Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Ressources - Déclaration - Surendettement - Compétence juridictionnelle - Prescription - Précarité
 

Dossier no 130250

Mme X...
Séance du 4 juillet 2014

Décision lue en séance publique le 3 octobre 2014

    Vu le recours formé le 3 février 2013 par Mme X... à l’encontre de la décision du 12 décembre 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de réformation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 31 août 2009 ne figurant pas au dossier, lui accordant une remise de dette partielle à hauteur de 54 658,27 euros sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 77 717,51 euros, décompté au titre de la période du 1er novembre 1990 au 31 mars 2008, pour non-déclaration de son activité salariée exercée de novembre 1990 à avril 2008, des salaires perçus à ce titre, et de la pension d’invalidité attribuée depuis février 2007 sur les déclarations trimestrielles de ressources ;
    Mme X... reconnaît les omissions de déclaration reprochées, affirmant avoir agi en raison des difficultés financières qu’elle rencontrait à l’époque ; elle a un dossier de surendettement en cours, vit seule avec des revenus mensuels de 640 euros et « une complémentaire » à hauteur de 598 euros par trimestre ; elle sollicite une remise du solde de sa dette ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que Mme X... s’est acquittée de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts depuis le 1er octobre 2011 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 4 juillet 2014 Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. » ; qu’aux termes de l’article L. 262-40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;
    Considérant d’autre part, qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;
    Considérant que Mme X... a déposé une demande de revenu minimum d’insertion le 24 avril 1990 au titre d’une personne isolée, locataire, sans activité ni ressources hormis les prestations sociales, et sans enfant à charge ; que comme suite à un contrôle de ressources et de situation de l’intéressée en date du 2 avril 2007, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a constaté une différence entre les ressources que l’allocataire avait portées sur sa déclaration fiscale de 2005 et celles indiquées dans ses déclarations trimestrielles de ressources ; qu’il est apparu que la requérante n’avait jamais déclaré d’une part son activité salariée exercée du 23 novembre 1990 au 7 avril 2008 et les revenus perçus à ce titre, d’autre part, une pension d’invalidité d’un montant annuel de 8 748,62 euros versée à compter du 1er février 2007 ; qu’il suit de là que Mme X... a été radiée du dispositif du revenu minimum d’insertion par une décision de la caisse d’allocations familiales en date du 18 avril 2008, et qu’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 77 717,51 euros décompté au titre de la période du 1er novembre 1990 au 31 mars 2008 a été assigné à l’allocataire ; que par une décision en date du 12 décembre 2012, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté une demande de réformation d’une décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 31 août 2009 ne figurant pas au dossier, accordant à l’allocataire une remise partielle de dette d’un montant de 54 658,27 euros, laissant à la charge de Mme X... un solde d’indu s’élevant à 23 059,24 euros ;
    Considérant que pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure de remise gracieuse des dettes résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général pour accorder ou refuser la remise gracieuse d’une dette, mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressé d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône ne s’est pas interrogée sur la question de savoir si la situation de précarité de l’allocataire justifiait ou non qu’il lui soit accordé une majoration de la remise déjà consentie par le président du conseil général ; qu’il en résulte qu’elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de Mme X... ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions précitées de l’article L. 262-40 du code de l’action sociale et des familles, l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que la commission centrale d’aide sociale a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône, par lettre en date du 25 juin 2013, reçue dans les services concernés le 1er juillet 2013, de lui transmettre le dossier complet de l’intéressée, les justificatifs, la période et le mode de calcul de l’indu détecté de 77 717,51 euros, les déclarations trimestrielles de ressources signées par l’allocataire durant toute la période litigieuse, ainsi que la décision de remise partielle du président du conseil général datée du 31 août 2009 ; qu’en dépit de cette correspondance, le préfet n’a que partiellement fait droit à cette demande ;
    Considérant que Mme X... reconnaît les omissions déclaratives reprochées ; que de nombreux bulletins de salaire produits, ainsi qu’un certificat de travail en date du 24 avril 2008, attestent que Mme X... a été salariée en qualité d’employée dans les services généraux de la clinique C... au titre de la période du 23 novembre 1990 au 7 avril 2008 ; que celle-ci a également bénéficié d’une pension d’invalidité d’un montant annuel de 8 748,62 euros à compter du 1er février 2007 ; qu’ainsi, l’indu est fondé dans son principe ; que l’intéressée ne conteste pas formellement le montant de celui-ci ; qu’il n’est pas établi qu’une plainte pour fraude au revenu minimum d’insertion aurait été effectivement déposée ni, si cela avait été le cas, qu’elle aurait donné lieu à une décision de la juridiction pénale ou du parquet ; que le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a d’ailleurs déjà accordé à Mme X... une remise importante de dette d’un montant de 54 658,27 euros ; que la requérante sollicite une majoration de la remise déjà consentie pour précarité, affirmant vivre seule avec des revenus mensuels de 640 euros et une « complémentaire » à hauteur de 598 euros par trimestre ; qu’elle a déposé un dossier de surendettement ; qu’il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en ramenant le reliquat de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion laissé à la charge de Mme X..., de 23 059,24 euros à la somme de 10 000 euros ; qu’il appartiendra à la requérante, si elle s’y estime fondée, de solliciter un échelonnement du remboursement de sa dette auprès du payeur départemental ;
    Considérant en outre, qu’il résulte du dossier que nonobstant le caractère suspensif conformément aux dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles sus rappelé, du recours formé par Mme X..., il a été procédé sur ses prestations sociales à des prélèvements en vue du remboursement de l’indu ; que les sommes illégalement récupérées viendront en déduction du reliquat d’indu de 10 000 euros dont Mme X... est finalement redevable,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision en date du 12 décembre 2012 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône est annulée.
    Art. 2.  -  La répétition de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant initial de 77 717,51 euros laissé à la charge de Mme X... est limitée à 10 000 euros.
    Art. 3.  -  La décision du 31 août 2009 du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, ne figurant pas au dossier, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
    Art. 4.  -  Les sommes illégalement prélevées viendront en déduction de reliquat d’indu de 10 000 euros dont Mme X... est finalement redevable.
    Art. 6.  -  La présente décision sera notifiée à Mme X..., au président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 4 juillet 2014 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 3 octobre 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet