Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours (DOS) - Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Etranger - Hébergement - Aide ménagère - Délai - Urgence - Procédure - Radiation
 

Dossier no 130230 et 130230 bis

M. X...
Séance du 17 octobre 2014

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 15 février 2013, le recours par lequel le préfet du Doubs demande au juge de l’aide sociale de fixer dans le département du Doubs le domicile de secours de M. X... et de mettre à la charge de cette collectivité les frais d’hébergement de l’intéressé au foyer-logement F... du Doubs, où il a été admis le 2 août 2012 après avoir séjourné, en qualité de demandeur d’asile entré sur le territoire national le 18 janvier 2010, d’une part, au Centre d’accueil d’urgence des demandeurs d’asile (CAUDA), du 21 janvier au 20 septembre 2010, d’autre part, au Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) du 21 septembre 2010 au 1er août 2012, par le moyen que la première de ces deux dernières structures, gérées par l’Association d’hygiène sociale de Franche-Comté (AHS), n’a pas été autorisée comme établissement ou service social ou médico-social non acquisitif du domicile de secours ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 24 octobre 2013, le recours par lequel l’Union départementale des associations familiales (UDAF) du Doubs demande à la juridiction de céans « de bien vouloir statuer sur la difficulté qui ne permet pas l’instruction du dossier d’aide sociale » de M. X... relatif, d’une part, à la prise en charge de ses dépenses d’hébergement au foyer-logement F... du Doubs, d’autre part, à celle de ses frais d’aide ménagère ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 13 août 2013, le mémoire en réponse au recours introduit par le préfet du Doubs par lequel le président du conseil général du Doubs demande à la commission centrale d’aide sociale de rejeter les conclusions de la requête susvisée par les motifs, d’une part, que si « les services de l’Etat n’ont pas autorisé spécifiquement le CAUDA en tant qu’établissement ou service social ou médico-social [néanmoins], la nature de son activité principale est comparable, voire identique, à celle d’un CADA », d’autre part, que M. X..., compte tenu des circonstances de son entrée sur le territoire national, n’a pu librement choisir sa résidence « en raison de l’urgence constatée » ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 12 mai 2014, le mémoire en réponse au recours introduit par l’UDAF du Doubs par lequel le président du conseil général du Doubs renvoie à ses précédentes écritures susvisées et précise qu’en tout état de cause M. X... ne pourra bénéficier de l’aide pour services ménagers à défaut d’avoir résidé en France depuis quinze ans au moins avant son soixante-dixième anniversaire, conformément à l’article L. 111-2 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 octobre 2014 M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la jonction des requêtes ;
    Considérant que les recours susvisés concernent la prise en charge des frais de séjour de M. X... au foyer-logement F... du Doubs depuis le 2 août 2012 et des services ménagers qui lui sont dispensés en outre au titre d’une prise en charge distincte ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une seule décision ;
    Sur la requête en date du 14 février 2013 du préfet du Doubs enregistrée sous le numéro 130230 ;
    Considérant que pour l’application du I de l’article R. 131-8 du code de l’action sociale et des familles, le délai de recours contentieux peut être, ainsi qu’il n’est d’ailleurs pas contesté, prorogé par la présentation par le préfet, dans ce délai, d’un recours administratif préalable au président du conseil général qui l’a saisi de sa décision ne reconnaissant pas la compétence d’imputation financière du département pour la prise en charge de frais d’aide sociale et, à réception de la décision expresse par laquelle l’autorité saisissante maintient sa position initiale, saisir alors seulement dans le délai, en l’espèce respecté, d’un mois de la notification du rejet de son recours administratif préalable, la commission centrale d’aide sociale ;
        Considérant que la circonstance que dans sa lettre enregistrée le 12 mai 2014, en réponse d’ailleurs à la communication de la lettre de l’UDAF du Doubs alors considérée en l’état de l’instruction comme une requête distincte de celle du préfet du Doubs, le président du conseil général du Doubs ait indiqué qu’en aucun cas M. X... ne pourrait voir pris en charge les services ménagers - et non les frais d’hébergement en foyer-logement - compte tenu de la durée de sa résidence en France avant 70 ans, demeure en tout état de cause sans incidence sur la suite à donner aux conclusions du préfet concernant en tout état de cause également - et essentiellement... - les frais exposés au titre de la prise en charge en foyer-logement ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’action sociale et des familles : « Les dépenses d’aide sociale prévues à l’article L. 121-1 sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours. » ; que, conformément à l’article L. 122-2, celui-ci « (...) s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l’aide sociale, au domicile d’un particulier agréé ou faisant l’objet d’un placement familial en application des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3, qui conservent le domicile de secours qu’elles avaient acquis avant leur entrée dans l’établissement et avant le début de leur séjour chez un particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial est sans effet sur le domicile de secours. » ; qu’en application de l’article L. 122-3, il se perd « 1o Par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial, organisé en application des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3 précités ; 2o Par l’acquisition d’un autre domicile de secours. » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-7 du même code sont à la charge de l’Etat « 1o Les dépenses d’aide sociale engagées en faveur des personnes mentionnées aux articles L. 111-3 (...) », c’est-à-dire celles « dont la présence sur le territoire métropolitain résulte de circonstances exceptionnelles et qui n’ont pu choisir librement leur lieu de résidence, ou [pour lesquelles] aucun domicile fixe ne peut être déterminé » ;
    Considérant qu’il suit de ce qui précède que le département est débiteur de l’aide sociale accordée aux personnes ayant un domicile de secours ; que l’Etat en est redevable uniquement lorsque les bénéficiaires n’ont pas de domicile de secours ou l’ont perdu sans en avoir acquis un nouveau et n’ont pas de domicile fixe déterminé, ou bien quand les assistés sont présents sur le territoire métropolitain en raison de circonstances exceptionnelles et n’ont pu librement choisir leur résidence ;
    Considérant, en l’espèce, que M. X..., de nationalité angolaise, est entré en France le 18 janvier 2010 et a déposé une demande d’asile politique au vu de laquelle il a obtenu le statut de réfugié le 7 mars 2012 ; qu’il a séjourné de manière habituelle au CAUDA du Doubs, géré par l’AHS de Franche-Comté, du 21 janvier au 20 septembre 2010 ; qu’il n’est pas allégué et ne ressort d’aucune pièce du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale, que l’arrivée de M. X... sur le territoire résulte de circonstances exceptionnelles au sens de l’article L. 111-3 ; que si le président du conseil général du Doubs se prévaut de l’existence de circonstances de la nature de celles qui, aux termes de l’article L. 122-3, ne font courir le point de départ du délai de trois mois au terme duquel l’absence de l’assisté dans le département où il a acquis son domicile de secours intervient que pour compter de la date à laquelle lesdites circonstances « excluant toute liberté de choix » ont disparu, il ne soutient, ni même n’allègue, que la présence de M. X... en France métropolitaine « résulte de circonstances exceptionnelles », condition nécessaire, outre celle de l’absence de possibilité du choix du lieu de résidence, pour que, selon l’article L. 111-3, l’Etat soit compétent dans cette hypothèse ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 122-3 pour que le « délai d’absence » puisse commencer à courir ne sont pas réunies est inopérant ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté que le Centre d’accueil d’urgence des demandeurs d’asile (CAUDA), où M. X... a résidé du 21 janvier au 20 septembre 2010 avant d’être admis au Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) du 21 septembre 2010 au 1er août 2012, puis au foyer « F... » dont la prise en charge du tarif par l’aide sociale est litigieuse, n’était pas, durant la période où M. X... y a résidé, autorisé par l’autorité administrative compétente conformément aux dispositions en vigueur en 2010 de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles aux termes desquelles « la création, la transformation ou l’extension des établissements et services mentionnés à l’article L. 312-1 sont soumises à autorisation » ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’argumentation du préfet requérant selon laquelle il résulterait des dispositions combinées des articles L. 345-1, L. 345-2-2 et L. 348-1 sq. qu’en aucun cas une personne accueillie dans un CAUDA - et non dans un CADA - ne pourrait acquérir dans ledit CAUDA, qui ne saurait en aucun cas être autorisé, un domicile de secours, il suffit de constater pour trancher le présent litige qu’en fait le CAUDA du Doubs n’était pas durant la période litigieuse autorisé au titre des articles précités et qu’en conséquence, M. X... y a acquis par un séjour durant plus de trois mois avant de séjourner dans un CADA, établissement social puis, au foyer-logement « F... » dont les frais sont en litige, autre établissement social, un domicile de secours ;
    Considérant, en outre, que la qualité de demandeur d’asile demeure sans incidence sur l’application des dispositions relatives à l’acquisition et à la perte du domicile de secours, dès lors que le demandeur d’asile n’est pas nécessairement au nombre des personnes mentionnées à l’article L. 111-3 précité « dont la présence sur le territoire métropolitain résulte de circonstances exceptionnelles et qui n’ont pu choisir librement leur lieu de résidence », comme il résulte de ce qui précède, non plus, ce qui n’est pas en litige, qu’au nombre de celles « pour lesquelles aucun domicile fixe ne peut être déterminé » ; qu’il suit de là que M. X... qui n’a pas été, dès son arrivée en France, admis dans un établissement social mais a résidé pendant plus de trois mois dans une structure ne pouvant être regardée comme un établissement social autorisé a ainsi acquis son domicile de secours dans le département du Doubs et ne l’a pas ultérieurement perdu ; que c’est en conséquence au département du Doubs qu’incombe la prise en charge des frais litigieux ;
