Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Contrat d’insertion - Suspension - Délégation - Autorité de la chose jugée
 

Dossier no 120038

M. X...
Séance du 20 février 2014

Décision lue en séance publique le 24 juin 2014

    Vu la requête en date du 6 août 2010 introduite par Maître Virginie SANA, conseil de M. X..., qui demande l’annulation de la décision en date du 10 novembre 2009 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a rejeté le recours de M. X... tendant à l’annulation de la décision en date du 28 octobre 2008 du président du conseil général refusant de valider son contrat d’insertion ;
        Maître Virginie SANA conteste la décision en faisant valoir :
    -  la décision du 10 décembre 2008 a été prise par « le délégué à l’insertion et à la lutte contre l’exclusion » et il n’apparaît pas que le président du conseil général ait donné une délégation de « compétence » précise en la matière ;
    -  qu’en 2003, M. X... a effectué un stage de chauffeur de bus et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir trouver d’emploi après ce stage ;
    -  qu’après son stage, M. X... a crée une entreprise le 6 juillet 2005 qui a été radiée le 4 juillet 2006 ; que le département ne lui a pas versé le montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion pour les mois de novembre et décembre 2008 ainsi que la prime de Noël ;
    -  qu’il n’existe aucune disposition du code de l’action sociale et des familles qui limite le nombre de formations pouvant être prises en charge par le conseil général dans le cadre d’un contrat d’insertion ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense en date du 9 février 2012 du président du conseil général des Alpes-Maritimes qui conclut au rejet de la requête en indiquant que « le conseil général est garant de l’équité entre les allocataires (...), que M. X... change d’orientation professionnelle sans cesse et réclame à chaque fois une nouvelle orientation professionnelle (...) et que le département ne peut cautionner ce type de comportement (...) qui ne stabilise en rien la situation professionnelle vis-à-vis de son insertion » ;
    Vu le mémoire en réplique en date du 12 juin 2013 de Maître Virginie SANA qui reprend ses précédentes conclusions et fait valoir :
    -  que le président de la commission départementale d’aide des Alpes-Maritimes qui a rendu la décision attaquée n’était pas le président du tribunal de grande instance de Nice et que le président du conseil général doit établir qu’il a été nommé ou qu’il lui a été donné une délégation du président du tribunal de grande instance ;
    -  que toutes les personnes membres de la commission départementale d’aide sociale, conseillers généraux et fonctionnaires, tels que prévus par l’article 134-6 du code de l’action sociale et des familles n’ont pas assisté à la séance à laquelle a été rendue la décision attaquée ;
    -  que le commissaire du Gouvernement a assisté au délibéré alors qu’il n’a pas voix délibérative ;
    Maître Virginie SANA demande :
    -  l’annulation de la décision en date du 10 novembre 2009 de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ;
    -  le paiement de 1 000 euros à M. X..., au titre des mois de novembre et décembre 2008, au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    -  le versement de la somme de 220 euros au titre de la prime de Noël de l’année 2008 ;
    -  le versement de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761 du code de justice administrative et de supporter les entiers dépens à l’instance ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision rendue par la commission centrale d’aide sociale le 18 mars 2011 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 février 2014 M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-2-1 du code de l’action sociale et des familles : « Dans le cas où le contrat est arrivé à échéance, si, du fait de l’intéressé et sans motif légitime, le contrat n’a pas été renouvelé ou un nouveau contrat n’a pas pu être établi, le versement de l’allocation peut être suspendu par le président du conseil général après avis de la commission locale d’insertion, après que l’intéressé, assisté, le cas échéant, de la personne de son choix, a été mis en mesure de faire connaître ses observations. La suspension ne peut être prononcée lorsque la responsabilité du défaut de communication du contrat est imputable aux services chargés de le conclure avec l’intéressé » ; qu’aux termes de l’article L. 262-23 du même code : « Si le contrat d’insertion (...) n’est pas respecté, il peut être procédé à sa révision à la demande du président du conseil général ou des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion ainsi qu’à la demande de la personne mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 262-37. Si « sans motif » légitime le non-respect du contrat incombe au bénéficiaire de la prestation, le versement de l’allocation peut être suspendu. Dans ce cas, le service de la prestation est rétabli lorsqu’un nouveau contrat a pu être conclu. La décision de suspension est prise par le « président du conseil général », sur avis motivé de la commission locale d’insertion, après que l’intéressé, assisté, le cas échéant, de la personne de son choix, a été mis en mesure de faire connaître ses observations » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-28 du même code : « En cas de suspension de l’allocation au titre des articles L. 262-19 (...) ou en cas d’interruption du versement de l’allocation, le président du conseil général met fin au droit au revenu minimum d’insertion dans des conditions fixées par voie réglementaire. Lorsque cette décision fait suite à une mesure de suspension prise en application des articles L. 262-19...(...), l’ouverture d’un nouveau droit, dans l’année qui suit la décision de suspension, est subordonnée à la signature d’un contrat d’insertion » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-37, alinéa 3, du même code : « Le contenu du contrat d’insertion est débattu entre la personne chargée de son élaboration et l’allocataire. Le contrat est librement conclu par les parties et repose sur des engagements réciproques de leur part » ; qu’aux termes de l’article L. 262-38 du même code : « Le contrat d’insertion prévu à l’article L. 262-37 est établi au vu des éléments utiles à l’appréciation de la situation professionnelle, sociale, financière et de santé de l’allocataire et des personnes mentionnées au premier alinéa de cet article, et de leurs conditions d’habitat. Il comporte, selon la nature du parcours d’insertion qu’ils sont susceptibles d’envisager ou qui peut leur être proposé, une ou plusieurs des actions concrètes suivantes : 1o Des prestations d’accompagnement social ou permettant aux bénéficiaires de retrouver ou de développer leur autonomie sociale ; 2o Une orientation, précédée le cas échéant d’un bilan d’évaluation des capacités de l’intéressé, vers le service public de l’emploi ; 3o Des activités ou stages destinés à acquérir ou à améliorer leurs compétences professionnelles ou à favoriser leur insertion en milieu de travail ; 4o Un emploi aidé, notamment un contrat insertion-revenu minimum d’activité, un contrat d’avenir ou une mesure d’insertion par l’activité économique ; 5o Une assistance à la réalisation d’un projet de création ou de reprise d’une activité non salariée ; le contrat d’insertion comporte également, en fonction des besoins des bénéficiaires, des dispositions concernant : a) Des actions permettant l’accès à un logement, au relogement ou l’amélioration de l’habitat ; b) Des actions visant à faciliter l’accès aux soins, les soins de santé envisagés ne pouvant pas, en tant que tels, être l’objet du contrat d’insertion. Il fait l’objet d’une évaluation régulière donnant lieu éventuellement à un réajustement des actions précédemment définies » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 134-6 du même code : « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. Elle comprend, en outre : trois conseillers généraux élus par le conseil général ; trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l’Etat dans le département. En cas d’égal partage des voix, le président a voix prépondérante. Un commissaire du Gouvernement désigné par le préfet prononce ses conclusions sur les affaires que lui confie le président. Il n’a pas voix délibérative. Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs. Le secrétaire et les rapporteurs sont nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet. Ils ont voix délibérative sur les affaires qu’ils rapportent. Le secrétaire, les rapporteurs et les commissaires du Gouvernement sont choisis parmi les fonctionnaires ou magistrats en activité ou à la retraite » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... est entré une première fois dans le dispositif du revenu minimum d’insertion en 1989 ; qu’il a à nouveau bénéficié de ce droit de décembre 1995 à janvier 1999 ; qu’après une période d’activité professionnelle en contrat emploi solidarité, ses droits au revenu minimum d’insertion ont été ouverts, à la suite d’une troisième demande, à compter d’avril 2001 ; que depuis cette date, M. X... a bénéficié d’aides financières à la création de son entreprise de galerie de peinture ainsi que pour apurer ses dettes ; qu’il a suivi un stage rémunéré par le CNASEA au cours duquel il a obtenu le permis transport en commun ; qu’il a effectué en avril 2005 une deuxième formation à la création et gestion de pages web, financée par le conseil général ; que M. X... a cessé en 2006 son activité indépendante dans le domaine artistique ; qu’en novembre 2007, il a demandé le financement d’une formation d’anglais afin de trouver un emploi de chauffeur de grande remise qui lui a été refusée au motif qu’il travaillait régulièrement pour des missions ponctuelles dans ce secteur d’activité et était dès lors employable sans qu’une formation d’anglais soit nécessaire ; que la conclusion de nombreux contrats d’insertion depuis 2001 n’ayant pas abouti à un emploi stable, la commission locale d’insertion a informé le 11 août 2008 M. X... qu’une suspension du versement de l’allocation était envisagée au titre de l’article L. 262-23 du code de l’action sociale et des familles pour non-respect du dernier contrat conclu le 17 juillet 2008 ; que M. X... a répondu à la commission locale d’insertion par courrier en date du 18 août 2008 ; que, suivant l’avis de la commission locale d’insertion du 15 septembre 2008, le président du conseil général a prononcé le 6 octobre 2008 la suspension du versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion de M. X... ; que le nouveau contrat d’insertion présenté par ce dernier a été refusé par le président du conseil général des Alpes-Maritimes le 28 octobre 2008, et retourné par la commision locale d’insertion au service instructeur, faute de prévoir une action concrète d’insertion, l’intéressé ayant refusé une orientation vers le dispositif d’appui intensif à l’emploi ;
    Considérant que M. X... a contesté la décision de suspension de versement de son allocation devant la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes qui, par décision en date du 17 février 2009, a rejeté son recours ; qu’il a relevé appel de cette décision devant la commission centrale d’aide sociale, à qui il a été demandé de faire droit à ses conclusions présentées à cet effet devant la commission départementale d’aide sociale en rétablissant ses droits à l’allocation de revenu minimum d’insertion pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2008, augmentés de la prime de Noël, soit un montant total de 1 402 euros, et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la commission centrale d’aide sociale a, par décision en date du 18 mars 2011, rejeté son recours ;
    Considérant que M. X... a contesté le 5 janvier 2009 devant la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes la décision du 28 octobre 2008 du président du conseil général de refus de validation du contrat d’insertion ; que, par décision du 10 novembre 2009, la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a rejeté son recours au motif que l’intéressé « n’a pas fourni de justificatifs pour une recherche réelle et cohérente avec un objectif professionnel (...) » ;
    Considérant, en premier lieu, qu’il a été versé au dossier l’arrêté du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 28 janvier 2008 ; que l’article 4 de l’arrêté donne délégation de signature à M. A..., délégué à l’insertion et à la lutte contre l’exclusion ; qu’ainsi la décision de suspension du 28 octobre 2008 est valable puisque signée par l’autorité compétente à cet effet ;
    Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des règles générales de la procédure du contentieux administratif que lorsqu’une juridiction est composée de plusieurs catégories de membres désignés par des autorités différentes, sans exiger que tous les membres soient présents ou que toutes les catégories soient représentées lors du délibéré, la juridiction peut valablement siéger dès lors que le quorum est respecté, alors même que tous les membres nommés au titre d’une même catégorie seraient absents ; que, par ailleurs, la présence du commissaire du Gouvernement à la séance du 10 novembre 2009 n’implique pas qu’il ait participé au vote ; qu’ainsi l’ensemble des conclusions présentées par Maitre Virginie SANA sur ce point sont inopérantes ;
    Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des règles générales de la procédure qu’il appartient au demandeur et non au défendeur de justifier ses prétentions ; que le moyen selon lequel le président de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes qui a rendu la décision attaquée n’était pas le président du tribunal de grande instance de Nice ou n’avait pas reçu une délégation de ce dernier, nonobstant son caractère contestable s’agissant d’un magistrat exerçant son office, n’est étayé par aucun argument de droit ;
    Considérant, en quatrième lieu, que les contrats d’insertion sont librement consentis entre les parties et qu’ils doivent contenir des clauses raisonnables propres à faire aboutir la démarche d’insertion ; qu’il est constant que M. X... n’a pas respecté son contrat d’insertion ;
    Considérant que pour examiner si une formation constitue une activité d’insertion au sens des dispositions législatives susmentionnées, il convient de prendre en compte l’ensemble des circonstances de l’espèce pour apprécier s’il s’agit d’une formation brève susceptible de déboucher sur une insertion rapide, et donc strictement nécessaire à l’insertion professionnelle de l’intéressé ; que M. X... a déjà entamé plusieurs formations qui n’ont pas abouti à une insertion professionnelle ; que la nouvelle formation qu’il a demandée ne peut être regardée comme une activité d’insertion au sens de l’article L. 262-8 du code de l’action sociale et des familles ; que, par ailleurs, la suspension du versement de la prestation a été levée par décision du 19 janvier 2009, avec effet au 1er janvier 2009, M. X... ayant signé le 16 janvier 2009 un contrat d’insertion prévoyant son implication dans le dispositif d’appui intensif à l’emploi ;
    Considérant, en cinquième lieu, que, par décision en date du 18 mars 2011, la commission centrale d’aide sociale a rejeté la demande de paiement de M. X..., pour les mois de novembre et décembre 2008, au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que cette décision a acquis l’autorité et la force de la chose jugée ; qu’il découle des règles générales de procédure contentieuse qu’une juridiction ne peut, sans commettre d’erreur de droit, statuer deux fois sur un même litige ;
    Considérant, en dernier lieu, que l’article 1er du décret du 26 décembre 2007 dispose que : « Une aide exceptionnelle est attribuée aux allocataires du revenu minimum d’insertion et du revenu de solidarité active mentionné à l’article 19 de la loi du 21 août 2007 susvisée, qui ont droit à une de ces allocations au titre du mois de novembre 2007 ou, à défaut, au titre du mois de décembre 2007. / Cette aide est attribuée sous réserve que, pour ces périodes, le montant dû au titre de l’une de ces allocations ne soit pas nul. Cette aide est à la charge de l’Etat » ; que les juridictions de l’aide sociale sont incompétentes pour connaître des décisions portant refus d’attribution des aides à la charge de l’Etat, dont le contentieux ressort de la compétence des tribunaux administratifs ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. X... n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 10 novembre 2009 de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne s’appliquant pas aux litiges relevant de la compétence de la commission centrale d’aide sociale, les conclusions présentées à ce titre sont irrecevables,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours de M. X... est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée à Maître Virginie SANA, à M. X..., au président du conseil général des Alpes-Maritimes. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 février 2014 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 24 juin 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C.  Rieubernet