Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Récupération sur donation - Charges - Obligation alimentaire
 

Dossier no 130351

Mme X...
Séance du 24 septembre 2014

Décision lue en séance publique le 26 septembre 2014

    Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale, sous le numéro 130351, la requête présentée par Mme Y... en date du 9 mai 2013, héritière de Mme X..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Jura en date du 2 avril 2012 confirmant la décision du président du conseil général du Jura en date du 4 novembre 2011 qui décide de la récupération d’une partie de la créance d’aide sociale au titre des services ménagers et frais de repas de Mme X..., limitée au montant des sommes perçues par chaque donataire soit 9 300 euros pour M. Z... et 9 300 euros pour Mme Y... ;
La requérante soutient qu’en toute bonne foi, elle n’a jamais été informée des conséquences de l’admission à l’aide sociale ; qu’aucun document quel qu’il soit ne lui est parvenu pour l’alerter sur les risques encourus ; que sa mère a fait à ses deux enfants, une donation-partage en février 2003 d’une terre agricole ; que son frère, devenu le seul propriétaire, a racheté sa part ; que cette somme lui a permis d’envisager des soins dentaires et ophtalmologiques onéreux et de placer le restant en prévision d’un soutien financier pour sa mère ; qu’en janvier 2004, à l’arrivée de sa mère à la résidence mutualiste R..., elle a apporté tous les soins nécessaires à son adaptation ; que de juin 2005 à mars 2011 (date de son décès) sa participation financière s’est élevée à 12 390,45 euros dont elle joint les attestations ; qu’à cela s’ajoutait les frais annexes tels que le coiffeur, la pédicure et les médicaments non remboursés ; que le 14 mars 2011, elle a, avec son frère, participé aux frais d’obsèques de sa mère soit un montant de 2 884,40 euros ; que suite au décès de sa mère, elle a subi de lourds dommages tels que la fracture de la cheville droite, un accident de la route et un acte de vandalisme sur le nouveau véhicule, qui ont entraîné des dépenses supplémentaires ; que depuis novembre 2008, elle bénéficie d’une pension civile mensuelle de l’éducation nationale qui s’élève à 1 478,58 euros ; que ses charges atteignent un montant d’environ 1 235 euros ; que bien que non imposable les dernières années, elle le sera en 2013 pour les revenus 2012 (n’ayant plus sa mère à charge) ; qu’après un divorce prononcé en 1989, elle a occupé avec sa fille un logement social type 3 ; qu’elle a élevé sa fille seule sans bénéficier de pension alimentaire étant donné que le père est au chômage et insolvable ; que pour des raisons de nuisances, d’insolvabilité et d’insécurité dans le quartier classé zone sensible, elle a dû quitter cet appartement ; que depuis le 1er août 2013, elle réside dans un logement social type 2 dans l’agglomération de la Côte-d’Or ; que le loyer et les charges ont augmenté ce qui rend difficile sa situation financière ; que ses loisirs sont inexistants par manque de moyens ; que l’attribution de ce nouveau logement social démontre bien la modestie de ses revenus ; qu’âgée aujourd’hui de 65 ans, elle aspire à retrouver un équilibre et profiter de quelques années de sérénité car sa santé s’est fragilisée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense présenté par le président du conseil général du Jura tendant au maintien de la décision ; il soutient que Mme X... est décédée le 14 mars 2011 et a été bénéficiaire de l’aide sociale au titre des services ménagers du 1er août 1994 au 30 juin 2002 et des frais de repas du 1er mai 1997 au 30 avril 2001 ; que la créance départementale s’élève à 19 667,42 euros ; que selon un acte notarié établi le 8 février 2003, Mme X... a fait donation de ses biens à ses deux enfants, évaluée à 18 600 euros ; qu’en application de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, un recours peut être exercé lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande ou dans les dix ans qui l’ont précédée ; qu’il convient de rappeler qu’aucun texte ni aucun principe général n’impose à l’administration, lorsqu’elle accorde une prestation, d’informer le successeur éventuel du bénéficiaire de l’exercice possible d’un recours en récupération ; que toutefois depuis 1998, cette information a été apportée au dos de chaque dossier de renouvellement ; que dans le cadre d’un recours contre donataire, il n’a pas été fixé de seuil de récupération à 46 000 euros comme cela a été prévu pour un recours sur la succession ; qu’une demande d’aide sociale, déposée en janvier 2004 pour la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X... à la résidence R..., avait fait l’objet d’un refus au motif que l’intéressée aidée de ses obligés alimentaires était en mesure de régler les frais ; qu’à l’époque cette décision avait été prise en fonction des ressources des obligés alimentaires qui leur permettaient de contribuer à l’hébergement de leur mère, sans tenir compte qu’une donation avait été effectuée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Vu l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale d’aide sociale entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 en application de l’article 1635 bis Q du code général des impôts ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 24 septembre 2014, Mlle SOUCHARD, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département :1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ;
    Considérant que s’agissant d’un recours exercé sur la donation d’un bénéficiaire de l’aide sociale, les deux conditions de l’existence de la donation et de l’admission du bénéficiaire à l’aide sociale doivent être réunies ; qu’une donation, effectuée par les bénéficiaires de l’aide sociale postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande, peut être récupérée par le département ; qu’il s’agit d’un droit dont dispose le département ou l’Etat ; que lorsque le département a connaissance d’une telle donation, il est de son droit d’en demander la récupération à hauteur des sommes effectivement versées au titre de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement à la date de la décision ;
    Considérant que Mme Y... a bénéficié d’une donation de Mme X..., sa mère, bénéficiaire de l’aide sociale ; que cette donation est datée du 8 février 2003 ; que la première demande de prise en charge aide sociale a été déposée à une date non précisée mais que la première admission est datée de 1994 et que des renouvellements successifs ont eu lieu jusqu’en 2002 ; que le délai de dix ans prévu par l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles n’est pas atteint ; que la donation peut être récupérée ; que les biens donnés atteignent la somme de 9 300 euros ;
    Considérant que Mme X... a été admise à l’aide sociale au titre des services ménagers du 1er août 1994 au 30 juin 2002 et des frais de repas du 1er mai 1997 au 30 avril 2001 ; que Mme X... est décédée le 14 mars 2011 ;
    Considérant qu’il appartient à la commission d’admission à l’aide sociale, sous contrôle du juge de l’aide sociale, de modérer le montant de la récupération si l’état d’impécuniosité, la situation sociale ou la santé de l’intéressé le justifient ;
    Considérant que la requérante soutient qu’en toute bonne foi, elle n’a jamais été informée des conséquences de l’admission à l’aide sociale ; qu’aucun document quel qu’il soit ne lui est parvenu pour l’alerter sur les risques encourus ; que sa mère a fait à ses deux enfants une donation-partage en février 2003 d’une terre agricole ; que son frère, devenu le seul propriétaire, a racheté sa part ; que cette somme lui a permis d’envisager des soins dentaires et ophtalmologiques onéreux et de placer le restant en prévision d’un soutien financier pour sa mère ; qu’en janvier 2004, à l’arrivée de sa mère à la résidence mutualiste R..., elle a apporté tous les soins nécessaires à son adaptation ; que de juin 2005 à mars 2011 (date de son décès) sa participation financière s’est élevée à 12 390,045 euros dont elle joint les attestations ; qu’à cela s’ajoutaient les frais annexes tels que le coiffeur, la pédicure et les médicaments non remboursés ; que le 14 mars 2011, elle a, avec son frère, participé aux frais d’obsèques de sa mère soit un montant de 2 884,40 euros ; que suite au décès de sa mère, elle a subi de lourds dommages tels que la fracture de la cheville droite, un accident de la route et un acte de vandalisme sur le nouveau véhicule, qui ont entraîné des dépenses supplémentaires ; que depuis novembre 2008, elle bénéficie d’une pension civile mensuelle de l’éducation nationale qui s’élève à 1 478,58 euros ; que ses charges atteignent un montant d’environ 1 235 euros ; que bien qu’imposable les dernières années, elle le sera en 2013 pour les revenus 2012 (n’ayant plus sa mère à charge) ; qu’après un divorce prononcé en 1989, elle a occupé avec sa fille un logement social type 3 ; qu’elle a élevé sa fille seule sans bénéficier de pension alimentaire étant donné que le père est au chômage et insolvable ; que pour des raisons de nuisances, d’insolvabilité et d’insécurité dans le quartier classé zone sensible, elle a dû quitter cet appartement ; que depuis le 1er août 2013, elle réside dans un logement social type 2 dans l’agglomération de la Côte-d’Or ; que le loyer et les charges ont augmenté ce qui rend difficile sa situation financière ; que ses loisirs sont inexistants par manque de moyens ; que l’attribution de ce nouveau logement social démontre bien la modestie de ses revenus ; qu’âgée aujourd’hui de 65 ans, elle aspire à retrouver un équilibre et profiter de quelques années de sérénité car sa santé s’est fragilisée ;
    Considérant qu’au vu des éléments fournis, Mme Y... dispose de ressources à hauteur de 1478,58 euros par mois ; que ses charges atteignent la somme d’environ 1 200 euros ; que lors du placement en maison de retraite de sa mère, l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement leur a été refusée ; qu’au vu des attestations fournies par l’établissement, la participation financière de Mme Y... fut de 12 390,45 euros ;
    Considérant qu’au regard de ces éléments, la demande d’allègement de la créance ne peut qu’être admise ; que la récupération est diminuée à la somme de 4 650 euros ; que concernant l’étalement de la dette, il revient à la requérante d’en faire la demande elle-même à la paierie départementale ; que la commission ne peut intervenir à ce niveau ; qu’elle est donc invitée à contacter la paierie départementale,

Décide

    Art. 1er.  -  Sont annulées les décisions de la commission départementale d’aide sociale du Jura en date du 2 avril 2012 et du président du conseil général du Jura en date du 4 novembre 2011.
    Art. 2.  -  La récupération au titre de la donation perçue par Mme Y... est diminuée à la somme de 4 650 euros au regard de sa situation personnelle.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à Mme Y..., au président du conseil général du Jura. Copie en sera adressée au ministre en charge de l’aide sociale.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 septembre 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme SOUCHARD, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 26 septembre 2014.
    La République mande et ordonne au ministre en charge de l’aide sociale, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet