité
Conseil d’Etat statuant au contentieux
Dossier no 366876

Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs
Lecture du 30 décembre 2014
    Vu la procédure suivante :
    Procédure contentieuse antérieure
    L’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM) a demandé à la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir d’annuler la décision du président du conseil général d’Eure-et-Loir du 30 juillet 2010 admettant M. X... à l’aide sociale du 4 mars 2010 au 31 mars 2014, en tant qu’elle prévoit le reversement de 90 % de ses ressources, sous réserve du montant minimum de 30 % de l’allocation aux adultes handicapés.
    Par une décision du 4 avril 2011, la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir a rejeté sa demande.
    Par une décision no 120151, 120152 du 30 novembre 2012, la commission centrale d’aide sociale a rejeté les appels formés par l’ANPIHM et par l’association tutélaire d’Ille-et-Vilaine pour M. X..., contre la décision de la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir du 4 avril 2011.
    Procédure devant le Conseil d’Etat
    Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 14 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM) demande au Conseil d’Etat :
    1o D’annuler cette décision de la commission centrale d’aide sociale du 30 novembre 2012 ;
    2o De mettre à la charge du département d’Eure-et-Loir la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que, au titre des dépens, la contribution pour l’aide juridique mentionnée à l’article R. 761-1 du même code.
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu :
        -  la Constitution ;
        -  la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
        -  le code de l’action sociale et des familles ;
        -  le code de justice administrative.
    Après avoir entendu en audience publique :
        -  le rapport de Mme Marie Grosset, maître des requêtes en service extraordinaire,
        -  les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.
    La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Maître Balat, avocat de l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs et à la SCP G..., avocat du département d’Eure-et-Loir.
    Considérant ce qui suit :
    1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., personne handicapée ayant conservé son domicile de secours dans le département d’Eure-et-Loir, est accueilli depuis le 1er septembre 2009 au sein du foyer de vie « F... » géré par l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM) dans le département d’Ille-et-Vilaine. L’arrêté du président du conseil général d’Ille-et-Vilaine du 1er mars 2010 habilitant ce foyer à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale prévoit le maintien de l’allocation compensatrice pour tierce personne à laquelle le résident peut prétendre, à charge pour lui d’en reverser 90 % au gestionnaire du foyer, ainsi que 5 % de l’allocation aux adultes handicapés et le loyer résiduel non couvert par les aides au logement, à titre de participation à ses frais d’hébergement, le montant de ce versement venant, pour le calcul du prix de journée de l’établissement, en atténuation des coûts de prise en charge des personnes hébergées. Le président du conseil général d’Eure-et-Loir, compétent pour statuer sur la demande d’aide sociale de M. X..., a admis ce dernier à l’aide sociale aux personnes handicapées en prévoyant, conformément aux dispositions des articles L. 344-5 et R. 344-29 et du 1o de l’article D. 344-35 du code de l’action sociale et des familles, le reversement de 90 % de ses ressources, sous réserve qu’il conserve un montant au moins égal à 30 % de l’allocation aux adultes handicapés à taux plein.
    2. D’une part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-4 du code de l’action sociale et des familles : « Le conseil général peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations mentionnées à l’article L. 121-1. Le département assure la charge financière de ces décisions ». Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 121-1 du même code : « Les prestations légales d’aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours (...) », à l’exception de celles qui sont à la charge de l’Etat.
    3. D’autre part, en vertu de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles, les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, notamment, dans des établissements et services qui accueillent des personnes adultes handicapées sont à la charge « 1o A titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes, différent selon qu’il travaille ou non (...) / 2o Et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale (...) ». Aux termes de l’article D. 344-35 du même code : « Lorsque l’établissement assure un hébergement et un entretien complet, y compris la totalité des repas, le pensionnaire doit pouvoir disposer librement chaque mois : / 1o S’il ne travaille pas, de 10 % de l’ensemble de ses ressources mensuelles et, au minimum, de 30 % du montant mensuel de l’allocation aux adultes handicapés (...) ». Enfin, aux termes de l’article R. 344-32 du même code : « Lorsque le pensionnaire est obligé, pour effectuer les actes ordinaires de la vie, d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne et qu’il bénéficie à ce titre de l’allocation compensatrice prévue à l’article L. 245-1, le paiement de cette allocation est suspendu à concurrence d’un montant fixé par le président du conseil général (...), en proportion de l’aide qui lui est assurée par le personnel de l’établissement pendant qu’il y séjourne et au maximum à concurrence de 90 % ».
    4. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-4 du code de l’action sociale et des familles que le département dans lequel le bénéficiaire de l’aide sociale a son domicile de secours n’est tenu à la prise en charge que des prestations légales d’aide sociale. Par suite, la commission centrale d’aide sociale n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les dispositions dérogatoires au droit commun, prévoyant notamment le maintien de l’intégralité de l’allocation compensatrice pour tierce personne, prévues par le département d’Ille-et-Vilaine, où est situé le foyer « F... », n’étaient pas opposables au département d’Eure-et-Loir, où M. X... a conservé son domicile de secours.
    5. En deuxième lieu, la conformité de dispositions législatives à la Constitution ne peut être utilement contestée autrement que par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité. En l’absence d’une telle question, la commission centrale d’aide sociale n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que, la décision critiquée étant intervenue dans le respect des dispositions de l’article L. 121-4 du code de l’action sociale et des familles, l’association requérante ne pouvait utilement se prévaloir du principe d’égalité.
    6. En troisième lieu, la décision litigieuse du président du conseil général d’Eure-et-Loir n’a ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte au droit de M. X... de mener une vie familiale normale. Par suite, la commission centrale d’aide sociale n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la décision attaquée ne méconnaissait pas ce droit, tel que le garantit l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
    7. En quatrième lieu, la commission centrale d’aide sociale ne s’est pas méprise sur la portée des écritures de l’association requérante en estimant qu’elle ne contestait pas que les modalités de participation des bénéficiaires prévues par l’arrêté du président du conseil général d’Ille-et-Vilaine du 1er mars 2010, habilitant le foyer à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale étaient plus favorables que celles résultant de l’application de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles et des dispositions réglementaires prises pour son application.
    8. En dernier lieu, la commission centrale a relevé, de façon surabondante, qu’une analyse chiffrée des incidences financières des modalités de participation des bénéficiaires de l’aide sociale prévues par l’arrêté du 1er mars 2010 aurait pu utilement confirmer le caractère plus favorable des modalités de participation prévues par l’arrêté du 1er mars 2010. Une telle analyse n’étant pas nécessaire au jugement des conclusions dont elle était saisie, elle n’a commis aucune irrégularité, contrairement à ce que soutient l’association requérante, en statuant sans en ordonner la production.
    9. Il résulte de tout ce qui précède que l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision de la commission centrale d’aide sociale qu’elle attaque.
    10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à la charge de l’association requérante la contribution pour l’aide juridique prévue à l’article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date d’introduction du pourvoi.
    11. Les conclusions de l’association requérante présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions du département d’Eure-et-Loir présentées au même titre ;

Décide

    Art. 1er.  -  Le pourvoi de l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs est rejeté.
    Art. 2.  -  Les conclusions du département d’Eure-et-Loir présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs et au département d’Eure-et-Loir.
    Copie en sera adressée pour information à M. X...