    Considérant qu’il n’est pas interdit à la commission centrale d’aide sociale d’ajouter que l’équité (sans aucun doute), voire la cohérence intellectuelle, de la présente solution ne vont pas de soi ; qu’en effet, M. X..., réfugié angolais, arrivé en France par le hasard des circonstances sur le territoire du département du Doubs et non d’un autre, va se trouver, à l’âge de 70 ans, sans avoir jamais eu la moindre attache avec ce département, jusqu’à la fin de sa vie à charge de l’aide sociale départementale, sous réserve, le cas échéant, de certaines exceptions telle celle invoquée de manière inopérante dans les présentes instances par le département du Doubs, en ce qui concerne les services ménagers ; que toutefois, le juge ne rédige pas la loi et que les interprétations prétoriennes ont leurs limites ; qu’en l’état le Conseil d’Etat par l’interprétation prétorienne des règles applicables de sa décision département des Pyrénées-Atlantiques a considéré qu’une personne, qui à son arrivée en France est admise dans un établissement social non acquisitif de domicile de secours, est à charge de l’Etat ; que la commission centrale d’aide sociale en a déduit qu’une personne, qui sans qu’elle ne relève de l’article L. 111-3, arrive ou revient en France en provenance de l’étranger et ne réside pas plus de trois mois consécutifs sur le territoire d’un département hors établissement sanitaire ou social, doit voir également ses frais mis à charge de l’Etat ; que par contre, dans la présente instance où M. X... a résidé sur le territoire du département du Doubs plus de trois mois consécutifs à compter de son arrivée en France, hors admission dans un établissement social autorisé, il apparait qu’il échet de considérer qu’il a bien acquis dans le département du Doubs son domicile de secours qu’il n’a pas ultérieurement perdu par ses séjours au CAUDA puis au CADA et qu’ainsi les frais d’aide sociale, en tout cas pour la prise en charge du logement-foyer « F... » du Doubs, sont à charge du département ; que la commission centrale d’aide sociale considère, d’une part qu’il n’est pas possible d’étendre à la situation de l’espèce une interprétation « prétorienne » ménageant une solution plus cohérente et en tout cas plus équitable, d’autre part que l’ensemble des situations de la sorte sont induites par les modalités d’insertion dans le dispositif normatif antérieurement existant d’imputation financière des dépenses d’aide sociale de la loi du 6 janvier 1986 qui ont constamment confronté et confrontent encore le juge de l’aide sociale à de réelles difficultés d’interprétation et d’application ; qu’en cette matière, comme dans d’autres, dont la « litigiosité » est importante devant la présente juridiction, la situation procède de l’absence de réexamen d’ensemble des dispositions applicables jamais intervenues ; que c’est en cet état qu’il y a lieu, sauf si la commission centrale d’aide sociale a, ce qu’elle n’exclut jamais dans les litiges de cette nature, erré dans la combinaison des diverses dispositions applicables, de faire droit aux conclusions de la requête du préfet du Doubs ;
    Sur la requête de l’UDAF du Doubs enregistrée sous le numéro 130230 bis ;
    Considérant qu’il résulte de l’examen de cette requête, que l’UDAF du Doubs ne formulait pas une requête distincte, ni même une intervention au soutien de la requête du préfet du Doubs enregistrée sous le numéro 130230, comme a seulement permis de l’établir l’examen du dossier par la juridiction ; qu’en réalité, l’UDAF du Doubs, avisée de la transmission du dossier d’aide sociale de M. X... par le président du conseil général du Doubs au préfet du même département et sans doute de la saisine par celui-ci le 14 février 2013 de la commission centrale d’aide sociale au titre de l’article L. 134-3, a seulement entendu solliciter un examen diligent du litige par la présente juridiction, compte tenu des incidences de l’absence de solution de ce litige dérivé d’imputation financière sur la situation de l’assisté ; que, dans la présente instance, la commission centrale d’aide sociale n’a pu toutefois statuer sur le litige que le 17 octobre 2014, soit un an après la lettre de l’UDAF, solution certes peu opportune en l’espèce mais qui procède des « moyens » de la présente juridiction, observation faite que n’existe plus, depuis qu’elle est compétente dans le cadre de l’article L. 134-3, la procédure de référé qui dans certains cas existait devant le juge administratif de droit commun lorsque celui-ci était compétent en matière d’imputation financière des dépenses ; que c’est en cet état, qu’il y a lieu de radier le document enregistré comme une requête sous le numéro 130230 bis des registres de la commission centrale d’aide sociale ;

Décide

    Art. 1er.  -  Pour la prise en charge des frais d’aide sociale de M. X..., le domicile de secours de celui-ci est dans le département du Doubs.
    Art. 2.  -  La lettre de l’UDAF du Doubs en date du 23 octobre 2013, enregistrée sous le numéro 130230 bis comme une « requête », est radiée des registres de la commission centrale d’aide sociale.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée au préfet du Doubs, au président du conseil général du Doubs et, pour information, à l’Union départementale des associations familiales du Doubs. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 octobre 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet